Portraits d'ardéchois

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Anne de Lévis, comte de La Voulte,
puis duc de VENTADOUR et pair de France

1569-1622


baron de Donzenac, de La Roche-en-Régnier et d'Annonay
Chevalier du Saint-Esprit

Blason des Lévis-Ventadour

Blason: "Ecartelé, au 1er bandé, d'or et de gueules de six pièces qui est Thouars-Villars; au 2ème, d'or à trois chevrons de sable qui est Lévis; au 3ème, de gueules aux trois étoiles d'or qui est Anduze; au 4ème, d'argent au lion de gueules qui est Layre; sur le tout échiqueté d'or et de gueules qui est Ventadour".

 

 

 

Les origines de la maison de Lévis

Il convient de faire une mise au point succinte sur les origines de la maison de Lévis ou Lévy,  - car les deux orthographes sont indifféremment employées dans les anciens documents - : la première répondant à l'histoire, et la seconde à la légende.

C'est en effet, du fief de Lévis – (de Saint-Nom-de-Lévy, le pays fut appelé Lévy-Saint-Nom, pour prendre l'appellation actuelle de Lévis-Saint-Nom - localité située entre Rambouillet et Versailles, en Yvelines) que cette famille tire son nom. Mais, comme à cause de son ardent et constant attachement à la religion et à la monarchie, les deux grandes institutions dans lesquelles se personnifiait autrefois la patrie, son chef avait mérité le titre de maréchal de la foi, qui fut si longtemps porté dans la branche aînée; la ferveur populaire n'hésita pas à la rattacher à la tribu sacrée de Lévy et à faire des Lévis les propres cousins de la Sainte Vierge…

La maison était l'une des plus antiques et nobles de France.

Le plus ancien seigneur de Lévis, connu sous le règne de Philippe Auguste, est Philippe de Lévis (vers 1179), dont le fils Gui 1er fit à Notre-Dame de la Roche la première donation qui permit l'édification de l'Abbaye (1190). Gui 1er s'engagea dans la croisade contre les Albigeois, auprès de Simon de Montfort. En récompense des services accomplis il recevra un fief composé de terres comprenant la seigneurie de Mirepoix et le pays environnant (l'Ariège actuel) et Florensac dans l'Hérault, ainsi que les titres de Maréchal d'Albigeois, de seigneur de Mirepoix et de Montségur. Il épouse Guiburge fille de Simon de Montfort.

Jusqu'au XIVe siècle la seigneurie est partagée également à chaque génération. De là, outre la branche aînée aujourd'hui éteinte, un grand nombre de branches collatérales. Parmi ces branches, les vicomtes de Lautrec, d'où sont issus les barons de La Voulte, devenus plus tard ducs de Ventadour.

Faits et gestes d'Anne de Lévis

Anne de Lévis, duc de Ventadour est né vers 1569, il est le deuxième fils de Gilbert III de Lévis, comte puis duc de Ventadour, baron de Cornillon et Pair de France, et de Catherine de Montmorency (la fille de Henri Ier duc de Montmorency et d'Antoinette de Lamarck).

Lorsqu'il succéda à son père Gilbert III en 1591, comme gouverneur du Limousin, Anne de Lévis s'était déjà illustré en Flandres en 1581 auprès du duc d'Alençon.

Anne de Lévis était, comme son oncle, le connétable de Montmorency, un ardent partisan d'Henri IV, et à ce titre, il écrasa les forces de la Ligue à Limoges et en 1591, défit entièrement les ligueurs, près de Souillac en Quercy. Le chanoine de Banne rapporte dans ses mémoires qu'il échappa à un complot fomenter par l'évêque de Limoges :

“Mais les ligueurs furent déçus de leur résolution…il se rendit à la maison de ville, fit fermer les portes d'icelle, et dans deux paroles, il changea le cœur des soldats qui s'estoient donnés aux traîtres et les remit au service du Roy, fit braquer les canons et les tirer contre l'église Saint Martial, où les ligueurs avoient fait dessein de se fortifier. Les ligueurs effrayés, aulcuns sautèrent des murailles, entre lesquels fut l'Évesque qui se rompit une cuisse; les autres furent tous pris, les gentilshommes eurent la tête coupée, les officiers de justice pendus et estranglés avec leur robe, avec plusieurs soldats. La ville continua au service du Roy, par la sage conduite de ce jeune seigneur, n'estant alors que le comte de La Voulte, d'autant que son père, messire Gilbert de Lévy, vivoit encore…”

Il fut comte de La Voulte et duc de Ventadour, pair et lieutenant-général pour le roi en Languedoc.

Le mariage d'Anne de Lévis

Anne de Lévis épousa le 13 juin 1593, à Alès, petite ville de la province de Languedoc Marguerite de Montmorency (née en 1572, † 1660), sa cousine germaine, fille d'Henri de Montmorency , Connétable de France et d'Antoinette de Lamark. Elle participa largement par sa bonté aux largesses de son époux, ce qui lui valut le surnom de “Bonne Duchesse". Issue d'une des plus anciennes familles du royaume, la famille de Montmorency fut mêlée aux événements les plus importants de la monarchie. Marguerite fût l'objet de l'empressement et de l'adoration des seigneurs les plus riches et les plus hauts placés dans la faveur du roi. Un seul, Anne de Lévis de Ventadour, son cousin-germain l'obtint.

Le contrat de mariage stipulait pour la future une dot de 150.000 écus payables après la mort de son père. La mère d'Anne lui donnait tous ses biens, en se réservant l'usufruit. Anne faisait donation du duché de Ventadour, à l'un des enfants mâles qui naîtront du mariage. Il donna à sa future pour 10.000 écus de bagues et joyaux et diverses rentes.

Son entrée à La Voulte fût marquée par un événement qui impressionna vivement Marguerite et éveilla en elle un sentiment de reconnaissance et d'affection pour la population de La Voulte accourue de toutes parts pour la voir et la saluer.

Aux portes de la ville, la jument qu'elle montait s'abattît. La population improvisa un siège de branches et de fleurs et conduisit Marguerite ainsi jusqu'à la demeure seigneuriale. Émue, elle ne put répondre que par des larmes aux cris de joie et de bonheur que poussait la foule. De ce jour, elle décida de se consacrer toute entière à ce peuple qui venait de lui administrer des preuves touchantes d'affection et de respect. Elle devint l'intermédiaire bienveillante entre le seigneur et ses vassaux. Jamais le pauvre ne vint lui adresser une inutile prière.

La légende du miracle des roses

On raconte qu'un soir d'hiver, on vint apprendre à la duchesse Marguerite que deux familles du Portalet et du Mirail se mouraient de faim et de froid. Sans hésiter elle se rendit à l'office, prît quelques provisions et s'en alla les porter aux pauvres. Elle descendit l'escalier, et au moment de franchir la porte de la tour par où Marguerite sortait sans être vue pour distribuer elle-même aux malheureux ses aumônes, un obstacle imprévu se dressa devant elle. Le duc de Ventadour, était là, debout, devant elle. L'intendant du château l'avait prévenu contre la duchesse qui, disait-il, "menaçait d'une ruine prochaine la fortune du duc par la prodigalité irréfléchie de ses aumônes."

" Quelle raison si puissante a pu vous engager à sortir à une pareille heure, et que portez-vous là, caché dans le fond de cette corbeille ?…"
" - Grâce, monseigneur!…répondit-elle en se jetant à ses pieds, ils sont si pauvres et si malheureux !…"

Ce faisant, elle enleva le linge qui recouvrait le panier et laissa apercevoir au fond, au lieu des provisions qu'elle y avait déposées, une magnifique gerbe de roses fraîches, vermeilles. Le miracle était évident, on était alors dans les jours les plus rigoureux du mois de janvier, et seul le mois de mai eût pu produire d'aussi belles fleurs.
La protection toute spéciale dont le ciel entourait Marguerite, venait de se montrer avec éclat. Anne ne songea plus à méconnaître plus longtemps sa vertu et dès lors encouragea l'ardente charité de la "bonne duchesse".
Le peuple n'hésitait pas parfois à s'adresser directement à la Duchesse. Un manuscrit du Presbytère protestant d'Annonay, sur parchemin, daté du 28 septembre 1593, est une requête des habitants d'Annonay appartenant à la religion réformée adressée à “Très Illustre et très puissante dame, Madame la Duchesse de Ventadour, comtesse de La Voulte et Dame d'Annonay…” tendant à obtenir le libre exercice de leur religion. Ce document est signé par Achille Gamon, catholique devenu protestant en 1560.

Anne de Lévy se rendit aux États du Languedoc pour complimenter le roi et lui remettre les doléances de la paroisse, après la conversion d'Henri IV au catholicisme le 25 juillet 1593.

Sacre et couronnement d'Henri IV

Le 27 février 1594 Anne de Lévis assista, à Chartres, à la cérémonie du sacre et du couronnement d'Henri IV. Il eut “l'insigne honneur de représenter l'un des six anciens pairs de France, le Comte de Champagne, qui portait la bannière royale et avec les cinq autres, soutenait la couronne sur la tête du roi".

Transaction avec les Augustins

En août 1594 il confirma une transaction passée avec son père et les Augustins de La Voulte. L'acte précise que les Augustins de la Voulte seront au nombre de trois prêtres et deux novices et qu'ils feront le service de l'église de La Voulte. “Comme il n'est aucune chose en ce monde si requise et si nécessaire à l'homme pour son salut que de servir Dieu, y avoir des temples pour s'y assembler et servir Dieu par prières et oraisons… Pendant les guerres civiles, sous couvert de religion… Les églises, couvents, monastères et habitations des gens destinés au service divin ayant estés desmolis, abbatus et ruinés…” le duc de Ventadour prit sous sa protection les personnes et les biens des Frères Augustins et leur donna les chapelles de Sainte Croix en l'église paroissiale et de Sainte Catherine dans l'enceinte du château."

Pacification du Vivarais, Trève en Languedoc

En 1595 il obtient la lieutenance générale du Languedoc. Le 23 septembre 1595, Henri IV signa avec le duc de Mayenne une trève générale qui fut étendue au Languedoc, et c'est le duc de Ventadour, gendre de Montmorency depuis deux ans, qui fut chargé de l'exécuter en Vivarais.

Il présida en personne à plusieurs reprises l'assemblée des États du Vivarais. Le 28 juillet 1595 à Viviers fut signé l'accord définitif avec Monsieur de Montréal. En 1604 il délégua son bailli Giraud de Bézangier pour présider à sa place l'assemblée qui se réunît à La Voulte “dans la grande salle du logis neuf".
A l'action libérale et tolérante de son père, Anne opposa une action dure et sans faiblesse, comme celle qu'il avait montrée en Limousin contre les activités de la Ligue alors qu'il n'était que comte de La Voulte.

Plaque Saint-Esprit

Le 2 janvier 1599 il est reçu Chevalier du Saint-Esprit.

En 1609, un arrêt du conseil des États ordonna que le duc de Ventadour jouira des péages de La Voulte, de Rochemaure et de Montélimar. Un autre arrêt de la même année ordonna de ne rien percevoir sur les denrées ou marchandises appartenant au duc de Ventadour, provenant de son comté de la Voulte ou de ses autres maisons du Vivarais et passant au Pouzin.

En 1610, le jeune roi Louis XIII annonça, à “son cousin” le duc de Ventadour, l'assassinat de son père Henri IV. La même année, les États du Vivarais se réunirent à nouveau à La Voulte, le compte-rendu mentionne que les États ont alloué une somme de 6 livres pour une école tenue par des sœurs Clarisses.
Le 7 novembre 1612, aux États généraux du Languedoc il y eut un service solennel à la mémoire d'Henri IV. Le duc de Ventadour y assistait comme lieutenant général pour le roi en Languedoc; il marchait seul dans le cortège, vêtu d'un grand manteau de deuil sur lequel brillaient les insignes du Grand Ordre du Saint-Esprit, dont il était chevalier depuis 1599. Le grand drap royal de satin bleu parsemé de fleurs de lys était tenus par les barons de l'assemblée.
Le 16 novembre suivant au cours de la séance des États Généraux, le duc commanda aux États de “se prêter assistance et de faire respecter les Édits interdisants le port des armes et de rétablir l'ordre publique là où des esprits brouillons fomentent et répandent de faux bruits pour alarmer les villes”.

Le duc recommanda aux catholiques, là où ils sont plus forts de protéger les protestants, et aux protestants là où ils sont les plus forts, de protéger les catholiques.

En 1614 il y eut une Assiette à La Voulte dans la grande salle du château. Louis XIII envoya le duc en mission auprès du prince de Condé, “pour traiter avec lui et faire cesser les troubles qui se préparent”.

Anne de Lévis au lit de mort de sa fille

C'est le premier jour de l'année 1619 que le duc eut la douleur d'assister à la mort de sa fille la comtesse de Tournon âgée seulement de 21 ans qui laissait un fils, le dernier descendant de la branche aînée de Tournon qui fut tué plus tard, en 1644, à Philipsbourg. Voici le témoignage qu'a laissé le chanoine de Banne de cet évènement :

" Le 1er jour de l'an1619, environ les deux heures du matin, décéda très haute et très vertueuse dame, Madame Charlotte-Catherine de Lévis, comtesse de Tournon, âgée de 21 ans. Sa fin fut chrétienne, aussi avoit-elle vécu en la crainte de Dieu. Elle estoit fort dévote, charitable envers les pâuvres et affligés; très douce et familière à l'endroit de ses sujets, les allant visiter dans leurs maisons; d'une humeur douce et grave qui se ressentoit du lieu où elle estoit issue. Elle estoit belle dame, de bon esprit et de riche taille… Mgr de Ventadour se trouva à sa mort, lequel elle pria de lui donner sa bénédiction; ce qu'il fit en ces mesmes paroles : "Ma chère fille, vous ne m'avez jamais désobéi; je suis extrêmement affligé de votre mal, mais puisque c'est la volonté de Dieu; il faut que je prenne mon affliction en patience, comme vous devez prendre votre mal… Pour lors ceste bonne dame baissa la teste, et mondit seigneur le duc son père lui donna sa bénédiction en lui disant: "Ma bonne et très chère fille, la toute puissante main de Dieu te bénisse par la mienne", et la baisa.…"

Troubles de Privas

La fin de l'année 1619 fut marquée par des troubles à Privas. Les protestants de cette ville refusant un seigneur catholique tentèrent par une prise d'arme d'empêcher leur dame, Paule de Chambaud, d'épouser le vicomte de Lestrange. Il fallut l'intervention d'une armée venue du Languedoc avec à sa tête Montmorency pour les mettre à la raison. Mais l'agitation persistait. Le duc de Ventadour annonça son intention de faire raser le Donjon de Jaujac afin d'éviter son occupation par les réformés perturbateurs. Un peu plus tard le duc de Ventadour rassemblait des troupes à Chomérac pour coopérer avec l'armée de Montmorency.

A la réunion des États du Vivarais qui suivit ces événements, le 13 mai 1621, Anne de Lévis ouvrit la session par “une très belle remontrance sur l'état présent et calamités des affaires du pays” le lendemain l'assemblée jura de “demeurer et se maintenir en bonne union et sous l'obéissance du Roy.”

Aggression des huguenots contre le Cheylard

Les protestants effectuaient des travaux de fortifications à Chomérac et à Barry.

Le 6 juillet 1621 un incident se produisit au Cheylard. Les huguenots du Vivarais et du Dauphiné conduits par Blacons tentèrent de forcer le château occupé par 50 hommes sous les ordres du sieur du Bourg du Largier. Rendus furieux par leur échec les huguenots pillèrent et profanèrent les objets du culte de l'église et saccagèrent les maisons des catholiques de l'endroit. Le duc rendit compte de ces événements et ordonna “le rasement des murailles et fortifications du Cheylard".
En janvier 1622 le duc se rendit en Velay pour s'y approvisionner en munitions de bouche (blé) et de guerre ( poudre, plomb et mèche) que nécessitaient les circonstances
Le duc de Ventadour se trouvait au Cheylard le 16 avril 1622 où “il ordonne qu'il ne soit faict aucune ruine ni dégâts aux maisons, meubles, vignes et possessions des uns et des autres (catholiques et protestants), comme il pourroit arriver en haine de guerre”

La paix de Montpellier

La paix fut conclue à Montpellier en octobre 1622. L'envoyé du roi, le maréchal de Bassompierre, reçu la soumission des députés de Privas dans la ville du Pouzin et se rendit avec dix compagnies de gardes coucher à La Voulte.
Le lendemain, les villes de Beauchastel, Charmes, Soyons et Cornas se rendirent. Il remit ces villes aux paysans voisins, leur promettant de retirer ses troupes, dès qu'ils auraient rasé tous ces petits forts, "ce qu'ils firent avec une telle diligence qu'à quatre heures du soir il n'y en demeura aucun vestige".

Discours d'Anne de Lévis aux Etats Généraux

Sur l'ordre de Louis XIII, le duc de Ventadour fit tenir les États Généraux du Vivarais à Beaucaire. Il y prononça, le 8 novembre 1622, le discours d'ouverture dans lequel il parla de son attachement à la personne du roi et déclara son vif désir de soulager les charges des populations et de mettre fin aux abus dont elles souffrent :
" cette province ayant servi depuis 22 mois de théâtre, où se sont jouées les plus sanglantes tragédies de toute la France…Vous estes aussi obligés de vous despuiller et despartir de toutes passions et affections particulières, afin que le bien public marche toujours le premier et soit préféré à toutes choses."

Le chanoine de Banne a témoigné que “pendant la tenue des États généraux à Beaucaire monseigneur fut atteint d'une "fièvre continue et pourprée qui le réduisit à l'extrémité" dont il mourut le 8 décembre 1622 à l'âge de 53 ans.

“La mort ne le prit pas dépourvu des choses qui sont nécessaires à un bon chrétien… genoux nus sur le pavé, il reçut son Sauveur et son Dieu en grande humilité et dévotion. Madame de Ventadour son épouse ne l'abandonna jamais, le servant avec grands soins… quoique selon les médecins cette maladie fust venimeuse… pestilentielle et communicable.”
Un service solennel fut célébré en l'église de Beaucaire en présence d'une foule considérable. Le lendemain le convoi funèbre se mit en route pour La Voulte. La duchesse dans une voiture de deuil en tête du cortège, les serviteurs du duc vêtus de noir encadraient le cercueil. Puis venait une suite assez nombreuse de seigneurs qui avaient tenus à donner ce dernier témoignage de reconnaissance à celui qui avait été leur ami fidèle et dévoué. Dans toutes les paroisses où passait le cortège, on sortait pour saluer le char funèbre. Arrivé sur le territoire de La Voulte le cercueil fut porté en procession par le clergé et les habitants du lieu jusqu'en l'église Saint Vincent, il fut déposé dans une chapelle ardente élevée au milieu de la nef de l'église où il resta pendant plus de deux mois.

Cependant son fils aîné Henri de Lévis, son héritier, devait épouser début avril 1623 la princesse Marie-Liesse de Luxembourg au château de La Voulte. Afin que la vue du cercueil ne trouble pas la cérémonie, on le descendit dans le caveau de famille situé à côté du chœur de l'église paroissiale après une cérémonie funéraire grandiose, dont le service était assuré par l'évêque de Valence, assisté d'un grand nombres de prêtres et de religieux. “L'église étant toute tapissée de drap de velours noir sur lequel étaient posées les armoiries du duc en broderies d'or et d'argent …la chapelle ardente couverte de velours noir avec double courtine tout autour frangé de soie noire, blanche et filet d'argent, avec des bandes de toile d'argent. Le soubassement estoit de mesme. Le chevalet en représentation qu'estoit au milieu, estoit couvert d'un grand drap de velours noir brodé d'hermine tout autour, qui descendoit dudit chevalet, qu'estoit de la hauteur de quatre pieds et de cinq pieds de longueur, couvroit tout le pavé, la chapelle ardente et l'église estoient garnies de longs et gros cierges de cire blanche.”
“Durant une année et plus, ces ornements durèrent tendus et les cierges allumés pendant le service divin qui se faisoit pour l'âme dudit seigneur défunt… La grande salle du château, les chambres de Madame et messieurs furent tapissées de serge noire…”

Le chanoine de Banne, chroniqueur Voultain qui l'avait bien connu, en fit un portrait élogieux:

"Ce seigneur estoit de moyenne taille, doux et humain, d'un visage, regard et gestes agréables, grave et d'un maintien majestueux, éloquent et disert au possible, ami des pauvres, grand et fidèle à Dieu et à son roi, de très bon conseil et rare sagesse, plein de prud'hommie et prudence, digne d'être très bien servi, car il payoit parfaitement bien ses serviteurs, et ne se trouve point aucun de ceux qui lui ont rendu service qui n'aye pas été payé…”
"Il aimoit les arts libéraux et particulièrement la musique, il était également ami des lettres et de l'instruction des chrétiens. Il se plaisoit particulièrement à faire bastir tant ses maisons que des maisons de piété, églises, couvents et hôpitaux… et fit bâtir le monastère des Augustins dans sa ville de La Voulte qu'estoit autrefois hors la ville à Saint Michel, lieu très agréable et bien bâti, que les huguenots abattirent aux premiers troubles. Il fit embellir l'église de peintures et riches ornements. Il y fit faire des orgues qui brûlèrent depuis par accident. Il fit refaire la chapelle où est son tombeau et celui de ses père et mère.
Plus loin le chanoine De Banne s'étend sur la charité d'Anne de Lévis: “Il estoit fort dévot, charitable envers les pauvres, en outre… il faisait distribuer du blé et de l'argent outre les aumônes quotidiennes que son aumônier faisoit en argent, et ses officiers à la porte de ses châteaux, en pain et vin. Ce bon seigneur était un des rares esprits de son temps aussi éloquent, qu'homme de France, ami du peuple et de la paix."

De l'union d'Anne de Lévis avec Marguerite de Montmorency naquirent 12 ou 15 enfants dont bon nombre moururent en bas âge, nous leur connaissons:
- Diane décédée à l'âge de 18 ans à Paris;
- Charlotte-Catherine mariée en 1616 à Just-Henry de Tournon, morte en 1619 à 21 ans;
- Felice-Marguerite mourut en 1619 à l'âge de 7 ans.

A son décès le duc de VENTADOUR laissa dans l'ordre:
- Henri de Lévis (né en 1596, mort le 14/12/1680), son fils aîné, lieutenant du roi après son père; duc de Ventadour et prince de Maubuisson et comte de La Voute, pair de France; épouse: Marie princesse de Tingry fille d'Henri duc de Piney-Luxembourg.
- Charles de Lévis (mort le 19/05/1649), comte de Vauvert, marquis d'Annonay puis devient duc de Ventadour, pair de France; épouse le 26/03/1634: Susanne fille d'Antoine de Lauzières marquis de Thémines puis épouse en secondes noces le 08/02/1645 Marie fille de Jean-François de La Guiche de Saint-Géran
- François de Lévis, évêque de Lodève puis ayant repris l'habit séculier fut tué en 1625 dans un combat naval contre les Rochellois;
- François-Christophe de Lévis, comte de Brion mourut le 9 septembre 1661 peu après sa mère;
- Anne de Lévis, l'archevêque de Bourges, ancien prieur de Rompon en 1638, décéda le 17 mars 1662.
- Louis-Hercule de Lévis, évêque de Mirepoix, il passa à La Voulte en 1661 et mourut en 1679.
- et une seule fille, Françoise-Marie de Lévis (morte en 1630), qui fut religieuse et abbesse d'Avenay puis de Saint Pierre de Lyon.

Dans son testament daté du 23 juin 1617 et dicté à Jean Roffi, Anne de Lévis instituait pour son héritier universel son fils aîné Henri de Lévis qu'il exhorte

" d'avoir toujours la crainte de Dieu devant les yeux, de vivre et de mourir dans la religion catholique et d'être toujours bon et fidèle sujet et serviteur du Roy…"

Il léguait 200.000 livres à chacun de ses autres fils; 10.000 livres à sa fille Catherine, outre ce qu'elle avait reçu en dot; et 7.000 livres à Marie la religieuse; quant à sa femme, il voulut qu'elle ait pour sa demeure et douaire de La Voulte, 12.000 livres de rente. Il donna son cœur aux Capucins de Beaucaire qui le conservèrent dans un vase de cristal richement ciselé.

Marguerite de Montmorency, son épouse, quant à elle mourut à Paris en 1660. Dans son testament daté du 13 décembre 1650, elle déclara souhaiter être enterrée à La Voulte. Elle fît de nombreux legs particuliers dont un de 4.000 livres pour l'église de La Voulte. Elle fît don de son cœur aux Ursulines de la rue Saint-Jacques. Son corps fut ramené à La Voulte et “les chemins estans tous ruinés et rompus par l'inondation des grandes eaux pluviales, il fut trouvé bon, pour faciliter le passage, de les faire accommoder en divers endroits…”

Sources:

 

• Notices sur la Baronnie de La Voulte par A. Mazon, Imprimerie centrale de l'Ardèche, 1897.

• Ventadour (Anne de Lévis, duc de) - Lettre à Messieurs les Consuls de Nismes sur la nouvelle d'une entrepri se faicte par les Espagnols sur la ville de Venise. Avec la punition des traistres. De Turin le 2. jour de juin 1618.
À Lyon, jouxte la copie imprimée à Beziers, Jean Peche, 1618, petit in-8, 7 pp., vélin blanc souple, dos lisse (rel. moderne). Ex-libris et timbre sec G. Feltrinelli.