Portraits d'ardéchois

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Florentin-Étienne "Tépano" Jaussen


1815 - 1891


Religieux, ethnologue et linguiste

Florentin-Étienne Jaussen est né à Rocles, hameau des Périers, en Ardèche, le 12 avril 1815, dans une famille profondément catholique.

Il fait ses études à Mende et obtient son diplôme d'instituteur.

Il s'oriente d'abord vers l'enseignement et il est reçu au baccalauréat de Lettres à Montpellier.

Il entre au grand Séminaire de Périgueux et est ordonné prêtre en 1840. Il rejoint la congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie (Pères de Picpus) dont le noviciat est à Vaugirard où sont déjà engagés plusieurs membres de sa famille : ses oncles, son frère aîné ainsi que ses tantes et deux de ses sœurs.

En 1845, il est envoyé à Valparaiso, l'antenne chilienne de la congrégation.

Mgr Jaussen Florentin-Étienne
Monseigneur Florentin-Étienne Jaussen, premier vicaire apostolique de Tahiti, l'île de Pâques était sous sa juridiction

Il est nommé évêque in partibus d'Axiéri et premier vicaire apostolique des îles de la Société, le 6 août 1848. Il arrive à Papeete le 15 février 1849 où la situation sur place n'est pas simple. En effet, l'île est sous la coupe du consul britannique, qui est également pasteur et qui en 1836 obtient l'expulsion des missionnaires français. Celui-ci n'hésite pas à faire passer les catholiques pour des anthropophages. Cependant, en septembre 1842, la reine Pomare Vahine IV accepte le protectorat de la France (sur Tahiti et Moorea).

À son arrivée, Monseigneur Jaussen décide d'enseigner le français aux enfants. Pour cela, il commence par étudier le langage local dont il devient le spécialiste incontesté. Il est à l'origine des premières écoles catholiques, qui concernent 50% de la population. Il était connu sous le nom de "Tepano", la prononciation de Étienne en tahitien, à travers l'anglais "Stephen".

Aumonier de la flotte française de l'Océan Pacifique, il fait installer des missions aux Tuamotu, aux Gambiers et aux îles sous le Vent. Leur influence est favorable sur le paganisme et les sacrifices humains qui reculent.

De 1855 à 1860, son projet de construction d'une cathédrale se heurte à l'opposition du gouvernement local et des protestants. Il opte alors pour un projet moins ambitieux.

En 1853 et en 1861, il retourne en France, notamment à Rocles son village natal.

Essais de développement agricole

Les Tuamotu sont alors des terres stériles, impropres à toute culture. L'évêque va tenter d'apporter de la terre végétale et des cocotiers depuis Thaiti. Les feuilles forment un humus capable de fertiliser le sol. La noix de coco sèche est transformée en huile et en savon pour l'exportation. Par contre, la tentative de développer l'élevage sur l'île de Tahiti fut plus laborieuse, car il fallait créer des pâturages et importer des bovins ou des ovins, inconnus dans les îles.

Essais de compréhension des langues maories

Le tahitien

Monseigneur Jaussen a poursuivi son travail de recueil des langues régionales maori, notamment celle parlée à Tahiti. Il a publié une grammaire et un dictionnaire franco-tahitien, ainsi qu'un livre de prières, un Nouveau Testament et un résumé d'histoire sainte. Il publie "Grammaire et dictionnaire de la langue maorie, dialecte tahitien", réédité et remanié sous les titres successifs de "Grammaire et dictionnaire de la langue tahitienne", puis "Dictionnaire de la langue tahitienne".(introd."Dictionnaire de la langue tahitienne", 1987)

Le rongo-rongo

Monseigneur Jaussen fut l'homme qui a porté le système de signes "rongo-rongo" de l'île de Pâques à l'attention du monde. "Rongo-rongo" est le nom donné à un système de signes gravés sur bois qui pourraient constituer soit une écriture, soit un moyen mnémotechnique pour des récitations de mythes ou de généalogies. Les habitants de l'île de Pâques, décimés par les maladies et les luttes locales, s'étaient expatriés vers Tahiti. Là, il put rencontrer des anciens survivants et grâce à eux, il put traduire le texte figurant sur des tablettes en bois gravées (ou bois parlants). Seules 21 tablettes et un bâton d'écriture rapa nui sont parvenus jusqu'à nous.

En 1862, des Péruviens kidnappèrent environ un millier d’habitants dont le roi (Maurata), pour travailler dans les gisements de guano du Pérou. Après cette rafle, plus personne sur l’île ne pouvait désormais traduire les tablettes. Sculptés dans le bois hau hau, aujourd’hui disparu ou sur des planches d’hibiscus, ce langage est composé d’environ 12 000 signes. Le fameux bâton du Museum de Santiago au Chili comporte à lui seul 2 320 signes. La lecture s’effectuait de bas en haut et de gauche à droite, avec les signes inversés une ligne sur deux, probablement pour lire à deux personnes face à face. À la fin de chaque ligne, la planche était retournée et la lecture se poursuivait dans l’autre sens.

Tablette de Rongo-rongo
 

Une documentation très complète sur cette écriture énigmatique, que l'on ne trouve que sur l'Île de Pâques, est consultable en cliquant sur ce lien :rongo-rongo aller

Fin de vie

Le 12 février 1884, Monseigneur Jaussen demande et obtient d'être déchargé de ses responsabilités épiscopales ; ce qui lui permet de se consacrer entièrement à ses recherches ethnographiques et à son élevage pendant encore quelques années..

Monseigneur Florentin-Étienne Jaussen est décédé le 9 septembre 1891.

Il demeura à Tahiti durant 42 ans, de 1849 à 1891 ; il y eut une influence religieuse, sociale et culturelle très forte sur les îles de l’Océanie relevant de la France ; sa mémoire est toujours vive dans son ancien diocèse, sous le nom de Monseigneur "Tépano". Pour les habitants de Tahiti, il est un homme historiquement important puisqu’ils ont souhaité donner son nom à la principale avenue de Papeete, celle où se trouve le gouvernement local.

 

 

Sources

- "Un Ardéchois linguiste et ethnologue en Polynésie : Monseigneur Tépano Jaussen" par Claude saby, dans Cahier de Mémoire d'Ardèche et Temps Présent n° 96, 2007.

- Rongorongo Script : Carving Techniques and Scribal Corrections par Paul Horley.

- "L'Ile de Pâques, historique, écriture et répertoire des signes des tablettes ou bois d'Hibiscus intelligents", par Mgr Tepano Jaussen. Ouvrage posthume, rédigé par le R. P. Ildefonse Alazard, d'après les notes laissées par le prélat, éditeur E. Leroux, 1893.