Portraits d'ardéchois

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Eugène CONTASSOT

1846 - 1922

Patissier, confiseur, hybrideur de vigne

Eugène Contassot était patissier de métier, au 12 rue Carnot à Aubenas (actuellement patisserie Coste) ; il est l'inventeur d'un gâteau, le "Contassot" qui offre la caractéristique, sans en avoir l’air ni le goût, de se trouver un peu allégé de certaines matières grasses.

Eugène Contassot industrialisa à Aubenas la fabrication des marrons glacés devenus spécialité ardéchoise.

Avant la guerre de 1914-1918, Eugène Contassot associé à Gustave Imbert se lança dans la fabrication des marrons confits et des marros glacés. Il met au point une méthode pour raccourcir les temps de confisage pour l'élaboration des marrons glacés et s'apprête à construire un atelier spécialisé. Celui-ci deviendra avec le concours de Gustave Imbert, la société à l'origine de l'actuelle Société des Marrons glacés d'Aubenas. Ils fabriqueront également des confitures et des fruits au sirop très en vogue à cette époque.

En 1920 est créée la Société des Marrons glacés d'Aubenas, rebaptisée Marrons-Imbert lorsque Gustave Imbert racheta les parts de son associé et restée dans cette famille jusqu'à ce jour.

Esprit curieux et éclectique, Eugéne Conrassot s'intéressait également à la viticulture, c'est pourquoi en même temps que la patisserie, il s'implique dans l'hybridation de la vigne.

Le phylloxéra

Quand, dans les années 1860, le phylloxéra a été, pour la vigne et les viticulteurs de l’Ardèche et dans les départements limitrophes, un véritable désastre dont l’économie mis de nombreuses années à se remettre. Le phylloxéra est un minuscule puceron jaune qui se fixe sur les racines des ceps en formant des boursouflures, appelées nodosités, qui provoquent irrémédiablement le dépérissement des plants.

 

Cycle reproductif du phylloxéra :
1. Oeuf d'hiver pondu dans les fentes de l'écorce de la vigne.
2. Femelle gallicole parthénogénétique qui se fixe aux feuilles pour en sucer la sève, provoquant la formation de galles.
3. Son oeuf.
4. Femelle radicicole parthénogénétique
5. Son oeuf.
6. Femelle sexupare ailée qui donnera soit des oeufs mâles, soit des oeufs femelles.
7. Oeuf mâle.
8. Mâle.
9. Oeuf femelle.
10. Femelle qui, fécondée, donnera des oeufs d'hiver marquant le début d'un nouveau cycle.

 

C’est au cours de ces années que se développèrent les travaux de Georges Siebel, de Georges Couderc et d’Eugène Contassot, sur la technique d’hybridation des plants. Il s’agissait alors, et schématiquement, de croiser des cépages américains avec des vieux plants traditionnels, en fécondant le pistil d’une espèce avec le pollen d’une autre espèce pour obtenir un nouveau cépage, plus résistant.

Hybrideur de vigne

Propriétaire sur le chemin des Grads à Aubenas, d'un vignoble qui fut, l'un des premiers atteint par le phylloxera, Eugène Contassot se passionna pour la reconstitution du vignoble ardéchois. Le but étant de créer des cépages à la fois résistants à la nouvelle maladie et intéressants à vinifier.

Il se trouve à l'origine de l'épopée de l'hybridation. Il se renseigna et apprit l'existence d'un plant américain résistant et le commanda. Il s'agit du Jaeger 70 du nom de son obtenteur, issu du croisement entre deux familles de vignes bien connues : Vitis Rupestris et Vitis Linsecomii...

Hélas, son colis resta bloqué au Havre parce que, pour des raisons sanitaires, les plants américains étaient interdits dans le sud de la France où le parasite avait été repéré quelques années auparavant, Ardèche comprise, mais pas dans le département du Rhône. C'est bien lui qui l'explique dans une lettre de 1922, destinée à l'un de ses amis :

"Mon paquet était arrivé au Havre, on me fit savoir qu'on ne pouvait pas me l'envoyer. Je demandais par deux fois au Ministre de l'Agriculture de le laisser passer : ce fut inutile. Alors je fais adresser celui-ci à M. Vermorel de Villefranche-sur-Saône qui me le fit parvenir dans un autre colis".

Le trait de génie de Contassot

Ensuite, il greffera les boutures sur des vignes de son jardin. Trois greffes vont réussir : l'une à partir d'un pied de Raisaine, ancien cépage blanc très local, un autre près d'un plant d'Œillade et le troisième d'un Gamay. L'année suivante, "fort désappointé" comme il le dit dans sa lettre, par le goût boisé des baies obtenues, il se promet, à la nouvelle saison, "d'enchevêtrer" une partie de ces sarments nouveaux avec ceux des trois cépages que nous venons de citer, "ne connaissant pas à l'époque l'usage des petites pinces pour décapuchonner les fleurs" en prenant soin au préalable, compte tenu de la précocité plus grande du Jaeger 70, "d'avoir retardé la floraison de ce dernier en le recouvrant de toile un certain temps". Seulement voilà, tout ceci prend justement du temps, la pâtisserie ne se fait pas toute seule et sa femme lui aurait dit ou rappelé qu'il avait assez de travail comme cela et qu'il était pâtissier.

Il obtient des pépins de raisin en greffant des plants américains (Vitis Labrusca) sur les vignes européennes (Vitis Vinifera) de son jardin : sur ces porte-greffes, on greffe – c’est leur raison d’être – d’anciens cépages nobles, et on obtient des hybrides … faisant venir d'Amérique une collection d'hybrides qu'il greffa sur de vieux pieds obtenant ainsi des « semis » dits « contassot » . Il donna les grains obtenus ou partie de ceux- ci au nombre de 33 à Georges Couderc dans lesquels se trouvaient 129 pépins et "assez" à Albert Seibel pour fournir 200 plants.

 

Pendant que Contassot améliore ses produits de confiserie, chez Couderc et Seibel, les pépins ont germé, les hybridations et les nouveaux semis s' enchaînent. Alors que les autres hybrideurs de France, y compris dans les plus grandes écoles d'agriculture à Bordeaux ou à Montpellier, n'obtenaient que de maigres résultats, les hybrideurs d' Aubenas disposaient déjà, eux, de plants avec des grappes magnifiques, ou d'autres qui deviendront d' excellents porte-greffes à partir desquels les grands vignobles reconstitueront leur potentiel perdu. Ils conserveront cet avantage du départ pendant plus de trente ans.

Eugène Contassot eut le triple mérite d'abord d'introduire malgré ces déconvenues de transport le bon numéro, ensuite de le greffer puis d'effectuer ces toutes premières hybridations, enfin de confier le tout aux bonnes personnes. Contassot savait que Georges Couderc avait fait des études supérieures et que son père cherchait de nouvelles roses (par hybridation). Il savait aussi que la famille Seibel était une famille d'ingénieurs. Ils connaîtront tous deux la gloire, la reconnaissance de la viticulture. Pas lui, il sera même complètement oublié pendant fort longtemps.

Ce son finalement trois ardéchois, Georges Couderc, Albert Seibel et Eugène Contassot, qui découvrirent le remède grâce à une hybridation à partir de vignes mères locales, utilisées comme porte-greffes. Des variétés hybrides furent alors plantées pour sauver la situation. Le contassot 20, « fruit » de la 20e tentative d’Eugène Contassot sera cultivé aussi longtemps que le blanc couderc 13, « fruit » de la 13e tentative de Georges Couderc (on le trouve désormais uniquement à La Réunion, et au fond de quelques jardins ardéchois oubliés) : le vignoble hybride a été en métropole détruit dans les années 1960 …

Hybrideur de châtaigniers

En 1918 quand la maladie de l'« encre » s'attaqua à nos châtaigneraies, il chercha la solution à ce nouveau problème et réussit à greffer des châtaigniers sur des chênes résistants à l'encre, rendant ainsi à l'arboriculture ardéchoise un nouveau et grand service.

 

Eugène Contassot, fut le plus modeste mais le meilleur « ouvrier » de la lutte antiphylloxérique sans en tirer ni vanité ni profit, il fut enfin honoré par la municipalité d'Aubenas, son nom gravé, aux côtés des célébrissimes Couderc et Seibel sur la statue dédiée aux hybrideurs ; ce fut à l’occasion d’un congrès de la Fédération Nationale de la Vigne Nouvelle (FENAVINO) qui se tint à Aubenas les 13 et 14 juillet 1958,

L’organisateur est le petit-neveu d’ Albert Seibel, René Seibel. Le congrès lui-même se déroule au cinéma Le Palace, puis l’inauguration de la stèle a lieu le 14 juillet après La Marseillaise et une minute de silence en présence des membres des familles Couderc, Seibel et Contassot ; les discours prononcés par M. D’ Abrigeon au nom de la municipalité et René Seibel pour le Comité d’Organisation.

“Les orateurs prirent place l’un après l’autre sur une estrade drapée de tricolore élevée à la droite du monument... c’ est M. D’ Abrigeon qui découvrira la stèle...” “Œuvre du sculpteur Tchaker de Marseille, taillé dans la pierre de Ruoms”.

Albert et René Seibel ont toujours fait la part des choses et rappelé les toutes premières hybridations d’Eugène Contassot, ces pépins donnés, le début de la grande aventure pour cette vigne dite nouvelle.

 

Les traces encore visibles de cette épopée des hybrideurs sont les plaques de rue à Aubenas … la rue Georges Couderc, la rue Albert Seibel et la traverse Contassot.

Sources

 

- Freddy Couderc, Les Vins mythiques de la Cévenne ardéchoise et du Bas-Vivarais, Pont-Saint-Esprit, La Mirandole, Pascale Dondey éditrice, 2000.

- Les inventeurs d’hybrides au secours du vignoble : Eugène Contassot, Georges Seibel, Georges Couderc par Marie-José Volle, Guy Boyer et Jacky Reyne, dans Cahier de Mémoire d'Ardèche et Temps présent n°95, 2007sur le chemin des .