Portraits d'ardéchois

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François BOISSEL


1728 - 1807


Philosophe et écrivain ardéchois

François Boissel "philosophe oublié" de la Révolution française et "père oublié du socialisme".

Cette personnalité étonnante exerça la profession d'avocat à Saint-Domingue puis au Parlement à Paris, avant de devenir juge au Tribunal Civil, archiviste puis vice-président du club des Jacobins; il fut un précurseur du communisme selon Jean Jaurès, élaborant une "utopie" sociale et politique, avant Babœuf et Saint Simon.

François Boissel est né le 27 avril 1728 à Joyeuse en Ardèche, dans une famille de marchands relativement aisée, il commence ses études au couvent des Oratoriens à Joyeuse puis les poursuit chez les Jésuites à Viviers.

De 1753 à 1765, avocat, il exerce quelque temps à Paris, avant de partir rejoindre son frère aîné, capitaine de dragons à Saint-Domingue. François Boissel est alors âgé de 25 ans. Il exerça la profession d'avocat à Saint-Domingue, sa verve le prédestinait à une brillante carrière. Mais, son idéalisme pétri des idées humanistes du siècle des Lumières l’amène à prendre des positions contestataires à l’ordre établi qui mettent un coup d’arrêt brutal à sa vie sociale et mondaine dans l’île.

Après s’être brouillé avec la plus grande partie des notables et planteurs de l’île, ainsi qu’avec son frère, il revient à Paris en 1776 pour se lancer dans l’écriture et la réflexion politique, critiquant de manière constructive les pensées des plus grands philosophes, Fontenelle, Montesquieu, Diderot, Voltaire et surtout Jean-Jacques Rousseau.

Fresque de François Boissel sur le mur du parvis de l'église St-Pierre de Joyeuse dans l'Ardèche
François Boissel

 

En 1786, Boissel publie le "Discours contre les servitudes publiques". Il y analyse les problèmes d'urbanisme, de circulation, de population, d'insalubrité et de nuisances de la ville de Paris.

En 1789, c'est la publication du "Catéchisme du genre humain" dans lequel il développe un réquisitoire contre ce qu'il considère comme les trois fléaux de l'humanité : la propriété privée, la religion et le mariage, qu’il s’agit selon lui « d’éliminer pour favoriser le cheminement de l’homme dans la voie de la connaissance et de l’autonomie ».

Il publie en 1790 le "Code civique de la France" dans lequel il définit son programme politique et social pour la France.

Après la fuite du roi à Varennes le 21 juin 1791, Boissel devient partisan de la République. Il fustige les élus de l'Assemblée Nationale Législative (1791 - 1792) et exhorte les sans-culottes (par opposition à l'aristocratie) à renverser la monarchie.

En 1792, il réédite le "Catéchisme du genre humain." Lors de la révolution populaire du 10 août 1792, il est nommé commissaire de la commune insurrectionnelle de Paris.

Boissel devient l'archiviste et Vice-Président du club des Jacobins qui s'identifie avec Robespierre.

Boissel travaille à un projet de nouvelle constitution pour la France, alternatif au projet de Robespierre, qu'ils soumettent tous deux au club des Jacobins devenu la « Société des amis de la Liberté et de l’Égalité », à l'automne 1792.

François Boissel, jugé "dangereux" par Robespierre qui s'en écartera, mène une vie politique et de penseur très intense pendant la Révolution française qui le conduira de la vice-présidence du Club des Jacobins à la prison !

Boissel assiste aux séances de la Convention Montagnarde (juin 1793 - juillet 1794) et correspond avec certains membres du Comité de Salut Public : Saint-Just et Robespierre, défenseurs de la conception d'un gouvernement révolutionnaire. Avec l'élimination des Hébertistes et des Dantonistes la puissance du comité augmentera encore. Unique exécutif il mènera seul la politique de la Terreur tout en ranimant la vie économique du pays. Le Grand Comité ordonne les arrestations, dirige la diplomatie, la guerre, l'armement et la vie économique.

Infatigable animateur du Club des Jacobins, - club révolutionnaire il devint l'organe directeur de la Montagne et fut dès lors dominé par Robespierre.

À la chute de Robespierre (9 thermidor an II soit 28 juillet 1794), après un an de pouvoir sans partage du Comité de Salut Public, Boissel occupera le poste stratégique de Président du Comité des Archives, et redeviendra vice-président du Club des Jacobins qu'il a réintégré. Il  préside aux cérémonies et prononce le discours officiel lors du transfert des cendres de Rousseau au Panthéon le 20 vendémiaire an III ( 28 octobre 1794).

« Excellent rhéteur, Boissel vit par la plume toutes ses passions, canalisées dans sa seule volonté d’apporter une contribution intellectuelle à la sauvegarde sociale de l’individu, ce qu’il développe avec finesse et beaucoup d’humanité» (Pierre-Antoine Courouble).

En 1795, Boissel publie "La régence de Pitt", violente critique de la Convention thermidorienne, dans lequel il expose ses conceptions sur la politique économique de la France.

Il est arrêté et emprisonné le 7 février 1795, à la prison de la Force (avec Babœuf). Il est libéré six mois plus tard au lendemain de l'insurrection royaliste du 13 Vendémiaire  an IV (5 octobre 1795).

De 1796 à 1799, Boissel poursuit son activité politique, il publie une nomenclature de ses écrits. En 1797 il est nommé juge au Tribunal civil du département de la Seine (frimaire an IV). Durant l'année 1798 il écrit puis publie "Le Discours sur l'origine des gouvernements" dans lequel il juge la révolution en passant au crible des évènements révolutionnaires, toutes les idées qu'il a exprimées. Il y dénonce un quatrième fléau de l'humanité : l'argent et la spéculation qui est une partie importante de l'activité économique.

En 1805, Boissel adresse à Napoléon une pétition où il rappelle ses titres passés et demande à être  reçu par l'Archi-chancelier d'Empire, bras droit de Napoléon. Il en profite pour rappeler qu'il est l'auteur du "Catéchisme du genre humain".

François Boissel meurt à Paris en 1807, à l'âge de 79 ans.

L'énigme François Boissel

En fait, la vie et l’œuvre de Boissel soulèvent de nombreuses questions. En particuler pourquoi est-il le "philosophe oublié" de la Révolution française ? Lui qui fut le précurseur du socialisme, son nom aurait pu être inscrit dans le dictionnaire juste avant Boissy d'Anglas mais il n'y figure pas. Une proposition de réponse est donnée par l’écrivain ardéchois, Pierre-Antoine Courouble, auteur du livre "Citoyen Boissel". Selon lui, Boissel ne serait pas un oublié "par hasard" de l’histoire, mais un "effacé" de l’histoire. Son œuvre écrite, aurait été victime de la censure napoléonienne et des représailles qui s’abattront sur les anciens milieux jacobins au lendemain de l’attentat de la rue Saint-Nicaise à Paris, le 3 nivôse an IX ( 24 décembre 1800), également connu sous le nom de "conspiration de la machine infernale". Il s'agit d'une conjuration royaliste visant à assassiner le général Bonaparte, Premier Consul de France depuis le coup d'État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799).

Ouvrages de François Boissel

Écrivain, la diffusion de ses livres a été pour lui un moyen d’influer sur le cours des événements. La plupart des œuvres écrites de Boissel sont consultables à la Bibliothèque Nationale de France ou aux Archives Nationales. Il a ainsi laissé de nombreux documents, discours, lettres et correspondances qui constituent une mine d’informations pour le chercheur, la plupart saisis par la Convention lors de l’arrestation et l’emprisonnement de Boissel.

Son œuvre ne peut être dissociée de son activité militante pendant la révolution française.

Discours contre les servitudes publiques. Publié en 1786. Boissel y donne ses idées sur l'homme et la société. Il dénonce pour la première fois la propriété privée.

• Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont le « Catéchisme du genre humain » qui parut en avril 1789 et connut un succès retentissant, dans lequel il évoque les obstacles qu’il s’agit selon lui «d’éliminer pour favoriser le cheminement de l’homme dans la voie de la connaissance et de l’autonomie ». Il dénonce la propriété privée, la religion et le mariage comme les trois fléaux qui affligent l’humanité dans sa marche vers la Liberté. Les combattre, c’est également lutter contre l’ignorance et la contrainte de l’Institution.

Boissel, athée et un des principaux défenseurs de l'idée communiste dans cette période, élabore une "utopie" sociale et politique proche de celle de Babeuf. Son Catéchisme fut condamné par l'abbé de Clermont à l'Assemblée Constituante.

Le code civique de la France ou le Flambeau de la Liberté, publié en juin 1790. Il y propose un plan de construction de la France avec son programme politique et social, il promeut l'idée d'un État populaire et démocratique dont l'instauration sauverait la République.

Les entretiens du père Gérard, publié en avril 1793. Il élabore un programme détaillé de gouvernement révolutionnaire qui deviendra de fait, un an plus tard, le plan de la dictature jacobine dont l'instauration sauvera la république.

La régence de Pitt, publié en 1795. un pamphlet contre la Convention thermidorienne (troisième période de l’histoire de la Convention nationale allant du 27 juillet 1794 au 26 octobre 1795). Boissel expose son point de vue sur la politique économique de la France.

Discours sur l'origine des gouvernements, publié en 1799. Boissel passe en revue toutes les idées qu'il a exprimées dans le "Catéchisme du genre humain". Il y dénonce l'argent et la spéculation. Ce traité est suivi d'un essai philosophique sur le fondement des opinions religieuses.

Principales citations de François Boissel

• « Le droit de la propriété est la pire des valeurs fondatrices pour notre société civile ! La propriété n’est pas le vrai, mais le faux fondement de la société, elle est le premier usurpateur, le premier voleur des droits de la nature et de l’univers ». Le Catéchisme du Genre Humain, avril 1789.

• « Commençons donc par étouffer cette monstrueuse et abominable institution du droit à la guerre en renonçant à la propriété, c’est-à-dire à ce besoin primitif de dominer ». Le Catéchisme du Genre Humain, avril 1789

• « Le bonheur de l’homme est fruit de son éducation. » Le code civique de la France. Novembre 1790

• « Toutes les religions ne sont que des inventions de l’homme imposteur, transmises et perpétués par l’ignorance et la crédulité du plus grand nombre ». Le Catéchisme du Genre Humain.

• « Après s’être approprié et partagé les terres, les hommes ont imaginé de s’approprier et de se partager aussi les femmes. Afin d’avoir des enfants pour succéder à leur propriété. » Le Catéchisme du Genre Humain.

sources

- Citoyen Boissel, de Pierre-Antoine Courouble et préface de Jean Ferrat, Presse du Midi, septembre 2006.

- Citoyen Boissel,  par Véronique Gagliardi

- Histoire de Joyeuse : François Boissel, Le père oublié du socialisme

- Pierre-Antoine Courouble a dirigé et préfacé le réédition de quelques ouvrages fondamentaux de François Boissel :
• le discours contre les servitudes publiques (1786),
• Le Catéchisme du Genre Humain (1789),
• Le Code Civique de la France (1790),
• Les entretiens du Père Gérard (1791),
Tous ces ouvrages sont disponibles aux Presses du Midi, voir le site