Portraits d'ardéchois

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Jules RAMAS


1869 - 1963


Ingénieur des Arts et Métiers

Article tiré du site Grandes figures qadzarts (Fondation Arts et Métiers).

"Ardéchois, cœur fidèle" : Jules Ramas vérifiera cet adage tout au long de sa vie par ses engagements militaires et industriels, autant que familiaux et sociaux.

Jules Ramas est né le 25 novembre 1869 à La Voulte-sur-Rhône (entre Valence et Montélimar), dans une famille où l'on cultive les vertus traditionnelles. Celles-ci marqueront son enfance studieuse. Son "pays" natal vit alors au rythme des mines de fer et des hauts-fourneaux. Son parrain est chef des fabrications dans la métallurgie à La-Voulte et son frère aîné Émile (Aix 1882) y sera jeune ingénieur. Naturellement, Jules s'oriente vers les Arts et Métiers qu'il intègre 2e de sa promotion en 1885 (Aix 1885) pour en sortir major en 1888, année de la fermeture des usines sidérurgiques locales.Jules Ramas

À sa sortie de l'École, il s'engage et effectue un an de service militaire. Son parrain Émile Clere étant devenu entre-temps directeur des usines de Marquise (Pas-de-Calais), il entre à son tour dans le groupe. Durant huit ans, il effectue de nombreuses missions à l'étranger. Il commence avec l'étude et la construction de l'usine à gaz de Constantinople, puis se rend dans le même but à Galatz, en Roumanie. En 1895, il se trouve à Cuba, où il assure non seulement des travaux techniques de distribution d'eau, mais aussi la formation du personnel. Il devra fuir clandestinement vers l'Amérique du Nord à bord d'un voilier, pour échapper aux violences de la révolution qui vient d'éclater.

Malgré ces déplacements multiples, il trouve le temps de fonder une famille : en avril 1896, il épouse Marguerite Clere, la fille de son parrain, native comme lui de La-Voulte. Ils auront deux garçons et deux filles. Néanmoins, l'ingénieur s'expatrie une fois de plus pour travailler à l'usine à gaz de Corfou.

Son beau-père, qui l'a déjà aidé à orienter sa carrière à la sortie de l'École, est passé des usines de Marquise aux Forges de Gorcy (Meurthe-et-Moselle), en tant que directeur. Jules Ramas suit le même chemin. Avec son beau-père et son frère Émile, il participe à la fondation de la société métallurgique Griffin, dont il assure la direction puis l'administration générale jusqu'en 1936.

Chargé de mission pour Churchill !

Cette vie professionnelle et familiale menée de main de maître se heurte à la déclaration de guerre de 1914. Jules Ramas est mobilisé dès le 2 août. Le 6, on le charge de la défense du fort de Banbois, près d'Épinal. Puis il monte en première ligne du front de Lorraine à Badonviller, en mars 1915. Capitaine mitrailleur, il est cité à l'ordre de la Division et nommé chef de bataillon ; il a 46 ans. Jusqu'en 1917, il assure divers commandements à l'état-major du Génie sur la demande du général Roques, et invente un procédé rapide et efficace de pose de barbelés. Il assure par ailleurs des missions diverses, notamment à Londres auprès de Winston Churchill, alors ministre de l'Armement, et également auprès d'attachés militaires italiens et belges. C'est à titre militaire qu'il devient chevalier de la Légion d'honneur en 1917, et reçoit des distinctions italiennes et belges.

À l'Armistice du 11 novembre 1918, on le charge de missions pour la réorganisation des aciéries françaises en Lorraine et en région désannexée. Il est démobilisé en 1919 avec le grade de lieutenant-colonel, et termine ainsi brillamment une période douloureuse et héroïque, durant laquelle il a fourni la preuve de ses qualités de chef, de sa valeur technique, d'un courage tranquille et d'une grande volonté. Son fils aîné Émile, engagé volontaire dès 1914 à l'âge de 18 ans, est blessé à Verdun : il reçoit la Croix de guerre et la Légion d'honneur.

La fin de la guerre ramène Jules Ramas à l'industrie lorraine. Son rôle technique à la commission interministérielle des métaux et fabrications de guerre en 1917 le conduise à la direction générale du Comptoir sidérurgique de France, fondé par les 17 aciéries françaises pour restaurer l'industrie sidérurgique nationale. Ses compétences sont unanimement reconnues, de même que ses qualités de caractère et son sens aigu de l'intérêt général. Devenu administrateur délégué vers 1925, il assume ce poste jusqu'en novembre 1940, date à laquelle cette organisation est mise en sommeil.

La période d'entre-deux-guerres va permettre à cet homme infatigable d'assurer, avec persévérance et dévouement, de nombreuses fonctions bénévoles, en priorité dans la Société des anciens élèves de l'Ensam, où il s'investit dès 1903, par séquences successives : 18 ans au Comité, dont trois ans comme vice-président, puis trois années comme président, de 1932 à 1935.

Un personnage très estimé

La haute estime que d'éminentes personnalités portent à sa conception de l'intérêt général contribue à étendre le rayonnement de l'École et le renom des Arts et Métiers. Témoin, la profonde amitié qu'il reçoit du président de la République Albert Lebrun.

Sa connaissance de l'École et des besoins de l'industrie le désigne naturellement au conseil de perfectionnement de l'École. Il se montre très attentif aux problèmes existants pour préparer l'École et les gadzarts à un avenir digne de leur histoire : il y est très attaché et ne manque jamais de le rappeler avec beaucoup d'émotion. Également attentif au maintien de la fraternité, il remarque au cours de sa présence au Comité que ses membres, de générations différentes, se connaissent mal. Il institue alors le "dîner de la relève" pour que les "entrants" et les "sortants" aient l'occasion de se rencontrer. Cette manifestation chaleureuse reste aujourd'hui très appréciée.

Son passé de voyageur et sa personnalité entraînent également Jules Ramas à la Société des ingénieurs de l'outre-mer : il en devient président de 1936 à 1946. Cette fonction lui vaut le titre de Commandeur de la Légion d'honneur. Il devient également conseiller du Commerce extérieur. Un homme comme lui ne pouvait passer inaperçu : il est sollicité par le maire de Chatou dès 1920 pour siéger au Conseil municipal. Il en devient maire à son tour de 1935 à 1944, et ces neuf années de mandat se révèlent difficiles. En 1936, des grèves avec occupation d'usines l'obligent à assurer le maintien de l'ordre : le gouvernement, débordé, passe la main aux autorités locales. L'effigie du maire de Chatou fait alors l'objet d'une parodie de pendaison ! Jules Ramas fait face avec le courage tranquille et la détermination souriante d'un Ardéchois entêté !

Après une courte accalmie, le temps de nouvelles épreuves se profile avec l'année 1939 : une nouvelle fois la guerre se déclenche, accompagnée de l'Occupation. Ses deux fils et l'un de ses gendres sont mobilisés. L'aîné, déjà blessé à Verdun et commandant d'artillerie, est fait prisonnier en 1940 ; il est père de quatre enfants. Son fils cadet, Henri, ingénieur du Génie maritime, est tué le 18 juin 1940 en défendant Cherbourg. Ayant rejeté l'ultimatum de Rommel, il a retardé la prise du port et permis l'évacuation de 50 000 Anglais. Lors de ses obsèques, les honneurs lui sont rendus par les Allemands. Il laisse quatre orphelins. Le gendre de Jules Ramas, capitaine d'artillerie, reçoit la Légion d'honneur et la Croix de guerre ; il a également quatre enfants.

La ville de Chatou n'est pas épargnée : réfugiés, ponts sautés, bombardements… Marguerite Ramas assiste son mari sur place, le relayant au Secours national et à la Croix rouge. Après ces nouvelles épreuves, Jules Ramas profite de sa famille, qui compte de nombreux petits-enfants et arrière-petits-enfants. Jusqu'à sa fin et malgré son grand âge, il continuera à servir la communauté gadzarts et à lui apporter son expérience, avec une jeunesse de cœur exceptionnelle.

Jules Ramas est décédé le 18 juillet 1963 à Chatou à l'âge de 94 ans.

 

Sources

- Jean Vuillemin (Pa. 40)