Portraits d'ardéchois

Menu

Marie NORCEN


1908 - 2000


Conteuse, poètesse, écrivaine

Marie Norcen est née en 1908, au quartier de Sauveyre à Saint-Martin-de-Valamas. Elle était l'aînée de trois enfants.

La famille se déplace à Annonay où elle se découvre une âme d'artiste. Elle étudie l'occitan, dont elle parle le patois.

En 1979, elle reçoit le prix de poésie occitane de la ville de Mussidan.

Elle anime des soirées dans les Boutières, collecte des contes, publie des poèmes et enseigne l'occitan. Elle collabore aux Cahiers du Mézenc.

Marie Norcen est décédée le 6 novembre 2000.

Marie Norcen a publié un recuei : Du pays des Boutières, Contes, Racontes et Poèmes en occitan et en français, Le Cheylard, imprimerie Chevalier, 1979.

L'un des contes s'appelle Janet et Janette, version du conte "Les enfants abandonnés dans la forêt" ("Le Petit Poucet") dont Nanette (Marianne Lévèque) donne une autre version.

Janet et Janette

Un homme avait deux enfants : Janet et Janette. La maman était morte. Un jour, le père se remaria. Les enfants n'aimèrent pas cette nouvelle maman, c'était une marâtre.

El la marâtre n'aima pas les enfants. Et la marâtre ne faisait rien pour se faire aimer. Elle les bousculait, leur criait après quand le mari n'était pas là.

Le père se rendait bien compte que les enfants étaient malheureux, mais que faire !

La mauvaise prit prétexte que les enfants mangeaient le peu de nourriture qu'ils avaient pour vivre, et décida son mari d'aller les perdre dans les bois.

Le pauvre homme bien triste, mais gardant l'espoir que les enfants seraient recueillis et non dévorés par les loups, leur dit un jour : "Nous n'avons presque plus de pain, allons au moulin chercher de la farine".

Les enfants qui ne mangeaient pas toujours à leur faim, suivirent le père.

Au milieu d'un bois, ils s'assirent pour manger la tourte, mais le père la lâchaexprès. Elle alla rouler dans le ravin.
- "Vite, vite, courez chercher la tourte !"
- "Mais papa, dirent les enfants, nous allons nous perdre !
- "Non, non, dit le père, je frapperai sur l'arbre avec une pierre, vous me trouverez".

Janet et Janette descendirent dans le ravin pour chercher la tourte. Lorsqu'ils remontèrent, le père était parti ; il avait attaché à une branche d'arbre un sabot qui frappait l'arbre. C'était le vent qui remplaçait le père.
- "Nous sommes perdus, dirent les enfants, qu'allons-nous faire ? "
- "Monte sur un arbre, Janet dit Janette".

Et Janet grimpa…
- "Que vois-tu Janet ?"
- "Je ne vois rien, Janette".
- "Monte un peu plus haut, Janet. Qu'est-ce que tu vois, Janet ? "
- " Toujours rien janette";
- "Monte à la pointe, Janet. Quest-ce que tu vois?"
- "Je vois une maison blanche, une rouge, une bleue".
- "Descends, Janet".
- "Quelle maison prendrons-nous, Janette ?"
- "Prenons la rouge, il doit y faire plus chaud".

Arrivés à la maison rouge, ils frappèrent à la porte. Une femme laide, échevelée, vint leur ouvrir.
- "Vous ne nous laisseriez pas coucher cette nuit dans votre grenier ? Nous sommes perdus dans la forêt, nous avons faim et froid".
- "Pauvres petits, partez vite d'ici. Mon homme, c'est le diable, il mange les petits". 
- "Oh, mais, dit Janet, l'un se cachera sous le banc, l'autre sous la table, le diable ne nous trouvera pas".
- "Bon, et bien, ça va. Chauffez vous, mangez un morceau".

Dehors un grand bruit. Le diable arrive. Il entre et se met à renifler comme un chien de chasse.
- "Ça pue, ça sent la chaie de chrétien. Quelqu'un est caché ici !"
- "Non,non, dit la diablesse, il n'y a personne".
- "Ii ya quelqu'un, ça sent, ça pue, il y a de la chair de chrétien ! "

À force de chercher, il les trouve, et veut les manger tout de suite. Mais la diablesse lui dit :
- "Ne les mange pas, ils sont trop maigres. Nous allons les engraisser. Nous mettrons le garçon dans la soue du cochon. La fille nous servira de bonne et elle portera à manger à son frère. Le diable dit oui. Il donna une bague à la diablesse en lui disant:
- "Lorsque la bague n'entrera plus dans le doigt du petit cochon, il sera prêt à manger.

Mais Janette était finaude, elle avait trouvé une queue de rat, et quand la diablesse faisait passer le doigt par un trou pour le mesurer (et quand Janet devait passer le doigt par un trou pour que la diablesse le mesure), il passait la queue du rat.

Un jour vint où le diable et la diablesse allèrent à une réunion de diablotous. Ils attachèrent Janet et Janette. Mais celle-ci avait caché le grand couteau, celui qui devait saigner son frère.

Vite, vite, elle coupe ses liens et ceux de son frère.
- "Dépêchons Janet, avant qu'ils ne reviennent.

Le diable ayant une paire de bœufs, les enfants les attttelèrent à la charette, prirent l'or et l'argent, et suivis d'un petit chien blanc, ils se sauvèrent.

Lorsque le diable rentra avec sa diablesse, ils trouvèrent tout sens dessus dessous. Tout envolé : Janet, Janette, l'or, l'argent, les bœufs, le char… et le petit chien blanc.

Le diable prit une colère terrible et partit comme le vent pour rattraper les enfants.
- "Vous n'auriez pas vu Janet et Janette, mes bœufs, mon char, mon or, mon argent et mon petit chien blanc ? Tout le monde répondait
- "Nous n'avons rien vu".
Il demanda ainsi à un homme qui labourait son champ, à un pêcheur, personne n'avait rien vu.

Enfin, il trouva un maçon qui réparait un pont au bord d'une grande rivière. A la question : Vous n'auriez pas vu Janet et Janette, etc…" le maçon répondit :
- "Je les ai bien vus. Ils ont voulu passer l'eau; Le pont s'est effondré, voyez, je le répare, si bien que tout est au fond de l'eau. Regardez, vous pouvez les voir !

En entendant cela, le diable et la diablesse sautèrent dans la grande rivière récupérer leurs biens. Ils y sont encore…

Pendant ce temps Janet et Janette roulaient en direction de leur maison natale. Ils trouvèrent leur père seule, sa femme l'avait abandonné.

Il pleura de joie en retrouvant ses enfants

Ils vécurent heureux tous les trois. Ils avaient l'or, l'argent, la charrette, les bœufs et le petit chien blanc.

 

Sources

- Marie Norcen, in memoriam, Les Cahiers du Mézenc n°13 juillet 2001