Portraits d'ardéchois

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Emmanuel-Louis-Henri-Alexandre de Launay,
comte d'ANTRAIGUES


1753-1812


Aventurier politique, agent secret

Emmanuel-Louis-Henri de Launay est né à Montpellier le 25 décembre 1753 et baptisé le 26, paroisse Notre-Dame des Tables, par le vicaire général de l'évêché de Montpellier. Son parrain fut "Messire Henri de Roux, vicomte de Treslau" (diocèse de Viviers), sa marraine fut "haute et puissante Dame Madame Louise Sophie Jacqueline de Barral, épouse de haut et puissant seigneur Jean Emmanuel de Guignard, vicomte de St-Priest, conseiller du roi, ladite Dame grand-mère maternelle du baptisé". C'était-là une belle entrée dans le monde pour un destin pour le moins original et qui devait trouver une fin tragique...

Originaire du Vivarais par son père - "haut et puissant seigneur Messire Jules Alexandre de Launay comte d'Antraigues" et par sa mère - "Demoiselle Marie Jeanne Sophie de Guignard de Saint-Priest", mariés le 18 avril 1752 à Montpellier.

Il était le neveu de François Emmanuel de Guignard, comte de Saint-Priest, son oncle maternel, qui fut ministre sous Louis XVI.

Emmanuel-Louis-Henri de Launay était le propriétaire du château d'Antraigues ainsi que de celui de Labastide-sur-Bézorgues. Le comte d'Antraigues, jeune noble ardéchois, capitaine au régiment de Piémont-Cavalerie, avait compris qu'une lutte acharnée allait éclater entre les oppresseurs et les opprimés.

Pénétré des idées de Jean-Jacques Rousseau dont il était l'ami, il publia en 1788, deux brochures qui eurent un grand succès, dans lesquelles il se montre d'abord un ardent partisan de la Révolution :

- 1- La "Constitution de la Monarchie", dans laquelle il dit que "Le Tiers-état est le peuple, et le peuple est la base de l'état. C'est dans le peuple que réside la toute puissance nationale".

- 2- Dans le "Mémoire sur les Etats généraux, leurs droits et la manière de les convoquer", il s'interroge et répond: "Quel est le droit du Tiers-état? Celui du grand nombre sur le petit, puisque cet ordre est aux deux autres comme 100.000 est à 1."

Il y décrit également un nouveau type de contrat social dans lequel l'obéissance à l'État est subordonné au maintien par celui-ci des droits et des privilèges. La noblesse héréditaire étant pour lui "le présent le plus funeste que le ciel irrité ait fait au genre humain." C'est cette contradiction dans la pensée qui explique l'attitude d'Antraigues. Député de la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg aux Etats Généraux de 1789, il ne justifia pas les espérances que son élection avait fait naître.

Après avoir été un publiciste libéral il se montra représentant réactionnaire. A peine arrivé à Versailles, Emmanuel de Launay comte d'Antraigues, se mit du côté de la noblesse qu'il avait attaquée en 1788. Mirabeau qui avait redouté en lui un rival, l'exécuta dédaigneusement dans ses "Lettres à mes commettants". En mars 1790, d'Antraigues émigra à Lausanne et devint un agent secret et un actif contre-révolutionnaire. Aventurier politique à la solde de l'Espagne et de la Russie. Arreté en mai 1797, à Venise, sur ordre de Bonaparte, on trouva dans le portefeuille du comte d'Antraigues, les preuves de la trahison de Pichegru. On le laissa s'évader. Il se met de nouveau au service des puissances coalisées contre la France. Il fût nommé en 1803 conseiller d'état par l'Empereur de Russie qui l'envoya en mission secrète à Dresde. Expulsé de Saxe, en 1804, il se réfugia à Londres et trahit plus tard le Tsar en livrant au ministre anglais Canning, contre une forte pension, les articles secrets du traité de Tilsitt entre Napoléon et Alexandre.

En 1812, fatigué par ces mille intrigues, tourmenté peut-être par le remords de cette vie équivoque et malfaisante à la patrie, il écrivait: "Je supplie Dieu de me conserver ce que j'ai bien gagné près de ces misérables rois que j'ai dû servir et que j'ai eu le malheur de servir." Le 22 juillet de la même année, il fut à son tour trahi par son domestique qui vendit des papiers importants à des émissaires de Napoléon. Craignant d'être découvert ce domestique assassina d'Antraigues et sa femme à Barnes-Terrace près de Londres, sur le perron de leur villa, avant de se suicider.

Sources

- Vivarais  Ardèche  Editions Bonneton

- Christian PIOCH