Louis-Hubert FARABEUF

1841 - 1910

Chirurgien anatomiste

Farabeuf succède à Sappey comme professeur d'anatomie. Grande figure de l'anatomie. Il publie en 1881 un "Manuel sur l'anatomie topographique et opératoire". Il est membre de l'Académie Nationale de Médecine.

Louis-Hubert Farabeuf est né le 6 mai 1841, hameau de La Conquillie, dans une ferme de cent hectares, à trois km de Bannost dans le département de Seine-et-Marne à l'Est de Paris. Il est le fils de cultivateurs de la Brie. En 1848 ses parents viennent vivre à Beton-Bazoches et en 1852 l’envoient comme interne au Collège de Provins. Il est bon élève. Après son baccalauréat ès sciences, en 1859, il vient à Paris pour suivre des études de médecine, ce choix familial malgré le coût des études est autant lié à ses goûts et à un louable désir d’ascension sociale qu’à une santé déjà fragile.

Les études médicales durent alors quatre ans. Elles comportent des cours magistraux à la Faculté pour l’enseignement, l’École pratique pour la dissection, l’hôpital pour l’enseignement au lit du malade, ainsi que les concours hospitaliers d’externat et du très sélectif internat.

À la Faculté, Farabeuf passe déjà pour républicain, ses velléités de corporatisme étudiant l’ont mis en contact avec l’avocat Jules Ferry qui l’incite à la prudence.

Professeur Louis-Hubert Farabeuf

En 1861-1862, il devient externe des hôpitaux de Paris à Beaujon, Saint Louis et l’Hôtel Dieu. Farabeuf est interne provisoire en 1863 (comme Clémenceau) à Bicêtre, hospice de 2750 lits pour indigents, vieillards, infirmes, aveugles, épileptiques. Il y est très actif, sans contrôle réel des chefs de service : le chirurgien Foucher, les neurologues Vulpian, Charcot sont bien trop occupés ailleurs. Redevenu externe ; en décembre 64, il est nommé Interne des hôpitaux de Paris. En 1865, il est à Lourcine (actuel hôpital Broca), hôpital des femmes vénériennes et premier poste des jeunes chirurgiens des hôpitaux, (son maître Panas aura en 1878 la première chaire d’ophtalmologie) puis à la Pitié chez Gosselin, bon clinicien, fin enseignant, puis chez Richet, dont le Traité d’anatomie médico-chirurgicale le séduira. En 1867 et 1868, il est à Lariboisière chez Verneuil, un des premiers adeptes du microscope et de l’antisepsie et agrégé d’anatomie. L’infection hospitalière (on dirait aujourd’hui nosocomiale) est alors effrayante. En tant qu'’interne il vit quatre ans de formation solide et trouve en salle de garde un lieu de culture, d’échanges intellectuels, de libre parole classe républicaine anti autoritaire, la moins douée de la bosse de la vénération selon les Goncourt qui fréquentent la Charité en 1861-62 pour se documenter pour leur roman Sœur Philomène. Parmi ses condisciples on trouve Dieulafoy, Bourneville, Lucas-Championnière, Desplats.

Malgrè son goût pour la chirurgie, Farabeuf va s’orienter vers l’anatomie. Nommé aide titulaire d'anatomie en 1868, soutenu par Verneuil, plusieurs raisons dictent ce choix : sa mauvaise santé d’abord. Déclaré inapte au service militaire en 1861, il tombe gravement malade pendant plusieurs semaines en janvier 1863, en venant à Beton-Bazoches par un froid glacial au chevet de son père mourant. Il en gardera toute sa vie de graves séquelles respiratoires, auditives et oculaires, et une grande fragilité.

En 1866, il se marie à une jeune fille de Jouy-le-Châtel, ils auront deux fils en 1867 et 1869.

Pendant la guerre avec la Prusse, non mobilisable, il est bénévole pour donner des cours sur les moignons d'amputation. Pendant le siège de Paris il est affecté à l’annexe militaire de Saint-Antoine. Il tirera de l’impréparation technique des chirurgiens improvisés, de l’infection post opératoire, et du ramassage trop tardif des blessés sur le terrain, une orientation de son enseignement vers une anatomie pratique et opératoire obligatoire pour les étudiants en médecine. Le répit entre l’armistice du 28 janvier 1871 et le début de la Commune le 18 mars est vécu dans l’inquiétude. C'est à ce moment que Farabeuf passe sa thèse. Pendant l’été il se repose avec sa famille épuisée en Normandie puis au pays natal.

Le succès

Il rentre à Paris, pour se préparer au prosectorat et en 1872 il est nommé prosecteur en anatomie.

Au début de 1876, Farabeuf est nommé professeur agrégé d'anatomie-histologie-physiologie. Il a déjà une solide réputation d’enseignant près des étudiants, et des candidats à l’agrégation. Il souhaite une profonde réforme de l’enseignement pratique à Paris de l’anatomie et de la médecine opératoire, il les veut pratiques, chirurgicales, aussi utiles aux médecins de campagne qu’aux futurs chirurgiens. Il expose son programme et propose ses solutions dans le Progrès Médical ; ce qui permit d'obtenir des autorités l'accord pour la construction d'une nouvelle école pratique provisoire qui servira de modèle pour les pavillons d'anatomie au 15 rue de l'École-de-Médecine et qui seront fonctionnels en 1886.

En 1877, il est élu membre titulaire de la Société de chirurgie, honneur rare pour un anatomiste pur.

Écarteurs de Farabeuf

La même année, il est élu Conseiller général républicain radical de Seine-et-Marne contre le sortant, Comte d’Harcourt, ambassadeur, orléaniste. C’est le moment où s’enracine la Troisième république, à la recherche d’hommes efficaces et rassurants.

En 1878, il est nommé chef des travaux anatomiques ; il inaugure l'enseignement de Médecine opératoire à la Faculté de Médecine de Paris.

En tant que chef de travaux anatomiques et chirugien, il fut un enseignant de génie, un réformateur de l'Anatomie opératoire ; il contribua à la rénovation de l'enseignement pratique de l'Anatomie, de la Chirurgie et de l'instrumentation chirurgicale ; en effet, le Professeur Farabeuf fut l'inventeur de multiples instruments encore utilisés aujourd'hui (pince de Farabeuf, écarteurs de Farabeuf ), très utiles pour la pratique de la Chirurgie en général, et la chirurgie Orthpédique en particulier ; ses instruments et ses techniques chirurgicales permirent de maîtriser la chirurgie des membres et la ligature des vaisseaux.

Il rédige plusieurs précis de chirurgie. Il publie en 1881 un Manuel sur l'anatomie topographique et opératoire et en 1897 un texte sur l’importance du laboratoire d’anatomie pour l‘apprentissage de la médecine. Le Professeur Farabeuf a le mérite de contribuer à la formation de trente médecins et plus de quarante chirurgiens célèbres du début du vingtième siècle.

Au début de 1887, succédant à Sappey, il devient professeur titulaire d’anatomie, consacrant en lui le "maître merveilleux". Il se sent assez fatigué par ses multiples et intenses activités. Il a dû plusieurs fois les interrompre pour raison de santé, pour se rendre en cures thermales ou de repos. Aux sessions du Conseil général à Melun, deux à trois par an, s’ajoutent les voyages sur des routes inconfortables pour des comices, des foires, des remises de prix où il faut bien paraître, discourir, festoyer. Il renonce à un troisième mandat, démissionne de la Société de chirurgie, pour se consacrer exclusivement à l’enseignement magistral cumulé un an encore avec le poste de chef des travaux. On est enfin revenu à la toute neuve École pratique, 15 rue de l’Ecole de médecine, dans les pavillons conçus par lui, son laboratoire au nord ouest du cloître domine un peu la place. La Faculté en face ne sera inaugurée qu’en 1900.

L'apothéose

La magie de l’extraordinaire enseigneur a plané longtemps après, sur le grand amphithéâtre.

Les soucis cependant s’accumulent : le nouveau chef des travaux Paul Poirier est l’opposé de Farabeuf : excellent chirurgien des hôpitaux, c’est un faux dilettante, un dandy mondain proche des Rothschild, démagogue avec les étudiants, amateur de scandale, étalant une vie agitée et ses bonnes fortunes dans l’appartement de fonction du réfectoire des Cordeliers, sous le nez des Farabeuf qui vivent sobrement, en face, au dessus de la coutellerie Collin. Il entend bien se dégager totalement de la tutelle de Farabeuf. Ils ne s’entendront jamais.

Le conflit avec Félix Terrier naîtra plus tard, quand celui-ci aura la chaire de médecine opératoire et d’appareils en 1893 dont il entend contrôler l'enseignement. La chirurgie viscérale est une langue vivante, dont il organise des cours de formation hélas peu suivis car il est piètre orateur. Il est un des pères de l’asepsie et du bloc opératoire.

La passion de Farabeuf pour l’obstétrique va l’occuper près de quinze ans. Il rédige un livre qui sera la bible de plusieurs générations d’obstétriciens, de médecins de campagne qui font alors les accouchements à domicile, et de sages femmes dont Farabeuf contrôle depuis 1878 l’enseignement et les connaissances anatomiques. Une polémique nait quand Farabeuf insinue que les accoucheurs sont piètres chirurgiens et se fait des ennemis à l’Académie de médecine. L’essor de la césarienne mettra fin au débat.

En 1897, il est élu à l’Académie de médecine qui se réunit dans l’ancienne chapelle de la Charité, rue des Saints-Pères. Il y sera assidu.

Cependant que son état de santé continue de se détériorer. Il doit interrompre ses cours en 1889-1890 ; passer l’hiver 87 à Dax ; passer le week end à l’Hay-les-Roses dont l'air est plus respirable que celui de son laboratoire.

Farabeuf est très déçu par ses fils, tous deux externes et médiocres, ils ne seront pas nommés à l’internat. De plus ils sont de santé fragile, ils mourront à la quarantaine.

Pour Farabeuf la charge de travail est croissante : aux cours magistraux et travaux de laboratoire s’ajoutent les jurys de concours et surtout des examens multiples d’anatomie, pour Paris et les huit écoles préparatoires satellites (Rouen, Caen, Rennes, Nantes, Angers, Tours, Limoges, Poitiers), dont il assume sur place la présidence pour les premiers examens, et à Paris les examens de doctorat. En 1887, la nomination de Melle Klumpke (future Mme Déjerine) déclanchera une émeute rue Victoria. En 1889 est nommée la russe Mme Wilbrouschewitch (future Mme Nageotte) ; en 1901 Marie Fr Francillon et en 1902 Louise Géry-Tinnel .

En 1898, l’ensemble de ses soucis a un peu altéré l’image du Maître, ses cours sont moins soignés, ses rapports avec le doyen Brouardel plus difficiles. Et surtout son comportement lors des examens inquiète ses collègues et ses amis. Il se murmure que Farabeuf pourrait bien être atteint d'une complication du tabès, ce qui n'a jamais été démontré.

1902, le drame

Mais ce maître de l’anatomie est également brusque, voire emporté, dans ses rapports avec ses étudiants. Le 18 février 1902, deux candidats ajournés par Farabeuf à l’examen d’histologie portent plainte près du doyen Debove : l’un d’avoir dû lire une coupe histologique sans microscope ; l’autre d’avoir été traité de couillon et d’andouille ; tous deux d’avoir été indignement traités. Le doyen informe le recteur, et celui-ci son ministre. Farabeuf est suspendu de ses fonctions en 1902, dans un climat de tensions personnelles avec le ministre.

Le ministre est Waldeck-Rousseau, gendre de Charcot et ami intime de son successeur Poirier. On harcèle Farabeuf pour une retraite prématurée (il a 61 ans !). On le fait officier de la Légion d’honneur, on lui fait miroiter une chaire au Collège de France. Il finit par céder et sera Professeur honoraire au 1er novembre 1902. Imposé par le ministre contre le vote du conseil de Faculté favorable à Tillaux, son successeur sera Poirier dont la leçon inaugurale sera empêchée par un formidable tumulte des étudiants.

Retraite forcée

Retiré d'abord à Beton-Bazoches en Seine-et-Marne, il se repose, il aménage la maison familiale, son cabinet de travail, s’occupe du jardinage, des écoles, des anciens du collège de Provins, mais s'ennuie. Il se rend donc à Paris travaillé dans un laboratoire aménagé dans le sous-sol du cloître. Il y complète un travail sur les vaisseaux des organes génito-urinaires du bassin, qu’il viendra présenter en 1905 à l’Académie de médecine.

Au cours du mois de juillet 1910, il participe à quelques réceptions ou préside des distributions de prix. Victime d'une occlusion par obstruction, il est opéré à domicile par son élève Pierre Delbet d'un iléus biliaire. Il meurt le lendemain 13 août 1910 à Beton-Bazoches. Il est enterré le 16 août dans son village.

Sources

- Louis-Hubert Farabeuf (1841-1910 promotion AIHP 1864 , AAIHP

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