Augusta Marie KLUMPKE épouse DÉJERINE

1859 - 1927

Première femme Interne des Hôpitaux de Paris

D'origine américaine, Augusta Klumpke s'installe à Paris en 1877 pour y entreprendre des études de médecine. Elle est la première femme nommée interne titulaire des hôpitaux de Paris au concours 1886, malgré une très large opposition du corps médical.

Augusta Marie Klumpke est née le 15 octobre 1859, à San Francisco aux États-Unis. Elle est la deuxième des cinq filles et du seul garçon de la famille. Son père, John Gérard Klumpke, né à Suttrup (Nouvelle-Orléans), est l’un des premiers pionniers de San Francisco et y prospère comme homme d’affaires. Sa mère, Dorothea Matilda Tolle, est née à New York. La fille aînée de la famille Klumpke étant devenue infirme à la suite d'un accident, face à l'impuissance des médecins californiens, Madame Klumpke décide de partir avec ses enfants pour consulter le Professeur Nélaton à Paris et le Professeur Langenbeck à Berlin. L’enfant est traitée à Berlin pendant un an et demi, sans grand succès. Puis toute la famille revient à San Francisco. Les quatre filles suivent un bon enseignement scolaire et des cours particuliers ôur parfaire leur instruction. Deux enfants naissent, un garçon en 1868 et une fille en 1870. Puis les parents se séparent, Madame Klumpke obtient la garde des enfants et repart pour l'Europe en avril 1871. Elle séjourne chez une cousine à Göttingen, puis s’installe successivement au bord du lac de Genève, au dessus de Clarens, puis à Lausanne. Elle met cette fois encore tout en œuvre pour donner la meilleure éducation à ses enfants – langues vivantes et anciennes, sciences, littérature et arts.

Une Américaine à Paris

Augusta voulait étudier la médecine mais, puisqu'il n'y avait pas de faculté de médecine à Lausanne, la famille s'est déplacée à Paris, où Madeleine Brès en 1875, avait été la première femme en France à obtenir le diplôme de docteur de médecine. Chacun des enfants va trouver là, la formation qui lui convient. L'aînée Anne-Elizabeth s'adonne à la peinture; Augusta entreprend ses études de médecine; Dorothée la troisième est a première femme à soutenir un doctorat de mathématiques en Sorbonne (en 1893); Mathilda la quatrième étudie la musique et deviendra concertiste aux Etats-Unis; le cinquième John William est élève à Louis-le-Grand et deviendra ingénieur; Julia la sixième étudie le violan. Augusta Klumpke

En dépit de la résistance du doyen du corps enseignant, Alfred Vulpian (1826-1887), Augusta fut admise à commencer ses études à la Faculté d Paris en 1876, après avoir obtenu les équivalences au baccalauréat en lettres et en sciences. Dans le même temps elle suit des cours de sciences de la Sorbonne, les cours du Professeur Frémy au Muséum, du Professeur Joseph Auguste Fort, dans le Pavillon de l’Enseignement libre – où elle obtient la médaille de vermeil du Prix d’anatomie de l’Enseignement libre (1878-1879) –, et du Professeur Ranvier au Collège de France. Elle fait ses stages hospitaliers et suit les consultations : à la Pitié, des Docteurs Lancereaux, Gallard et Jaccoud, à Saint-Louis, du Dr. Terraillon, à Lariboisière, du Professeur Duplay, aux Quinze-Vingts, du Dr. Fieuzal. Elle suit également les leçons cliniques du Dr. Charcot à la Salpêtrière et celles du Dr. Magnan à Sainte-Anne.

Entre 1881 et 1882, elle est stagiaire dans le service de clinique médicale du Professeur Hardy à la Charité ; le Dr. Déjerine y est chef de clinique et le Dr. Landouzy, médecin des Hôpitaux et professeur agrégé. Elle s’initie alors au travail scientifique et se rend très utile pour les recherches bibliographiques grâce à sa maîtrise de plusieurs langues étrangères. En 1882, elle est en stage à l’Hôpital Saint-Louis dans les services du Dr. Porak, puis du Professeur Grancher.

Externat

Augusta Kumpke et son amie Blanche Edwards, après de nombreuses démarches, obtiennent le droit de concourir à l’Externat des Hôpitaux de Paris. Elles sont admises toutes les deux en 1882. Augusta Klumpke passe son stage d'Externat à l’Hôtel-Dieu d’abord dans le service du Dr. Empis. Elle complète en parallèle ses connaissances par les leçons cliniques du Dr. Charcot en neurologie, du Dr. Magnan en psychiatrie, du Professeur Germain Sée (à l’Hôtel-Dieu), du Professeur Alfred Fournier et des Docteurs Besnier et Lailler. Dans le service du Professeur Vulpian en consultation de neurologie, elle diagnostique chez un malade une paralysie radiculaire totale du plexus brachial avec troubles oculo-pupillaires, sur lequel elle publie un mémoire en 1885 dans la Revue de Médecine. Son mémoire est couronné par le prix Godard de l’Académie de Médecine, et ce type de maladie prend alors son nom.

Internat

Sans tarder, Augusta Kumpke et Blanche Edwards suivent les conférences en vue de préparer l’Internat, sous la direction des Docteurs Queyrat, Colleville et Legendre. Mais l'opinion médicale et politique est partagée sur la nécessité d’admettre les femmes à concourir à l’Internat. En août 1885, le Préfet de Police, sur ordre du Ministre de l’Instruction publique Paul Bert, favorable au mouvement d’émancipation des femmes, impose à la Faculté de Paris la candidature des femmes à l’Internat. Cette décision vient s'opposer à la décision prise par le Doyen de la Faculté, la Société Médicale des Hôpitaux, la Société des Chirurgiens des Hôpitaux de Paris, le Conseil de surveillance de l’Assistance publique et l’Association des Anciens Internes des Hôpitaux de Paris.

C’est ainsi que, contre l’avis de quasiment toute la classe médicale, et bénéficiant exclusivement de quelques soutiens individuels dans la profession, Augusta Klumpke et Blanche Edwards se présentent aux épreuves du concours le 7 octobre 1885. Pour des raisons de "fuite", le concours est cassé. Il est réorganisé le 19 octobre. Augusta Klumpke obtient la meilleure note de l’écrit (29/30), mais ne convainc pas le jury à l’oral. Elle est nommée 2e Interne Provisoire. Blanche Edwards échoue. Elles repassent le concours en 1886. Augusta Klumpke obtient de nouveau la meilleure note à l’écrit et, au terme de l’oral, est reçue 16e interne titulaire (sur 52) ; Blanche Edwards est reçue Interne provisoire. En 1887, Augusta Klumpke fait sa première année d’Internat à l’Hôpital Lourcine (actuellement Hôpital Broca) dans le service du Dr. Balzer, et rejoint pour sa seconde année le service du Dr. Landouzy.

Mariage et thèse

Couple Klumpke Dejerine
Professeur et Madame Déjerine examinant au laboratoire des grandes coupes de cerveau
(Hospice de la Salpétrière - Pavillon Jacquard)

En 1888, elle interrompt son Internat et épouse le Dr. Jules Déjerine. Elle se consacre alors à rédiger sa thèse de Doctorat, qu’elle passe brillamment en 1889, intitulée : "Des polynévrites en général et des paralysies et atrophies saturnines en particulier. Étude clinique et anatomo-clinique", un travail de 295 pages. Sa thèse obtient la médaille d’argent de la Faculté de Paris et le prix Lallemand de l’Académie des Sciences. Un de ceux qui avait noté les capacités exceptionneles d'Augusta Kumpke lorsqu'elle était étudiante fut Jules Déjerine qui écrivait d'elle : "Elle a toutes les qualités possibles".

Le mariage devait devenir le début d'une coopération unique dans la recherche neurologique, elle est la collaboratrice efficace de son mari. N’ayant pas de poste officiel, elle poursuit ses recherches dans les hôpitaux où son mari exerce : d’abord à l’Hôpital de Bicêtre, puis à la Salpêtrière. Ils publient ensemble une somme en deux volumes, l’Anatomie des centres nerveux (1895-1901) ; et Augusta Déjerine-Klumpke participe encore à la Sémiologie des affections du système nerveux (1914), signé du seul nom de Jules Déjerine. Elle contribue aussi aux travaux présentés par les étudiants de Jules Déjerine2, et plusieurs d’entre eux ont bénéficié de ses conseils éclairés pour rédiger leur thèse.

Première guerre Mondiale

Pendant la Première Guerre Mondiale, Augusta Déjerine-Klumpke installe dans la Clinique de Charcot à la Salpêtrière le service des blessés militaires. Elle fut pionnière dans le traitement et la réadaptation de grand nombre de soldats affligés par des blessures du système nerveux et particulièrement du cordon médullaire. Après la mort de son mùari Jules Déjerine en 1917, la Direction du Service de Santé lui demande d’organiser le service des grands infirmes à l’Hôpital des Invalides. Promue en 1913 chevalier de la Légion d’honneur par le Ministère de l’Instruction publique, son dévouement lui vaudra d’être élevée au grade d'officier de la Légion d’honneur par le Ministère de la Guerre en 1921.

Après la mort de son  mari Augusta Déjerine-Klumpke travailla avec sa fille Yvonne et son gendre le Dr Etienne Sorrel à la mise en place le musée Déjerine comportant des collections d'anatomie et une bibliothèque à la Faculté de Médecine; elle crée une fondation à la Société de Neurologie à Paris à Strasbourg et en suisse.

Atteinte d’un cancer du sein, Augusta Déjerine-Klumpke décède le 5 novembre 1927. Elle repose aux côtés de son mari au cimetière du Père Lachaise. Dans son éloge de 1928, André-Thomas conclut que "La physionomie de Madame Dejerine restera comme celle d’une des personnalités médicales et scientifiques les plus marquantes de son temps et son nom sera respecté comme celui d’un grand savant".

 

Sources

Académie de Médecine

Who Named it ?

Assocation Amicale des Anciens Internes en Médecine des Hôpitaux de Paris