Aigle impérialBaron Pierre-François PERCY

1754-1825

Chirurgien militaire français

Courageux et brillant, Pierre-François Percy va connaître une destinée sans précédent. Il fut un témoin au jour le jour des difficiles conditions de vie durant les campagnes militaires de la Grande Armée : horreurs du champ de bataille, souffrance des blessés, misère des habitants des pays dévastés, incapacités de l'administration...

Pierre-François Percy Pierre-François Percyest né le 28 octobre 1754, à Montagney département de la Haute-Saône en Franche-Comté. Il est le fils d'un humble chirurgien de village. Le jeune Pierre-François étudie au collège, puis fait des études de médecine à Besançon et est reçu Docteur en 1775, nous sommes à l'époque du début de règne de Louis XVI.

Il se rend à Paris, pendant son service militaire l'année suivante il obtient un brevet de chirurgien, et devient chirurgien major du régiment de Berri-Cavalerie en 1782, puis membre de l’Académie de Chirurgie. Chirurgien en chef des armées révolutionnaires, quelques temps avant les désordres civils. Il aurait pu probablement réaliser de grandes choses si son caractère ne lui avait pas valu de nombreux ennemis qui prirent plaisir à faire échouer certains de ses projets.

Sous la Première République, il est un des trois premiers officiers de santé en chef de l’Hôpital d'instruction militaire du Val de Grâce. Il est également le Chirurgien-chef des armées de la Moselle, de Sambre-et-Meuse et du Rhin commandée par Moreau. C'e'st dans le service de cette armée qu'il organisa les corps ambulants de chirurgiens militaires pour recueillir et soigner les blessés sous le feu de l'ennemi; ce fut aussipendant ses fonctions de premier chirurgien de cette armée, qu'il fit renouveler entre les généraux Kray et Moreau, la convention établie entre les généraux Stair et Nouailles, en 1743, pour protéger les hôpitaux des armées. Il a l’idée d’un corps de santé indépendant, neutre et inviolable (mais c’est Henri Dunant qui créera la Croix-Rouge en 1863).

Percy est en outre nommé professeur de la nouvelle Ecole de Médecine de Paris au moment de son installation en 1796. Quoiqu'il parlat abondamment et facilement il n'a jamais rempli ces nouvelles fo,nctions, et se refusa d'une manière constante, et sous différents prétextes, à toute espèce d'enseignement. Il ne faisait que représenter la chirurgie militaire; aussi sentant lui-même avec le temps, l'inconvénient de sa position, en 1780, il abandonna volontairement une place qu'il n'avait jamais occupée de fait, en faveur d'un de ses collègues.

Période consulaire (9/11/1799 - 18/05/1804)

A partir de 1798-1799, malgrè l'opposition de Percy, le Consulat réduisit les hôpitaux, les effectifs du personnel sanitaire, les soldes et tous les avantages que la Révolution avait apportés aux officiers de santé. Sous le Consulat, en l'an XII (1803), il est nommé Inspecteur du Service de Conseil de Santé pour la chirurgie et se retrouve au camp de Boulogne comme Chirurgien-chef de la Grande Armée destinée à envahir l’Angleterre.

Période de l'empire

Percy fait presque toutes les campagnes de l'Empire. Sa force athlétique peu commune n’est altérée ni par les excès de fatigue de la guerre, ni par le poids d’un service écrasant.

Le transport des blessés

Larrey et Percy imaginèrent chacun de leur côté deux types de voitures médicales transportant du matériel chirurgical et des pansements, mais qui différaient dans leurs fonctions :

Ambulance de Larrey:

C'est ambuance de Larreysur le champ de bataille des guerres napoléoniennes que l'on vit la première prise en charge médicalisée. Si La campagne d’Egypte vit des blessés transportés à dos de chameaux dans des nacelles individuelles, l’ "Ambulance volante", créée par Larrey en 1797 dans l’armée d’Italie, disposait de voitures à chevaux transportant de deux à quatre blessés et représentant un moyen d'évacuation relativement confortable des blessés vers les hôpitaux de l'arrière.

Ambulance de Percy

Percy Ambulance de Percyavait cherché, comme Larrey, à procurer de prompts secours aux blessés par la création d'un corps de "chirurgie mobile, en mettant au point des charrettes avec table d'opération et rideaux que secondait une troupe régulière de "soldats infirmiers" qui emmènent rapidement les chirurgiens sur le champ de bataille. Percy imagine lui aussi des nouveautés visant à procurer de prompts secours aux blessés.

En 1799, il propose la transformation des trains d'artillerie bavarois attelés, en véhicule sanitaire. Cette "ambulance", attelée de six chevaux, est capable de transporter rapidement les membres du corps mobile de chirurgie installés à califourchon, directement sur le champ de bataille, au plus près de la ligne de feu avec du matériel de secours et de soins aux blessés.

wurst de Percy Cette voiture militaire est analogue au caisson connu sous le nom de wurst (mot allemand signifiant saucisse)
1- Chirurgien major, chef de l'ambulance, indiquant le point sur lequel les secours sont devenus nécessaires
2- conducteurs à cheval
3- siège où sont placés deux infirmiers
4- caisse du wurst renfermant les appareils et instruments
5- chirurgien aide-major
Le Général Lecourbe le félicite pour ce corps de "chirurgie mobile" mais ce dernier matériel peu commode ne permet pas l’évacuation des blessés si bien qu’il sera assez vite abandonné.

Les chevaux sont refusés par l'administration car "c'eût été un spectacle dangereux à donner que celui d'officiers de santé en voiture...On veut qu'ils aillent à pied... autrement, ils deviendront insolents."

Il propose alors la création d'un corps indépendant de chirurgiens des armées, d'une compagnie d'infirmiers et d'un bataillon d'équipage militaire d'ambulances.despotats

Le principe de "bataillons d'ambulances" est admis (seize caissons et quarante-huit cabriolets) mais l'administration ne permettra la création d'un corps infirmier qu'en 1809. Puis en 1813, Larrey et Percy, pour mieux servir les ambulances obtiennent la création d'un corps d'infirmiers de l'avant ou despotats, (ou brancardiers) de l'Empire, brancardiers militaires chargés de la relève des blessés, ils utilisaient un brancard démontable dont chaque élément était constitué de la lance d'un brancardier. Ce dernier était de plus équipé de moyens de soins à l'intérieur de son shako.

En 1804, il reçoit la Croix d’Officier de la Légion d’Honneur avec Desgenettes et Dominique Larrey, son ami et concurrent en notoriété.

"La Grande Armée" a été, au commencement, le nom générique donné par Napoléon pour désigner l'armée d'invasion de l'Angleterre basée à Boulogne (ce projet fut abandonné par l'anéantissement de la flotte française et espagnole à Trafalgar).

Campagnes du Danube en 1805 et 1809, de Pologne en 1806-1807 et d'Espagne 1808-1809

Percy est chirurgien de l'armée d'Allemagne: à Austerlitz (2-12-1805), à Iéna (14-10-1806), à Eylau (8-02-1807), à Friedland (14-06-1807) puis en Espagne (campagne de 1808-1809).

A Eylau (9-02-1807), Percy est chirurgien en chef de la Grande Armée; il assiste à la bataille d'Eylau, il est immortalisé en train de secourir un hussard russe dans le tableau d’Antoine Jean Gros représentant Napoléon visitant le champs de la terrible bataille d’Eylau (musée du Louvre). Lors de cette bataille, où l'organisation matérielle est nulle, il s’alarme "De retour du champ de bataille, où plus de trois cents blessés français restaient étendus, sans qu'il fut possible d'aller jusqu'à eux, je suis revenu à nos hangars. J'ai trouvé le service chirurgical de nos hangars en pleine activité. Mais quelle activité ! Des jambes, cuisses et bras coupés jetés avec les corps morts devant la porte; des chirurgiens couverts de sang; des infortunés ayant à peine de la paille pour eux et grelottant de froid ! Pas un verre d'eau à leur donner ; rien pour les couvrir ; le vent soufflant de toutes parts dans la remise…dont le soldat enlevait les portes pour former son bivouac à quelques pas de là. J'ai fait apporter quelques brassées de paille déjà brisée pour couvrir un peu ces braves gens ; les portes de grange ont été rétablies du côté où la brise soufflait le plus fort, et, après avoir exhorté mes collaborateurs, distribués par moi de tous cotés, à tenir bon à l'ouvrage le plus longtemps qu'ils pourraient, je suis retourné à mes équipages, à un quart de lieue de là. Je me suis assuré, en passant devant le bivouac des charrettes d'ambulance, qu'on donnerait du bouillon à la plupart des blessés ; j'ai fait porter des chandelles aux chirurgiens, ainsi qu'une nouvelle provision de linge et quelques caisses d'instruments de plus."" et s’efforce d’améliorer leurs conditions de vie. Ses états de service lui valent d’être promu Commandeur de la Légion d'Honneur et il est fait baron de l'Empire en 1809 après la bataille de Wagram.

Napoléon, très affecté par les pertes subies, contrairement à son habitude, restera huit jours sur le champ de bataille pour activer le secours aux blessés. De plus, cette victoire n’est pas décisive car Bennigsen, quoique très entamé, s’est retiré en bon ordre et n’a pas été réellement poursuivi du fait de l’état d’épuisement de l’armée française. Il faudra une autre grande bataille pour contraindre les Russes à la paix, décisive celle-là, ce sera Friedland.

Bataille d'Eylau
Tableau de Antoine-Jean Gros (1771-1835) : Napoléon visitant le champ de bataille au lendemain de la bataille d'Eylau le 9 février 1807,
huile sur toile (H. 5,21 m x L. 7,84 m), Musée du Louvre, Paris

Pour l'histoire D'ailleurs, certains contemporains ne s'y trompèrent pas: lorsque le peintre Antoine-Jean Gros peignit "Napoléon visitant le champ de bataille au lendemain de la bataille d'Eylau", Larrey intervint pour y trouver place. Percy ne fit aucune démarche, et c'est lui qui figure sur l'immense toile, soutenant un blessé.

Percy a ce jour là cette conversation avec Napoléon:
- "Avez-vous beaucoup de blessés ? demande l'empereur.
-- "Sire, je crois que nous en avons pansé quatre mille.
- Les blessures sont-elles graves ?
-- Il y en a mille qui sont de la plus grande gravité.
-Combien perdrez vous de blessés sur ce nombre ?
-- Le tiers, parce que la mitraille et les éclats d'obus ont fait les plus grands ravages.


L'Empereur a demandé à Monsieur Lombard (commissaire des guerres) s'il avait du monde pour le seconder. Il lui a été répondu qu'il n'y avait ni économes, ni employés, ni infirmiers, mais que nous ne manquions ni de linge de charpie, ni d'instruments, etc
- Quelle organisation, dit l'Empereur, quelle barbarie !
-- Sire, a ajouté Monsieur Lombard, lorsqu'on est sûr d'être supprimé à la paix, quelque bonne conduite que l'on ait eue pendant la guerre la plus pénible et la plus périlleuse, il est difficile qu'on ait du zèle et qu'on se décide à suivre une armée comme employé ou comme infirmiers.
-- Tout ce que j'ai vu et entendu ne sortira jamais de ma mémoire."

Cette curieuse boîte Trousse à amputation de Percy en forme de carquois est formée d’un cylindre en tôle peinte en noir, décorée de frises et de guirlandes de fleurs dorées. Elle mesure 40 centimètres de long et 8 centimètres de section s'ouvrant par les deux bouts. Cette trousse, qui s’ouvre par les deux extrêmités, peut contenir un garrot et onze instruments (scies, couteaux, scalpels, ciseaux…).

Portée en bandoulière par le chirurgien, elle doit permettre au chirurgien militaire de se déplacer à cheval afin d’opérer en urgence sur les champs de bataille et éviter la gangrène (300 amputations au passage de la Bérésina !). Actuellement, la trousse contient une scie et deux couteaux. C’est Percy, chirurgien de la Grande Armée qui l’aurait dessinée.

Contrairement à Larrey, Percy essaye d'éviter autant que possible l'amputation. Chaque opération ne devait pas excéder vingt secondes. Il y en avait trop à assumer. Ensuite, on jetait le bras ou la jambe sur un tas de jambes et de bras. Les infirmiers d'occasion en plaisantaient pour ne pas vomir ou tourner de l'oeil : "Encore un gigot !" clamaient-ils à voix haute en lançant les membres qu'ils avaient amputés. Percy se réservait les cas difficiles, il tentait de recoller, de cautériser, d'éviter l'amputation, de soulager, mais comment, avec ces moyens indécents ? Dès qu'il en avait la possibilité, il en profitait pour instruire les plus éveillés de ses infirmiers."

Percy est Membre de l'Institut en 1807. Il est fait baron de l'Empire après Wagram (6-07-1809) au cours de la deuxième campagne du Danube.

Retraité en service

A partir de 1809, pendant les dernières guerres de l'Empire, le baron Percy, victime d'ophtalmie à répétition, empêché par son âge de suivre la Grande Armée, assura presque seul les services d'inspection de la rue de Varenne (Hôtel de Villeroy, où les Inspecteurs du Services de santé des armées de Terre allaient se retrouver en 1806), il se consacra également à l'enseignement à la Faculté de Médecine de Paris.

En 1809 il quitte la Grande Armée pour devenir professeur à la Faculté de Médecine de Paris.

"…Allez où la Patrie et l'Humanité vous appellent soyez y toujours prêts à servir l'une et l'autre et s'il le faut imiter ceux de vos généreux compagnons qui au même poste sont morts martyrs de ce dévouement intrépide et magnanime qui est le véritable acte de Foi des hommes de notre État."
Baron Percy, Chirurgien en chef de la Grande Armée, aux chirurgiens sous-aides 1811.

Sa santé s'étant amélioré, Percy participe à la campagne de France, le 1er avril 1814, il sauve 12 000 blessés russes et prussiens en réquisitionnant les abattoirs de Paris et en les transformant en hôpital.

Envoyé durant les Cent Jours à la Chambre des Représentants par les électeurs de Haute-Saône il est mis à la retraite en 1815 au second retour des Bourbons, notamment à cause de ses prises de position en faveur des blessés des armées napoléoniennes. pour s'être rallié à Napoléon durant les Cent-Jours et avoir été élu par la Haute-Saône à la Chambre des représentants.

Cependant, lors de la création de l'Académie de Médecine, une ordonnace royale du 27 décembre 1820 le nomme membre honoraire de la section de chirurgie. Vers 1820, c'est Pierre-François Percy qui inventa les fils de suture métalliques.

Enfin, on lui doit, entre autres écrits, qui lui valurent les honneurs académiques : le "Manuel du chirurgien d'armée", la "Pyrotechnie chirurgicale" ou "l'Art d'appliquer le feu en chirurgie". Il est également l'auteur d'un Journal des campagnes : Des bords du Rhin à l'Espagne, d'Austerlitz à Friedland, en passant par léna et la Pologne, le Journal des campagnes du baron Percy nous dépeint les conditions d'existence, souvent précaires, des soldats de la Grande Armée. Considéré comme l'un des meilleurs textes de l'époque napoléonienne, par sa rigueur, son honnêteté et la qualité des détails qu'il contient, ce témoignage bouleversant rend sensibles et proches les souffrances des blessés et des malades, le rôle néfaste de l'administration de la guerre, la misère des habitants des pays dévastés, l'indicible horreur du champ de bataille au soir des combats.

A la fin de sa vie il se livre avec bonheur à de petites activités agricoles.

Il décède à Paris le 18 février 1825. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise, son monument porte cette inscription : "Il fut le père des chirurgiens militaires".

 

Il fut:
- Élu Associé non résidant de la 1ère Classe de l'Institut national des sciences et des arts le 14 ventôse an IV (5 mars 1796) (section de médecine et chirurgie), Membre le 4 mai 1807
- Vice-Président de l'Académie des sciences en 1820
- Président de l'Académie des sciences en 1821
- Membre de l'Académie royale de médecine et de l'Académie de chirurgie
- Membre de nombreuses sociétés savantes nationales et étrangères
- Professeur à la Faculté de Médecine de Paris et deux fois président de cette institution en vingtb ans.

Le nom de Percy figure sur les tablettes de l'Arc de Triomphe de l'étoile, comme ceux de Larey et Desgenettes (ce dernier repéché in extremis). Si un seul nom avait dû être gravé, le contexte politique du moment aurait sans doute désigné Larrey, l'Histoire vraisemblablement Percy.

 

Sources

-Journal des campagnes du baron Percy, chirurgien en chef de la Grande Armée, publié d'après les manuscrits inédits avec une introduction par Emile Longin (Paris, 1904) 537p.

-Journal des campagnes du baron Percy...Première réédition de l'édition originale. Préface par le médecin général A. Fabre, avant-propos par Jacques Jourquin (Paris, 1986) 2 vols.

- Extraits des "Mémoires de Percy"

- Les campagnes napoléoniennes, d'Alain Pigeard, (p. 289 et 290).

- Frank Barot, "La médecine d'urgence: Evolution du contexte de l'Antiquité au SAMU", Thèse de doctorat en médecine, Université de Picardie Jules Verne, Amiens, 7 décembre 1998, annexe 1

- Manuel du chirurgien d'armée en 1792 par Percy (Mémoire pour l'extraction des corps étrangers)

- Histoire des urgences à Paris de 1770 à nos jours Thèse Présentée et soutenue publiquement le 13 octobre 2000 par Le Quellec née Baron Stéphanie Catherine Janine

- Docteur Jean-François Lemaire