Marie MEURDRAC

1610- 1680

Chimiste, apothicaire et botaniste du XVIIe siècle

Marie Meurdrac a écrit l'un des premiers traités de chimie avec de très nombreuses recettes cosmétiques

Marie Meurdrac une chimiste du XVIIe siècle, a publié en 1666 La chymie charitable et facile, en faveur des dames, et connut un appréciable succès. On apprend que la chimiste possédait un laboratoire bien équipé où elle préparait ses remèdes et donnait des cours pratiques de chimie.

Marie Meurdrac y fait un résumé vulgarisé de la science de son temps et apporte un témoignage du nouvel état d’esprit scientifique de la fin du XVIIe siècle . Elle y aborde aussi les problèmes posés par l’embellissement, du visage ou des cheveux, au travers de recettes qui relèvent autant de la botanique et de la médecine que de la pratique du laboratoire de "chymie".

Conçu comme un manuel de travaux pratiques, l'ouvrage enseigne tout ce qui est nécessaire à la préparation des produits de consommation courante, essentiellement dans les domaines de la santé et de la beauté : matériel, techniques, matières premières, tours de main. On apprend ainsi les manières de chauffer, distiller, mélanger toutes sortes de produits naturels pour en faire des médicaments ou des cosmétiques.

Le traité est divisé en six parties exposant successivement : matériel et techniques de distillation, matières premières d'origine végétale (les "simples"), matières premières d'origine animale, minéraux, remèdes et, enfin, "toutes les choses qui peuvent conserver ou augmenter la beauté".

Dès le premier chapitre, nous apprenons que mademoiselle Meurdrac possédait son propre laboratoire, et qu'elle a elle-même expérimenté maintes fois tout ce dont elle parle, surtout lorsqu'il s'agit d'opérations effectuées avec le matériel le plus rudimentaire. Mais notre chimiste n'ignore pas les derniers perfectionnements techniques, tels les "chaudrons appelés Bains Marie dans lesquels on peut faire plusieurs distillations tout à la fois". Les pages 39 à 42 contiennent une nomenclature chimique avec symboles graphiques.

La deuxième partie ravira les amateurs de produits naturels et "bio" : on y traite de romarin, sauge, aromates (et leurs huiles essentielles), eaux distillées de plantes médicinales, de fleurs et de fruits. Il y a même un chapitre sur la vigne. Marie Meurdrac donne les indications thérapeutiques des drogues "simples", ainsi que les modes opératoires pour les fabriquer.

La troisième partie traite des produits confectionnés à partir de matières animales : "huile des os d'hommes", eau de chapon et autres eaux "de chair", extrait de foie de veau ou de rate de boeuf, huiles à base d'oeuf, de miel, de cire, de beurre, de lait, etc.

La quatrième partie est plus strictement chimique : vitriol, esprit de nitre, de soufre, "huile des philosophes", essence de carabé ou ambre, teinture et sel de corail, crocus d'antimoine, vitriol de Mars, de Vénus, sel et huile de Saturne, etc.

La cinquième partie renferme les compositions pour la santé : les recettes sont précises et variées, souvent à base de plantes familières (fenouil, plantain, chélidoine, marjolaine, mélisse), mais il y a des ingrédients plus "exotiques", comme ceux entrant dans la préparation de cette "Eau contre la douleur des oreilles" à base de mastic, d'encens, de myrrhe et de laudanum. On trouve également des remèdes contre les douleurs du crâne et les maux de dents.

La sixième partie, enfin, contient un très grand nombre de recettes pour la confection des cosmétiques. "J'ai ajouté cette Partie à mon Livre en faveur des Dames, affirme la délicieuse chimiste, pour les garantir d'un nombre infini d'accidents qui arrivent en se mettant des choses au visage, dont elles ne savent point les compositions". Produits à base de plantes ou de corps gras, pour traiter le teint ou les rides, protéger du soleil, rougir les joues et les lèvres, blanchir les dents, teindre les cheveux en blond ou "faire le poil noir", favoriser la repousse des cheveux (pommade à base de graisse de poule, huile de chènevis et miel !), etc., etc...

Recettes de Marie Meurdrac :

Lessive pour faire croître & revenir les cheveux

Vous prendrez racines de vigne blanche, racines de chanvre, et trognon de choux tendres, de chacun deux poignées : faites sécher puis brûlez, et des cendres faîtes une lessive. Avant de se laver la tête de cette lessive, il faut frotter avec du miel, et continuer l’un et l’autre trois jours de suite.

Eau pour faire friser les cheveux

Prenez de la gomme Elemi une once, et la trempez dans une livre d’eau-rose, laquelle vous ferez bouillir un demi-quart d’heure : quand elle sera froide, il en faut humecter les cheveux, puis les mettre dans des papillotes, ou sous le bonnet.

Pâte pour rendre les cheveux blonds, châtains & noirs par une même voie

Prenez trois onces de litharge d’or, deux écuellées de bonne lessive commune, une écuellée de chaux-vive, faire bouillir avec huit onces d’alun de roche, incorporant le tout ensemble, et les faire cuire jusques à ce qu’il devienne épais comme de la moutarde ; de cette mixtion frottez-en les cheveux avec un drapeau, quand ils seront bien dégraissés avec quelque lessive ou éponge ; laissez le tout une demi-heure. Et si vous voulez que cette pâte sente bon, vous pouvez, en la faisant cuire, y ajouter de la poudre d’Iris de florescence à discrétion. L’usage vous fera connaître que la première fois, les cheveux deviendront blonds, la deuxième châtains et la troisième noirs.

Autre pâte pour teindre le poil en noir

Prenez de la chaux vive deux onces, éteignez-la dans de l'eau ce qu'il en faudra pour la réduire en poudre : incorporez avec ladite poudre de chaux une once de Litharge d'argent bien lavée deux ou trois fois dans de l'Eau-rose, et séchée : incorporez le tout et faites pâte. Il faut s'en frotter les cheveux le soir et se peigner le matin

Eau de la Reine de Hongrie

  "Mettez vostre Alembic au Bain-Marie ; et l’ayant couvert de son Chapiteau avec un Récipient, luttez exactement les jointures & donnez dessous un feu de digestion pendant trois jours , après lesquels vous délutterez , & verserez ce qui pourra être distillé dans la Cucurbite : Racommodez votre Alembic, & augmentez le feu assez fort pour faire distiller la liqueur , en sorte qu'une goutte ne tarde point à suivre l'autre ; & lors que vous en aurez retiré environ les deux tiers, & ostez le feu, laissez refroidir les vaisseaux & les déluttez , vous trouverez dans le Récipient une tres-bonne Eau de la Reine d'Hongrie, que vous garderez dans une Phiole bien bouchée;…… »

Autres secrets de femme :

- La teinture de rhubarbe, purge la fâcheuse «pituite tartarée et visqueuse du ventricule»;

- L'eau de cerfeuil, «fait sortir la pourriture de dedans le corps et tue les vers»;

- Les «coliques venteuses» ne résistent pas à la teinture d'ambre jaune;

- L' «eau de limaçons rouges» soulage les hémorroïdes;

- Il est reconnu qu'un poulet «coupé tout vif par la moitié et appliqué sur la tête fortifie le cerveau»;

- Un crâne humain réduit en poudre donnera d'excellents résultats contre l'épilepsie;

- Des yeux de veau distillés feront un fameux collyre;

- Contre les brûlures? Prenez «une douzaine de jaunes d'oeufs durs, une livre de saindoux et la fiente d'un cheval fraîchement faite, et fricassez le tout dans une poêle»: voilà une pommade.

L'Eau de la Reine de Hongrie (1370)

L'Eau de la Reine de Hongrie est la première eau parfumée, c'est à dire le premier alcoolat, utilisé d'abord comme médicament mais aussi comme parfum. A base de fleurs de romarin, elle se complique progressivement en incorporant d'autres plantes. La date de 1370, généralement retenue pour la première apparition de cette eau, est discutable.

En effet, si l'on en croit Marie Meurdrac, la Reine de Hongrie qui lui a donné son nom n'est pas celle qui régnait en 1370, mais Dona Isabelle qui régnait en 1652. Marie Meurdrac écrit en effet : «  En la Cité de Budes au Royaume de Hongrie, du douzième d'Octobre mil six cent cinquante deux, se trouva écrite la présente recette dans les Heures de la Sérénissime Isabelle, Reine dudit Royaume.
« Moi Dona Isabelle Reine de Hongrie, étant âgée de soixante et douze ans, fort infirme et goutteuse, ayant usé un an entier de la suivante recette, que me donna un ermite que je n'avais jamais vu…… laquelle fit tant d’effet en mon endroit, qu’en même temps je guéris et recouvrai mes forces ; en sorte que paraissant belle à chacun, le Roi de Pologne me voulut épouser : ce que je refusai …… »

 

Sources

- M. Chastrette , Professeur émérite à l'Université Lyon 1