Franz-Friedrich-Anton MESMER

1734-1815

Médecin allemand

La vie de Mesmer, comme l'histoire de son œuvre apparaît comme un paradoxe constant dans ce Siècle des Lumières et de la Raison. Contemporain de Voltaire et de Diderot, mais aussi de Cagliostro ; probablement sincère à l'origine, mais rapidement grisé par son succès, il est à la fois rationaliste et intuitif, médecin et charlatan.

Franz-Friedrich-Anton Mesmer est né en 1734 à Iznang près du lac de Constance en Allemagne. Mesmer passe ses premières années en contact étroit avec la nature; il connaît des sourciers et éprouve lui-même l'attirance de l'eau. Après avoir étudié la philosophie, la théologie et le droit, il s'inscrit à l'école de médecine de Vienne où il est l'élève de Van Swieten et de Stoerck. Là, il fréquente des cercles d'illuminés qui s'intéressent aux sciences occultes. C'est dans ce cadre qu'il écrit sa thèse de médecine en 1766: "De Influxu Planetarum in Corpus Humanum": "De l'influence des planètes sur le corps humain".

Le mesmérisme:
Selon Mesmer "il existe une influence mutuelle entre les corps célestes, la terre et les corps animés", qui se transmet au moyen du fluide magnétique. Ce fluide, soumis à des lois mécaniques jusqu'alors inconnues, active l'organisme par le canald es nerfs; il peut s'accumuler et se transmettre chez l'homme en utilisant divers procédés comme les passes et les attouchements, ou à l'aide d'une baguette de fer. Par ces moyens, il est possible de guérir les maladies et tout aussi efficacement les maladies nerveuses.
En fait, si le système se voulait scientifique, il était seulement inductif. Mesmer avait "senti" son pouvoir comme sourcier puis comme guérisseur. L'élaboration et la diffusion du fluide dépendait de la manière dont le corps du médecin recevait et transformait le fluide universel. Du point de vue expérimental un coefficient personnel de réussite n'a rien de rationnel.
Voici d'ailleurs ce que conclut le premier rapport de la Commission qui comprenaient entre autres: Lavoisier, Benjamin Franklin (alors ambassadeur des états-Unis en France) , Bailly, Guillotin
"ayant démontré par des expériences décisives que l'imagination sans magnétisme produit les convulsions, et que la magnétisme sans imagination ne produit rien, concluons d'une voix unanime que rien ne prouve l'existence du fluide magnétique animal, que ce fluide sans existence est par conséquent sans utilité."

Il épouse tout d'abord la veuve âgée et fortunée d'un Conseiller à la Cour. Il est à l'aise dans l'opulence dorée du palais de feu Monsieur le Conseiller. Ce mariage va lui permettre de s'introduire à la cour d'Autriche.

En 1768 il commande à Mozart, âgé de 12 ans, l'opéra de Bastien et Bastienne où on croit le reconnaître dans le rôle du magicien Colas.

Vers 1772, il affirme l'existence d'un pouvoir semblable au magnétisme et capable d'exercer une influence extraordinaire sur l'organisme humain.
En 1774, Mesmer rencontre à Vienne le Père Hell, jésuite et professeur d'astrologie, qui guérit les malades au moyen d'aimants.
Mesmer va utiliser à son profit cette technique des fers aimantés, avant de se brouiller avec Hell vers 1775, et abandonne l'aimant pour l'imposition des mains.
En 1777, il voyage en Suisse, rencontre Gassner un curé qui exorcise les malades.
En 1778, en lutte avec ses confrères, Mesmer est expulsé de la faculté de médecine de Vienne pour "pratiques charlatanesques". Il est au centre d'un scandale à la Cour: la fille d'une dame de compagnie de Marie-Thérèse, soignée par Mesmer, refuse de retourner chez ses parents.

F.F. Mesmer

Mesmer gagne Paris et y publie en février son premier "Mémoire sur la découverte du magnétisme".
Installé à Paris, il y séjourne entre les années 1778 et 1785, protégé par Marie-Antoinette, il ouvre un cabinet Place Vendôme.

Là, Mesmer défraya la chronique pour deux raisons:
- d'une part pour sa théorie sur l'existence d'un fluide universel pouvant être canalisé et isolé à des fins thérapeutiques, qu'il nomme le "magnétisme animal" : "l'influence des planètes s'exerce sur le corps humain au moyen d'un fluide universel dans lequel tous les corps sont plongés".
- et en second pour le fait qu'il adresse ses soins tout autant à la population bourgeoise de la capitale qu'aux classes sociales moins favorisées.

Il explique le magnétisme alors que Gray, Dufay, Coulomb, Galvani, et Volta appliquent l'électricité. Il veut avoir trouvé la panacée universelle quand Bichat écrit son Anatomie Générale. Il traite de l'influence des astres sur le corps humain quand Herschell découvre Uranus. Les français l'accueillent comme ils ont accueilli l'Encyclopédie mais les autorités le condamnent comme ils ont condamné celle-ci. On l'adore ou on le traite de charlatan. Enfin dernier paradoxe, mais non le moindre, cette gigantesque erreur que fut le mesmérisme ouvrit à la science des perspectives nouvelles celle de la médecine psychosomatique et de l'hypnose. Mesmer héritier de Paracelse ouvrait la voie à Charcot.

Mesmer résume sa théorie médicale dans un aphorisme:
"Il n'y a qu'une maladie, qu'un remède, qu'une guérison".

Au milieu de cette foule agitée, Mesmer, vêtu d'un habit de soie lilas se promène dans la salle capitonnée et magnétise avec le concours d'assistants qu'il choisissait toujours "jeunes et beaux", les "valets toucheurs" qui travaillaient avec lui (sous ses ordres) à la prise en charge de ses patients. Une ambiance musicale créait l'atmosphère.
En 1780, sa technique est acceptée par certains membres de la profession médicale. Il convertit Carles D'Eslon, un des régents de la Faculté de médecine mais divise Paris en "mesmériens" et "anti-mesmériens".
Mesmer fonde la "Société de l'Harmonie"

 

 

 

Le "Baquet"

Voici comment selon Bailly, rapporteur de la Commission Royale chargée par le Roi, en 1784, de l'examen du magnétisme animal opérait Mesmer:

Baquet de Mesmer

 

"Au milieu d'une grande salle où d'épaisses tentures ne laissent pénétrer qu'un jour fort adouci se trouve une caisse circulaire en bois de chêne: le baquet"
Dans l'eau qui remplit à moitié la caisse, sont immergés de la limaille de fer, du verre pilé et d'autres menus objets. Le couvercle est percé d'un certain nombre de trous d'où sortent des branches de fer, cordées et mobiles que les malades doivent appliquer sur les points dont ils souffrent.
Dans un coin de la salle, un piano-forte ou un harmonica joue des airs sur des mouvements variés, surtout vers la fin des séances. Les malades se rangent en silence autour du baquet, une corde passée autour de leur corps les unit les uns aux autres. Si quelqu'un demande à boire, on lui sert une limonade au citron dans laquelle est dissoute de la crème de Tartre.
Cependant l'influence magnétique se fait sentir. Quelques malades sont calmes et n'éprouvent rien. D'autres toussent, crachent, sentent quelques légères douleurs et ont des sueurs. D'autres sont agités par des convulsions extraordinaires."
Les salles où ces scènes se passaient, avaient reçu le nom d' "Enfer à Convulsions "
.

Le seul exemplaire qui subsiste du "baquet", illustré ci-dessus, se trouve au Musée d'histoire de la médecine à Lyon.

 

 

Mesmérisme et moralité publique

Mais à partir de 1784, apparaissent alors les premiers démêlés avec l'Académie des Sciences et la Société Royale de Médecine. A la demande de Louis XVI, le gouvernement nomme deux Commissions Royales d'enquête chargées d'évaluer la rigueur scientifique du magnétisme animal, elles sont composées de médecins et de scientifiques. La première Commission condamne le magnétisme animal pour raison de moralité publique, le second rapport secret, de la Commission explique :

"Ce sont toujours les hommes qui magnétisent les femmes. Les relations établies ne sont, sans doute, alors, que celle d'un malade à l'égard de son médecin; mais ce médecin est un homme. Quel que soit l'état des malades, il ne nous dépouille pas de notre sexe. D'ailleurs la plupart des femmes qui vont au magnétisme ne sont pas réellement malades; beaucoup y vont par oisiveté et désoeuvrement, d'autres qui ont quelques incommodités, n'en conservent pas moins leur fraîcheur et leur force. Leurs sens sont tout entiers, leur jeunesse à toute sa sensibilité, alors le danger est réciproque. La proximité longtemps continuée, l'attouchement indispensable, la chaleur individuelle communiquée, les regards confondus, sont les voies connus de la nature pour opérer immanquablement la communication des sensations et des affections"

"L'homme qui magnétise a ordinairement les genoux de la malade renfermés dans les siens. La main est appliquée sur les hypocondres et quelques fois plus bas sur les ovaires, il passe la main droite derrière le corps de la femme. L'un et l'autre se penchent pour favoriser ce double attouchement. La proximité devient plus grande, le visage touche le visage, les haleines se respirent, il n'est pas extraordinaire que les sens s'allument, le visage s'enflamme par degrés, l'oeil devient ardent, et c'est le signal par lequel la nature annonce le désir, les paupières deviennent humides, la respiration est courte, entrecoupée, la poitrine s'élève et s'abaisse rapidement. les convulsions s'établissent le souvenir n'en est pas désagréable et les femmes n'ont pas de répugnance à le sentir à nouveau"
"Ainsi, en se proposant de guérir on excite des émotions agréables et chères, des émotions que l'on regrette parce qu'elles ont un charme naturel pour nous et que, physiquement elles contribuent à notre bonheur.
Mais moralement elles n'en sont pas moins condamnables, et elles sont d'autant plus dangereuses qu'il est facile d'en prendre la douce habitude."

Le contexte puritain de l'époque, effrayé de la proximité thérapeute/patient, redoute d'éventuels travers "sexuel" des mesmériens... le discrédit qui s'en suit signera la fin de l'âge d'or du mesmérisme.
Après le verdict des commissions Mesmer quitte la France en 1784.
- En 1785 Mesmer après un passage en Angleterre, repasse par Paris, il salue Bailly, rapporteur de la Commission, quand celui-ci monte sur l'échafaud.
- En 1793 Mesmer retourne à Vienne, puis il s'installe à Frauenfeld en Suisse où il continue ses recherches.
- En 1799 il publie un deuxième mémoire sur ses découvertes
- En 1813 il se retire sur les bords du lac de Constance et y meurt le 15 mars 1815.

Mesmer eut quelques disciples qui ne firent pas long feu:
- Le marquis de Chastenet de Puységur, découvre la transe somnambulique (l'hypnose comme un "état" plutôt qu'une action extérieure).
- Et l'Abbé de Faria, moine portugais célèbre pour son apparition dans le Comte de Monte-Cristo de Dumas, pose les premiers fondements de l'école de Nancy (prépondérance de la suggestion).