ERASISTRATE de Céos (ou Érasistrate de Julis)

vers -320 avant J.C.- vers -250 avant J.C.

QMédecin et anatomiste grec

La vie d'Érasistrate est peu connue. La plupart de ses écrits nous sont connus par les commentaires qu'en ont faits ses successeurs (notamment Galien qui fut son plus célèbre critique). Ses travaux font de lui un précurseur de la neurophysiologie et de la neurologie à la période hellénistique.

Érasistrate est né à Julis, dans l'lle de Céos, (dans l'archipel des Cyclades). D'après Pline, il était le petit-fils d'Aristote, par sa mère Pythias, fille de ce philosophe.

Médecin à la cour de Syrie

Il exerça d'abord la médecine et résida quelque temps à Antioche, à la cour de Seleucos Ier Nicator, roi de Syrie de 301 à 280 av JC,

On raconte qu'il fut appelé au chevet d'Antiochos, le fils de Seleucos Ier, gravement malade, par le père de ce dernier, le roi syrien Séleucos Ier Nicator. Après avoir observé que le pouls du malade s'accélérait et que son visage rougissait lorsque sa belle-mère Stratonice, l'épouse du roi, entra dans la pièce, il aurait déduit que le malade était amoureux de cette belle reine, et que tout son mal venait de la violence qu'il se faisait pour cacher sa passion.

Récit de Plutarque

Démétrios apprend que sa fille, mariée à Séleucos, vient d'épouser Antiochos, fils de ce roi, et qu'elle a été proclamée reine des barbares du haut pays . Voici, à ce qu'il paraît, ce qui s'était passé. Antiochos s'était épris de Stratonice, qui était jeune, mais qui avait déjà un enfant de Séleucos. Il était très malheureux et faisait de grands efforts pour dominer sa passion. Finalement, se condamnant lui-même pour ce désir criminel et voyant que son mal était incurable et sa raison vaincue, il cherchait un moyen pour en finir avec la vie et s'éteindre tranquillement, en négligeant le soin de son corps et s'abstenant de nourriture sous le prétexte d'une maladie quelconque. Érasistrate, son médecin, s'aperçut aisément qu'il était amoureux, mais, comme il était difficile de savoir de qui, il passait tout son temps dans la chambre du malade afin de découvrir son secret ; s'il voyait entrer quelque garçon ou quelque femme à la fleur de l'âge, il observait le visage d'Antiochos et examinait les réactions des parties du corps qui sont le plus affectées par les émotions de l'âme. Or, il n'apercevait aucun changement quand d'autres personnes se présentaient, mais lorsque Stratonice, fréquemment, lui rendait visite, soit seule, soit avec Séleucos, il voyait sur le jeune homme tous les symptômes décrits par Sapho : perte de la voix, rougeurs enflammées, obscurcissement de la vue, sueurs soudaines, désordre et trouble du pouls, et à la fin, quand l'âme est entièrement abattue, détresse, stupeur et pâleur. En outre Érasistrate pensa avec vraisemblance que l'amour d'une autre femme n'aurait pas amené le fils du roi à persévérer, dans son silence jusqu'à la mort. Mais il jugeait difficile de parler et de révéler ce secret cependant, confiant dans l'affection de Séleucos pour son fils, il finit par se risquer et dit que la maladie du jeune homme était l'amour, mais un amour impossible et sans remède. " Comment, sans remède ? " s'écria Séleucos stupéfait. Oui, par Zeus, répondit Érasistrate, parce que c'est de ma femme qu'il est épris. "

Erasistrate par David
Antiochus et Stratonice
( Erasistrate comprend pourquoi Antiochus est malade)
Tableau de Jacques-Louis David 1774

" Eh bien, Érasistrate, reprit Séleucos, toi qui es son ami, ne céderais-tu pas ta femme à mon fils, et cela quand tu vois que c'est notre seule planche de salut ? " " Mais toi-même, qui es son père, tu ne l'aurais pas fait si Antiochos avait désiré Stratonice. " " Ah ! mon ami, s'écria Séleucos, plaise au ciel qu'un dieu ou un homme puisse bien vite changer sa passion et la tourner de ce côté, car il serait beau pour moi de renoncer même à la royauté par amour pour Antiochos. " Séleucos prononça ces mots avec tant d'émotion et en versant des larmes si abondantes qu'Érasistrate lui prit la main en disant : " Tu n'en pas besoin d'Érasistrate étant père, mari et roi, tu es, du même coup, le meilleur médecin pour ta maison. " Là-dessus, Séleucos, réunissant une assemblée générale, déclara son intention et sa volonté de proclamer Antiochos roi et Stratonice reine de tous les hauts pays, en les mariant ensemble. " Je pense, ajouta-t-il, que mon fils, accoutumé à m'écouter et à m'obéir en tout, ne fera aucune objection à ce mariage, et, si ma femme répugne à cette union contraire à l'usage, je prie mes amis de lui faire comprendre et de la persuader qu'elle doit trouver beau, juste et utile ce que le roi estime tel. " Voilà, dit-on, quel fut le motif du mariage d'Antiochos et de Stratonice.
(in Démétrios, traduction du grec ancien de Robert Flecelière et d'Emile Chambry, Editions les Belles Lettres, p. 60, paragraphe 68.)

Ce récit fait donc pour certains d'Erasistrate un pionnier de la psychothérapie.

Ecole d'Alexandrie

Les Ptolémées attirèrent les médecins à Alexandrie où fut fondée dans la ville antique une école de Médecine durant le troisième siècle av. J.-C. Les deux écoles sont représentées, celle de Cnide par Hérophile (env. 335-280 av. J.-C.), celle de Cos par Érasistrate qui avait fait ses études à Athènes.

Bien qu’en majorité d’essence grecque et professant l’enseignement d’Hippocrate, cette école était fortement influencée par les pratiques médicales de l’ancienne Égypte. Etablis hors de grèce, ils étaient alors libérés de l'interdiction héllénique de la dissection humaine et trouvèrent au Musée des conditions favorables et notamment la possibilité de pratiquer des dissections dans des salles aménagées. L’anatomie y était donc particulièrement avancée. Les plus importants médecins alexandrins étaient Érasistrate et Hérophile. De nombreux médecins diplômés de cette école voyagèrent et exercèrent la médecine d’un bout à l’autre du bassin méditerranéen. Galien, le célèbre médecin romain, avait étudié à Alexandrie avant d’exercer à Rome. Ses enseignements et ses écrits ont survécu jusqu’à une période avancée dans le 16e siècle et formèrent la base de pratiques médicales plus modernes durant la Renaissance. Cependant l'école d'Alexandrie glissa lentement dans l’oubli après l’incendie de 389 apr. J.-C. qui détruisit aussi la célèbre bibliothèque d’Alexandrie.

En avançant en âge, Erasistrate abandonna la pratique de l'art de guérir pour se livrer exclusivement à ses études anatomiques.

Travaux sur le système nerveux

Dans le domaine de la neuroanatomie, il fut l'un des premiers avec Hérophile à pratiquer les dissections de cadavres humains. Celse et Tertullien l'accusent d'avoir fait la vivisection de criminels c'est probablement une calomnie dictée par des haines de sectes. Il parvint ainsi à distinguer les principales structures de l'encéphale que sont les deux hémisphères du cerveau et le cervelet auquel il attribue un rôle important dans le contrôle du mouvement volontaire et de la coordination motrice. Il montra aussi que les nerfs convergent vers le système nerveux central. Il mit en évidence le rôle sensitif et le rôle moteur des racines postérieures et antérieures des nerfs rachidiens. Pionnier de la méthode comparative, il fut le premier à établir un lien entre le degré de gyrification des circonvolutions du cerveau (cad. son degré de "plissement") des différentes espèces animales et leur degré d'intelligence.

A la suite d'Alcméon de Crotone et d'Anaxagore, il faisait du cerveau le siège de la pensée et des facultés mentales, contrairement à Aristote qui plaçait ces fonctions dans le cœur.

Travaux sur le système circulatoire

Il démontra le rôle primordial du sang dans le corps humain et il fut près de faire la découverte de la circulation sanguine en reconnaissant que le cœur était au centre du réseau des artères et des veines. Sur le plan anatomique, il donna les premières descriptions de la veine cave, des valvules veineuses et des artères pulmonaires et rénales.

Érasistrate fut l'auteur d'une théorie concurrente à la théorie des humeurs. Il défendit ainsi l'idée que le système des veines transportait du sang et non le pneuma imaginé par Hippocrate. Ce sang contenant l'esprit vital était acheminé depuis le cœur jusqu'au cerveau où il était transformé en esprit vital, qui était distribué dans le corps via les nerfs (dont il montra qu'ils étaient non pas creux mais formés d'une structure solide tubulaire, aujourd'hui identifiée comme les fibres nerveuses). Toutefois, le rôle des artères dans sa théorie restait de véhiculer l'air, ce qui expliquait selon lui le pouls. Il interprétait donc certains désordres physiologiques comme un excès de sang dans les artères. Cette théorie de la pléthore sanguine se posait en opposition à la pratique des saignées défendue par les autres médecins de l'époque, dont Hérophile. Erasistrate, au point de vue médical, fut l'un des précurseurs de l'école empirique.

Érasistrate vivait encore à Alexandrie en 258 (Eusèbe), d'après certains auteurs il serait mort en Asie Mineure vers 250 avant JC..

Ouvrages

Les ouvrages d'Erasistrate sont perdus; on n'en connaît que les titres et quelques fragments conservés par Galien, Caelius Aurélianus et autres; ces ouvrages traitaient de la médecine en général, des fièvres, de l'anatomie, de l'hygiène, de la circulation du sang, des paralysies, des médicaments et des poisons, de l'art de la cuisine, etc. Erasistrate fut chef d'école et sa doctrine florissait encore à Smyrne peu avant Strabon, au début de l'ère chrétienne; cette école fut constamment en lutte avec celle fondée par Hérophile.

Sources

- Plutarque cite Sapho de Lesbos