Ignace-Philippe SEMMELWEIS

1818 - 1865

Chirurgien et obstétricien hongrois

"Il n'y a pas de petite ressource pour le génie, il n'y en a que de possibles ou d'impossibles." L. F. Céline.

"La vie et l'oeuvre de Ignace-Philippe Semmelweis", cette grande figure de la médecine fut choisie par Céline (Louis-Ferdinand Destouches, dit) en 1924 comme sujet pour sa thèse de doctorat en médecine. Il en a fait un héros de la médecine moderne.

Né à Buda en Hongrie, le 18 juillet 1818, Ignace-Philippe Semmelweis était le quatrième fils d'un père épicier. Il fit ses études au lycée de Pest puis à l'université de Vienne.

Étudiant hongrois, il quitta Budapest pour apprendre à Vienne d'abord le droit avant de se tourner vers la médecine. Là il eut des maîtres prestigieux: Skoda le grand clinicien de l'époque, et Rokitansky l'anatomo-pathologiste.

De nature sans doute dépressif, sensible aux moqueries de certains de ses camarades étudiants qui raillent son fort accent hongrois, Semmelweis décide de rejoindre sa ville natale, Budapest, avant la fin de ses études; nous sommes au printemps 1839. Après quelques mois il retourne à Vienne, et soutient une thèse en 1844, ayant pour sujet "La vie des plantes"

Semmelweis

Semmelweis est nommé maître en chirurgie en 1846, et professeur assistant dans le service du Professeur Klin, chef de service de l'un des deux pavillons de la maternité de l'hôpital général de la ville de Vienne, l'autre pavillon ayant pour patron le professeur Barcht.

Il ne met pas longtemps pour découvrir les ravages que fait la fièvre puerpérale et se trouve confronté à la tragédie qui se déroule chaque jour dans ce service. Les parturientes lui apprennent que les femmes redoutent à venir accoucher dans cet hôpital, tant les risques de fièvre ou de mort sont élevés. Dans ces conditions seules les femmes qui au dernier moment ne trouvaient pas d'autres possibilités, se résignaient à y être admises.
- Semmelweis examine les statistiques avant 1840, époque où les étudiants en médecine ne fréquentaient pas encore les hôpitaux et n'étudiaient l'anatomie que dans les livres et non par dissection. La létalité était alors la même dans les deux services, c'est à dire faible pour l'époque: 1,25% environ.
- Semmelweis observe la différence de létalité des deux services d'accouchements à l'hôpital , depuis que les étudiants pratiquent des dissections à l'hôpital. Dans un service, la létalité pouvait atteindre 30%, dans l'autre 1% à 2% seulement. Le premier était tenu par les médecins et les étudiants en médecine, le second par les sages-femmes et les élèves sages-femmes.
Les commissions chargées d'évaluer les causes de ces décès nombreux et inexpliqués ne proposaient pas de solution.
Semmelweis se trouve rapidement confronté à un mal sur lequel il est le seul à s'interroger et qu'il tentera d'éradiquer à force d'observations et de réflexions, gardant toujours à l'esprit que l' "on meurt davantage chez Klin que chez Barcht."

C'est alors qu'il observa que les étudiants se déplaçaient des salles de dissection cadavériques vers les salles d'accouchements, sans précaution particulière. Il remarqua que s'exhalent des relents cadavériques des mains des professeurs, assistants, étudiants qui pratiquent des dissections sur les cadavres et c'est ainsi qu'ils se rendent au chevet des femmes en couches. Il en conclut qu'il devait y avoir un AGENT INVISIBLE , causant la mort et que l'on devait éviter de transférer cet agent de la salle d'autopsie à la salle d'accouchement.
Il eut donc l'idée, de faire pratiquer un lavage systématique des mains, de tous les étudiants, à l'aide d'une solution de chlorure de calcium, bien que cette mesure ne corresponde à aucune exigence scientifique à l'époque. partir de 1847, il interdit aux étudiants en médecine de quitter les salles de dissection sans s'être lavé les mains, ce qui entraîne immédiatement une baisse significative des taux de la mortalité qui passe de 12% à 3%. Il étend ses formalités de désinfection à toute personne ayant été au contact d'une malade, d'instruments de chirurgie ou de pansements, il ordonne l'isolement des femmes malades : la mortalité tombe à 1%.
Semmelweis fait part de son observation à son Maître Klin, auquel il demande de se soumettre également au lavage systématique des mains. Sans doute vexé, Klin révoqua son assistant sans ménagement.

Semmelweis s'éloigne alors à Venise avec son ami Markusovsky.
A son retour à Vienne il apprend la mort de son ami Kolletchka professeur d'anatomie, des suites d'une piqûre anatomique. La nécropsie avait montré une suppuration des méninges, de la plèvre, du péritoine, les mêmes observations qui avaient été faites sur les cadavres des femmes mortes de fièvre puerpérale, observe immédiatement Semmelweis.
"Puisque Kolletchka, pensa-t-il est mort des suites d'une piqûre cadavérique, ce sont donc les exsudats prélevés sur les cadavres qu'on doit incriminer dans le phénomène de contagion." A partir de là il est convaincu que la cause est identique et que les particules cadavériques inoculées par la piqûre puissent être aussi transportées par les mains des médecins chez les femmes examinées.
Il remarqua avec perspicacité, pour la première fois, le rôle de la transmission manuportée du "processus pathogène". Les étudiants en médecine qui venaient examiner les femmes en travail après avoir disséqué des cadavres, sans s'être lavé les mains, furent désignés comme responsables. Il constata que les femmes examinées par les élèves sages-femmes, qui n'avaient pas accès à la salle d'anatomie, étaient beaucoup moins souvent atteintes par la fièvre puerpérale. Il nota également que les femmes qui accouchaient dans la rue, de peur de mourir à l'hôpital, étaient épargnées par la maladie.

Il raconte plus tard - "qu'une femme prise brusquement de douleur dans la rue... se hâte vers l'hôpital et comprend qu'elle arrive trop tard : elle supplie au nom de sa vie qu'on ne la fasse pas entrer chez Klin."
En dépit de sa brillante démonstration Klin, homme médiocre, en prend sans doute ombrage et licencie Semmelweis de son service le 20 mars 1849.

Des communications sont faites à l'Académie des Sciences par Skoda, à la Société de Médecine par Hebra, ceux-ci sont favorables à la théorie de Semmelweis qui jalousé et persécuté, n'arrive pas à faire reconnaître sa découverte par ses collègues qui considèrent le lavage des mains comme contraignant et inopportun, Semmelweis doit de nouveau quitter Vienne.
Hebra, qui fut un des rares à soutenir Semmelweis déclara même "quand on fera l'histoire des erreurs humaines, on trouvera difficilement des exemples de cette force et on restera étonné que des hommes aussi compétents, aussi spécialisés, puissent, dans leur propre science, demeurer aussi aveugles, aussi stupides."
Ce à quoi Klin répondit: "Monsieur Semmelweis prétend que nous transportons sur nos mains de petites choses qui seraient la cause de la fièvre puerpérale. Quelles sont ces petites choses, ces particules qu'aucun oeil ne peut voir ? C'est ridicule ! Les petites choses de Monsieur Semmelweis n'existent que dans son imagination !".

Revenu à Budapest, Semmelweis s'éloigne quelque temps de la médecine.

En mai 1851, il accepte un poste dans la clinique obstétricale du Professeur Birley qui applique sa méthode : résultats 0,85 % de fièvre puerpérale. C'est à partir de ce moment qu'il commença la rédaction de son ouvrage: - "L'Etiologie de la Fièvre Puerpérale" - qu'il mettra quatre ans à rédiger.
L' Académie de Médecine de Paris à laquelle il communiqua ses travaux ne lui répondra pas.

Semmelweis était un être passionné et caractériel, persuadé de détenir la vérité. Il campa sur ses positions, seul contre tous, et sombra peu à peu dans la démence. En 1865 au cours d'une autopsie, il se pique avec un scalpel comme son ami Kolletchka. Accident ou Suicide ? Il mourra quelques jours plus tard, le 16 août, de septicémie dans la clinique psychiatrique où il avait été hospitalisé. Il avait 47 ans.

Il avait ainsi découvert avant l'heure, ce que l'on appelle maintenant l'INFECTION NOSOCOMIALE et l'INFECTION MANUPORTéE, de même que la fonction antiseptique d'un produit.