Grégory Goodwin PINCUS

1903 - 1967

Biologiste et chercheur Américain

Grégory Goodwin Pincus était un biologiste et chercheur américain, co-inventeur avec M. C. Chiang, John Rock et Luis Miramontes de la pilule contracetive, à l'initiative de Margaret Sanger qui veut "rendre aux femmes la maîtrise de leur vie et de leur corps…"

Gregory Goodwin Pincus

 

Gregory Goodwin Pincus, est né le 9 avril 1903 à Woodbine dans le New Jersey. Il est le fils d'immigrants juifs russe par son père, letton par sa mère. Son père Joseph William Pincus est professeur d'agriculture, sa mère Elizabeth Florence Lipman.

Boursier,  il est diplômé ès sciences en biologie de l'Université Cornell à Ithaca, New York en 1924, et docteur en sciences de l'Université Harvard à Cambridge, Massachusetts en 1927. Il a également étudié en Angleterre et en Allemagne. Il fut membre de Harvard (1931/1938), de l'Université Clark à Worcester, Massachusetts (1938–45), Tufts Medical School à Medford, Massachusetts (1946–50), et de l'Université de Boston (1950–67).

Il se marie le 2 décembre 1924 avec Elisabeth Notkin. Ils eurent deux enfants : Alexis Pincus et Laura Jane Pincus.

Anticonformiste il agit aux marges de l'institution  médicale de son temps.

Lapins éprouvettes

Il commença à étudier la biologie hormonale et les hormones stéroïdiennes, mais sa première percée survint en 1934 lorsqu'il fut capable de réaliser une fécondation in vitro de lapines. L'expérience fait alors les gros titres des journaux américains. Pincus est vilipendé dans la presse pour sa découverte. Dans le Times et le magazine Collier's de New York, il est dépeint comme un "docteur Frankenstein" qui était en train de transformer la science-fiction en réalité.

En 1936, il publie "The Eggs of Mammals" qui reçut un large succès dans la communauté scientifique internationale, mais trop tard pour effacer l'épisode des lapins-éprouvette.

L'année suivante, le biologiste perd son poste à Harvard, mais il restera le premier dans le domaine spécialisé de l'endocrinologie de la reproduction.

Le Dr. Gregory Pincus fut l'un des principaux scientifiques impliqués dans le développement du premier contraceptif oral. C'est au cours de ses recherches sur l'ovulation et la stérilité féminine que Pincus est conduit à s'intéresser aux propriétés des hormones sexuelles.

On sait en effet, depuis 1937, que la progestérone est capable de supprimer l'ovulation, mais la guerre a interrompu les expériences dans ce domaine. Pincus réussit à élaborer un mélange de progestérone et d'œstrogène synthétique.

Contre toute attente, ce n'est donc pas un médecin, mais un biologiste qui osera se lancer dans la recherche scientifique de la contraception orale.

Expérimentation en laboratoire indépendant

1950 : le Dr Pincus se lance dans la mise au point du premier contraceptif oral

Après la Grande Dépression, Pincus est à la recherche d'un travail. Quand, un vieil ami de Harvard, Hudson Hoagland, est venu à la rescousse. Hoagland invite Pincus à travailler dans son département de biologie à l'Université Clark à Worcester, dans le Massachusetts, en tant que professeur invité de zoologie. En 1944, Hoagland et Pincus créent la Fondation Worcester pour la biologie expérimentale, dont le but est la recherche appliquée, en particulier dans le domaine en plein essor des stéroïdes ( en particulier les hormones sexuelles).

Pressentiment à propos de la progestérone

Il travaille en collaboration avec le Dr Min-Chuey Chang. Ils parviennent à confirmer que la progestérone injectée à des lapines, à doses relativement élevées empêchait leur ovulation. Convaicu d'avoir trouvé la bonne progestérone, il lui restait à montrer que la contraception chimique pouvait être appliquée au genre humain. Quatre ans plus tard naissait la pilule. C'est également en 1951 que le chimiste mexicain Luis E. Miramontes (1925-2004) a synthétisé la noréthisterone, réplique chimique de la progestérone humaine à partir de racines d'ignames. C'est à partir de la noréthisterone que le Dr Pincus avec l'aide du Dr John Rock (1890-1984) produira la première pilule contraceptive.

Son travail est financé par la millionnaire Katherine McCormick, rencontrée en 1953 à l'initiative de Margaret Sanger

Margaret Sanger





- Margaret Sanger (1879-1966) - femme hors du commun, féministe et militante acharnée du contrôle des naissances, mais également infirmière créatrice en 1923, de l'American Birth Control League ( planning familial US), elle conserve le souvenir poignant, qui remonte à 1912, d'une mère de famille, morte après avoir tenté d'avorter seule. Elle veut libérer la femme du risque de grossesse non désirée.










Katherine Dexster McCormick





- et Katherine Dexster McCormick (1875-1967) - 2e femme aux Etats-Unis à être diplômée du Massachusetts Institute of Technology - riche(elle est l'héritière de l'inventeur des moissonneuses-batteuses), veuve, militante féministe, elle va consacrer sa fortune à la recherche du contraceptif idéal.








Toutes deux ont donné une impulsion cruciale pour le développement de la pilule contraceptive. Katherine Dexter McCormick a levé deux millions de dollars auprès des groupes féministes pour financer ces recherches.

Dans ces années d'après-guerre, les politiques natalistes et le poids de la religion dominent tant aux États-Unis qu'en Europe. La recherche et l'information sur les méthodes contraceptives sont taboues. Les méthodes empiriques (méthode Ogino, abstinence, contrôle des températures, coït interrompu et en cas d'échec… avortement clandestin), "étaient au pire inefficaces, au mieux ils dépendaient du bon vouloir de l'homme. Les femmes vivaient dans la peur d'une grossesse qui les obligerait à choisir entre le mariage et le statut méprisé de fille-mère." (Dr Elisabeth Aubeny).

Margaret Sanger ne tolère pas cette souffrance. Sa mère est morte à 50 ans, après avoir été enceinte 18 fois. Au début du siècle, ses articles avant-gardistes sur la condition féminine, jugés "obscènes", lui ont valu une peine de prison  et un exil à LOndres.

Ces pionnières ont persuadé le Dr Gregory Pincus de mettre au point un contraceptif oral, la " pilule".

1956 : Premiers essais cliniques à grande échelle dirigé par le Dr John Rock (1890-1984) à Porto Rico

Cinq ans plus tard il met au point, avec son équipe, une combinaison de progestérone et d'œstrogène de synthèse (hormones feminines) : c'est la première pilule, baptisée Enovid. Il s'agit d'un médicament hormonal qui bloque l'ovulation. Testée à Porto Rico elle se révèle parfaitement efficace. Les résultats seront publiés en 1957. "En tout, 221 femmes avaient été enrôlées. La plus jeune, Rosita Maria Avila, était âgée de 16 ans et avait trois enfants," raconte le Dr Bruno Halioua.

L'expérimentation fut pratiquée sur des femmes australiennes, françaises et portoricaines dont les médecins avaient porté leur candidature. Des effets collatéraux sont notés d'emblée : nausées, vertiges, céphalées. Mais l'équipe du Dr Rock reste sur ses gardes. "Quant au bout d'un ou deux ans, les premières femmes accouchèrent, on ne savait pas si ces enfants seraient normaux, " racontera Anne Meryl, l'assistante du Dr Pincus. Ainsi, la contraception était réversible. Et les bébés arrivaient à terme et bien constitués.

 

Dans les années suivantes plus de 15.000 femmes portoricaines, puis haïtiennes, seront mises "sous pilule" vingt et un jours par mois, avec un taux de rèussite proche de 100%. La recherche d'une pilule mieux dosée en hormones fut décidée. Au noréthynodrel ( le plus actif des progestatifs, dépourvu d'activité androgénique) on ajouta de faibles doses de mestranol, un puissant estrogène. Cette formule restera la base de la plupart des pilules contraceptives.

La pilule est commercialisée pour la première fois en Allemagne Fédérale dès 1956.

La pilule est mise en vente aux États-Unis dès 1957, mais uniquement comme moyen curatif aux dérèglements  hormonaux chez certaines femmes.

Plusieurs années plus tard, Pincus résumera ainsi la longue marche qui a permis la mise au point de la pilule contraceptive : "Ma recherche sur la stérilité m'avait donné une connaissance détaillée des mécanismes de l'ovulation et de la fécondation. J'avais découvert que deux organes, l'hypothalamus et l'hypophyse, contrôlaient en priorité les opérations précédant l'ovulation. Je m'étais donc demandé s'il n'était pas possible de bloquer l'ovulation en en imitant la naturepar des moyens artificiels. Cette question, je me l'étais posée gratuitement, par simple curiosité de chercheur. Mais un jour, quelqu'un me demanda de passer de la simple curiosité à la recherche d'une application pratique …"

Approbation par la "Food and Drug Administration"

Après le feu vert de la Food and Drug Administration la vente est autorisée dans le pays de son invention comme contraceptif en 1960, elle est restée réservée jusqu'en 1972, aux femmes mariées.

Par la suite , les progestatifs de synthèse antiovulatoires se sont multipliés. Leurs modes d'action sont en réalité très proches et font appel à une association simultanée (ou successive dans les pilules séquentielles) de deux familles d'hormones féminines, progestérone et œstrogènes.

1967 La loi Neuwirth autorise les produits contraceptifs en France, la contraception dépénalisée.

Elle ne sera autorisée en France qu'en 1967, sous le nom d'Enidrel. En attendant les Françaises se débrouillent comme elles peuvent : abstinence, méthode Ogino, contrôle des températures, coït interrompu, et en cas d'échec... avortement clandestin

L'efficacité contraceptive du produit ayant été établie, cette première "pilule" est commercialisée aux États-Unis en 1960.

Au fil des ans, une course au mini-dosage fut lancée. La recherche du «naturel» est restée une obsession constante des pharmacologues de la contraception. Recherche paradoxale, tant est artificielle la recherche de l'infertilité.

 

Le travail de Pincus a été reconnu à plusieurs reprises. Il a reçu le prix Albert D. Lasker de Planned Parenthood en 1960; le Bird Award Oliver en 1960; et le Prix de la médecine moderne en 1964 .Enfin en 1965, il est élu à l'Académie des Sciences.

Gregory Pincus est décédé le 22 août 1967 à Boston dans le Massachusetts ,des suites d'une maladie de la moelle osseuse causée par l'exposition à des produits chimiques de laboratoire. Il est enterré à Mountain View Cemetery, Shrewsbury, Massachusetts.

Rappel de la Législation française sur la contraception

EN 1810, selon l'article 317 du code pénal, l'avortement est un crime passible de la Cour d'assises.

La Loi du 31 juillet 1920 réprime avortement et contraception : « Sera puni d'un mois à six mois de prison [...] quiconque dans un but de propagande anticonceptionnelle aura [...] décrit ou divulgué ou offert de révéler des procédés propres à prévenir la grossesse ou encore facilité l'usage de ces procédés ». Phénomène rare, une intention est condamnée !

Le 28 décembre 1967, la loi Neuwirth autorise la vente des produits contraceptifs mais encadre la publicité. La loi n'est toutefois appliquée qu'à partir de 1972 (date des premiers décrets d'application) à cause de nombreux freins de l'administration. A l'Assemblée nationale certains redoutent "une flambée inouïe d'érotisme", ou que "les hommes perdent la fière conscience de leur virilité." Au Sénat , Lucien Neuwirth est traité de "malfaiteur public". Deux ans plutôt le général de Gaulle avait lui-même refusé de "sacrifier la France à la bagatelle." !

Le 28 juin 1974 : l'Assemblée nationale vote le projet de Simone Veil ministre de la Santé, qui libéralise totalement la contraception

Les 26 et 29 novembre 1974 : débat à l'Assemblée nationale sur le projet de Simone Veil, de dépénaliser l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

Le 17 janvier 1975, promulgation de La Loi Veil qui institue l'interruption volontaire de grossesse.

Sources

- "The Eggs of Mammals" par Gregory Pincus, New York,The Macmillan Company,1936.

- "The Control of Fertility" par Gregory Pincus, Academic Press (1965)

- Le Figaro : La Fabuleuse Histoire de la Médecine : Pincus et Sanger libèrent la sexualité par la pilule en 1950, par Delphine Chavet le 17 août 2012.