Gui Patin est né en 1602 à Hodenc-en-Bray (Oise). Il étudie la médecine à Paris et se lie d'amitié avec Gabriel Naudé (médecin passionné pour les livres et les connaissances), mais aussi de Gassendi, de Montmort, de Bochart et de Vossius..
Obstination dans la tradition
Gui Patin vécut à une époque au cours de laquelle on vit des esprits - souvent brillants d'ailleurs - se retrancher, contre toute évidence, derrière le rempart des vieux dogmes et défendre farouchement par tous les moyens, dont la mauvaise foi n'était pas exclue, des notions périmées.
Le fait a été commun à la plupart des pays d'Europe. Entrainés dans le vaste mouvement de la Réforme, l'Angleterre, la Hollande, le Danemark, la Suisse, l'Allemagne, témoignèrent toutefois moins d'hostilité à l'égard des orientations médicales nouvelles que l'Espagne, l'Italie et surtout la France. Bordeu disait de la Faculté de Paris au milieu du XVIIe siècle : "Ce n'est point un endroit où l'on apprend; il faut avoir fait ses provisions avant d'arriver; c'est là qu'on se polit et qu'on acquiert cet air de suffisance et d'impertinence même, qui est nécessaire." C'est dire l'état d'esprit qui y règnait. Le rayonnement admirable qu'elle a connu par la suite à l'avant-garde du progrès médical a depuis longtemps effacé le souvenir de cette période peu glorieuse que l'on se doit de reconnaître.
A côté du "très-docte, très-expert et très-illustre Riolan, Prince des anatomistes", Gui Patin fut un des représentants les plus marquants de cette tendance parisienne. Doué d'une grande vivacité d'esprit, critique incisif et souvent médisant, prolixe par la parole et par la plume, il a laissé moins d'ouvrages que de Lettres. Apprécié pour ses bons mots, il fréquente les demeures nobles.
Gui Patin est élu Doyen de la Faculté de médecine de Paris (1650-1652). L'apogée de sa carrière fut cependant atteinte avec sa nomination comme professeur au Collège royal à la chaire de botanique, de pharmacie et d'anatomie en 1654, en succession de son maître et ami, l'anatomiste Jean Riolan.
Sa correspondance dressée à son proche ami, le médecin lyonnais Charles Spon, donnent un intéressant tableau de la vie médicale à Paris et de la Faculté de médecine dont Guy Patin était alors le doyen en exercice, et fournit de multiples renseignements sur le milieu éditorial de Paris et de la province.
Hostilité à la théorie de Harvey et à Pecquet
Le XVIIe siècle fut riche en découvertes médicales, notamment dans le domaine anatomique : la découverte de la circulation du sang par Harvey en 1628 et celle du réservoir du chyle par Pecquet en 1647. la Faculté de Paris dénonça ce qu'elle considérait comme des arguties ; encore une fois, Guy Patin, l'un de ses plus illustres représentants à l'époque, fut taxé de conservatisme parce qu'il les refusa. Il ne paraît pas en fait avoir été assez au courant de ces découvertes scientifiques pour les juger. Certes, il semble les condamner, par respect pour la doctrine hippocratique et galénique enseignée à la Faculté, mais sans doute aussi parce que ces découvertes péchaient encore par quelques erreurs.
En 1628, Harvey avait publié à Francfort son ouvrage dans lequel il explique en dix sept chapitres son interprétation de ses constatations expérimentales et anatomiques et donne un compte rendu précis du fonctionnement de la grande circulation. Patin paraît s'en être remis à l'avis de son maître Jean Riolan, versé en anatomie et décidément opposé à Harvey et Pecquet, traite Harvey de "circulateur", jouant ainsi sur le sens du mot latin "circulator" qui signifie "charlatan.".
A Paris, Patin attaque, dans deux "Dissertations anatomiques sur la circulation du sang" parues sous le nom de "Lettres à Riolan" et déclare la théorie de Harvey : "paradoxale, inutile à la médecine, fausse, impossible, inintelligible, absurde et nuisible à la vie de l'homme". Son opposition , relève-t-elle de la prudence plutôt que d'un esprit passéiste et borné ?
L'affaire Renaudot
La querelle qui débuta en 1640 entre la Faculté de médecine de Paris et Théophraste Renaudot, docteur en médecine issu de la Faculté de Montpellier et venu exercer dans la capitale en qualité de médecin du roi, a été maintes fois étudiée. Renaudot se préparait à construire un hôpital pour ses malades à la grande fureur des médecins régents. Quand Gui Patin entra en scène. Grossièrement injurié par ce dernier Renaudot le poursuit en justice, mais Gui Patin se défend avec une telle habileté et une telle faconde, il décoche à son adversaire des phrases tellement méchantes et tellement spirituelles, qu'il met les rieurs de son côté et il est acquitté par les juges.
Des problèmes anciens se greffèrent en effet, qui empêchèrent la conclusion de tout compromis entre les adversaires et entraînèrent la perte de Renaudot. Inventeur génial aux conceptions généreuses, ce Loudunais protégé par Richelieu entreprit de s'attaquer aux privilèges de la Faculté de médecine de Paris, mais se perdit lui-même par son audace. Il n'était cependant pas seul en cause : les apothicaires de Paris, qu'il avait soutenus et encouragés, et ses collègues de Montpellier, venus à Paris sur son invitation, pâtirent eux aussi des conclusions du procès devant le Parlement de 1643. Mais aucun des problèmes soulevés ne fut résolu : les problèmes de médication liés aux innovations thérapeutiques de Montpellier, l'introduction de remèdes chimiques, les prérogatives jugées excessives des docteurs-régents de Paris furent pour un temps relégués à l'écart. La crise couvait cependant, et Guy Patin, féroce adversaire de Renaudot dans les années 1640, eut de nouveau l'occasion d'exercer ses saillies lorsque éclata, dans le ciel de la Faculté parisienne, la plus grave controverse médicale du siècle : la querelle de l'antimoine.
La querelle de l'antimoine
La querelle de l'antimoine, analysée dans les différents manuels d'histoire de la médecine au XVIIe siècle, tient une place d'autant plus grande dans cette correspondance à Spon que Guy Patin fut directement mis en cause par cette affaire. Doyen de la Faculté de médecine lorsque la crise éclata, c'est à lui que revint la charge d'exclure de l'institution les apologistes de ce remède chimique contenant de l'arsenic et qui, donné à mauvais escient ou en doses trop importantes, tuait à coup sûr le malheureux patient. Appelé à plaider devant le Parlement au nom de la Faculté parisienne qui, par deux fois déjà (en 1565 et 1615), avait condamné ce remède comme poison, Guy Patin fit de ce procès une affaire personnelle. La Faculté de Montpellier encourageait en effet le développement des remèdes chimiques, relayée à Paris par Jean Chartier et les deux fils de Théophraste Renaudot, Isaac et Eusèbe, que Patin détestait en souvenir de leur père. Si les lettres à Spon fournissent d'intéressants détails sur les enjeux et sur les partisans de l'un et l'autre bord, elles dénotent surtout une partialité très vive de l'épistolier à l'encontre de tous ses adversaires. Toutefois, malgré le caractère outré de certains de ses propos, le jugement porté sur Guy Patin par ses biographes paraît lui-même assez injuste. On ne peut nier que l'antimoine se révéla par la suite un médicament d'une importance considérable, et que l'introduction de la chimie dans la thérapeutique fit grandement avancer les sciences médicales. Toutefois, à l'époque de cette correspondance, l'antimoine tuait. Les progrès, quoique considérables de la médecine, peinaient à expliquer les raisons qui faisaient des remèdes antimoniaux tantôt un poison, tantôt un médicament. Accuser Guy Patin, et derrière lui la Faculté de médecine de Paris, d'un conservatisme attardé comme certains de ses biographes l'ont fait , semble assez réducteur. Guy Patin dénonçait un remède qui, sans que l'on en connût les raisons, amenait parfois le malade au tombeau : attitude raisonnable de la part d'un praticien, ayant en charge la vie de ses patients.
Lettres et ouvrages
Patin a écrit de très nombreuses Lettres, contenant des considérations sur son temps, des traits d'esprit, des anecdotes vraies ou fausses. Il y met ses incontestables qualités intellectuelles et sa verve épistolaire au service d'une position systématiquement réactionnaire, non seulement sur le plan politique, philosophique et religieux, mais hélas aussi sur celui de la science médicale en cours d'avènement. On ne saurait pourtant lui dénier un solide bon sens naturel. Sa boutade célèbre : "tandis que les médecins se contredisent, les malades meurent!" en est une louable manifestation. Certains l'ont comparé aux médecins des pièces de Molière : latinistes obscurantistes et hostiles à tout progrès de leur art. Ainsi, il fut un des opposants les plus irréductibles à la théorie expérimentale de la circulation (Harvey), un détracteur acharné du laudanum et des opiacés en général, du quinquina, des nouvelles médications chimiques (antimoine), des eaux minérales et des cures thermales, un partisan féroce de la purge, du clystère et de la saignée !
Il a également publié un Traité de la conservation de la santé (1632), des Notes sur le livre de Galien, De la saignée, des Observations sur le livre de Nicolas Ellain, De la peste. Il est partisan des auteurs anciens, Aristote, Cicéron, Galien, Platon et Virgile, et combat la modernité.
Il meurt en 1672, à Paris.