Thomas HODGKIN

1798-1866

Médecin anglais, anatomo-pathologiste

Thomas Hodgkin était en avance sur son temps et pionnier en médecine préventive. Dans un étrange contraste avec sa grande popularité, surtout à Londres, Hodgkin n'eut aucun avancement professionnel. Déçu par la médecine à la fin de sa vie, il se consacra à de multiples activités non médicales et se mit à voyager au Proche Orient.

Thomas Hodgkin est né le 17 août 1798 à Pentonville, St. James Parish, Middlesex, en Angleterre. Il est le troisième des quatre fils de John Hodgkin enseignant cultivé qui a voyagé en France au début de la Révolution, et d'Elizabeth Rickman.

Il est issu dans une modeste famille de quakers victoriens, membres de "The Society of Friends" et vivant dans les règles strictes de leur secte. L'enfance de Thomas et de son plus jeune frère a été fortement influencée par la foi et le style de vie des quakers. La danse et la lecture de romans étaient des passe-temps interdits, et les hommes, aussi bien que les femmes, étaient habillés simplement et les enfants étaient élevés en exerçant leurs activités dans le silence.

Adolescents, les frères Hodgkin s'intéressaient à la mécanique, la chimie et l'électricité, intérêts qu'ils partagaient avec une cousine appelée Sarah Adler qui était du même âge, et qui pendant 35 ans fut l'objet de l'amour "impossible" de Thomas Hodgkin. En effet ils ne purent jamais se marier (le mariage entre cousins étant interdit chez les quakers). Jeune homme Thomas maîtrisait déjà plusieurs langues: latin, français, italien, allemand et espagnol.

Ses années d'étudiant

Il reçoit une éducation ouverte sur les sciences, puis fait un stage d'apothicaire pendant deux ans avant d'être élève au "Guy's Hospital" à Londres pendant six mois. En septembre 1819, il a déjà 21 ans, il s'inscrit à l'Ecole de Médecine d'Edimbourg, tout en emettant des critiques sur les cours qu'il trouve ennuyeux et manquant d'exactitude.

A l'époque il était courant que les étudiants en médecine aillent à l'étranger élargir leurs connaissances; c'est ainsi qu'en 1821, Hodgkin se rend en France. Il séjourne à Paris auprès de Laënnec, qui lui fait une forte impression (et avec qui il pratique des autopsies et parle en français, ou en latin au chevet des malades). Il apprend comment utiliser le stéthoscope récemment inventé par Laënnec et sur lequel il a publié son "Traité de l'auscultation médiate". Il devint ainsi habile en percussion, si utile pour le diagnostic des maladies du thorax. De France est venue l'idée révolutionnaire que le siège de la maladie est dans les organes et les tissus; que l'usage de la palpation, de la percussion, du thermomètre et du stéthoscope rendrait les diagnostics plus précis. Il rapporte un stéthoscope à Londres, sur lequel il fera une conférence à son retour à la "Guy's Hospital Physical Society" en 1822 (l'instrument est perçu avec septicisme) avant de recevoir son diplôme de médecin à Edimbourg en 1823, avec une thèse écrite en latin intitulée "The physiological mechanisms of absorption in animals".

Il voyage à nouveau pendant deux ans, en Italie, en Suisse et en France, En Italie il se lie d'amitié avec un Moïse Montefiore (1784-1885), avec qui Hodgkin entreprit beaucoup plus tard, plusieurs voyages du pourtour méditerranéen. Après ce périple il revient au "Guy's Hospital" de Londres et à l'Ecole de Médecine.

Médecin Londonien

Son éducation de quaker apporta un sens humanitaire à sa pratique médicale. En décembre 1825 Hodgkin est élu membre du "Royal College of Physicians" de Londres et avec l'appui de ses collègues plus âgés, il est également nommé médecin du "Dispensaire de Londres". Thomas HodgkinCes établissements publics destinés à soigner les plus pauvres étaient financés par des donations privées, des collections et des prestations d'étudiants. Les médecins et les chirurgiens travaillaient là à temps partiel sans salaire, alors que les pharmaciens recevaient une compensation. Hodgkin passa deux ans à raison de dix à douze heures par jour, deux jours par semaine, en plus de son travail non rémunéré au "Guy's Hospital".

La même année, Hodgkin est nommé professeur et conservateur du musée anatomique du "Guy's Hospital" récemment créé. Il y développe la méthode anatomo-clinique, confrontant les données cliniques avec celles de l'autopsie, complétée par l'examen des tissus au microscope. C'est dans ces conditions qu'il commence sa carrière de pathologiste. En 1829, il publie un catalogue de 1677 préparations montrant l'influence des différentes maladies sur les organes et les tissus. En très peu de temps il s'est fait une réputation de meilleur pathologiste de son temps. Il trouve le temps de travailler comme volontaire dans deux cliniques qui prenaient en charge les pauvres habitants juifs de Londres.

En 1827, Thomas Hodgkin est le premier conférencier d'anatomie pathologique, en Angleterre. Ses conférences sont publiées en 1836 et 1840. Parmi les nombreux cas étudiés il fit une description des symptômes de l'appendicite aigüe, avec péritonite, maladie qui ne fut reconnue que 50 ans plus tard.

Thomas Hodgkin était également un pionnier en médecine préventive. Son cours sur les moyens de favoriser et de préserver la santé a été éditée sous la forme de livre en 1841. Il contient quatre parties; dans la première partie il parle de l'air, de la lumière, de la propreté, des vêtements et de la respiration (il recommande des masques protecteurs pour les travailleurs exposés à la poussière…), dans la seconde partie il aborde l'importance de la nourriture solide et liquide et s'élève contre la consommation immodérée d'alcool. L'entrainement des muscles et des possibilités mentales sont discutées dans les deux autres parties, et le livre se termine avec une discussion sur l'importance de l'éducation pour les jeunes.

1829 fut l'années des plus importantes contributions de Hodgkin à la pathologie. En dehors du catalogue qu'il publia en sa qualité de conservateur du musée du "Guy’s Hospital", Hodgkin publia un long article sur la classification des tumeurs intra-thoraciques et intra-abdominales "inattendues" et sur la diffusion du cancer. Cet article a été progressivement augmenté de deux volumes intitulés "L'anatomie morbide des membranes séreuses et muqueuses" - un travail d'importance capitale pour la pathologie moderne. La même année il décrit l'insuffisance aortique, 20 ans avant Sir Dominic John Corrigan, auquel on attribue la découverte de cette pathologie.

Il décrit également la biconcavité des globules rouges ainsi que la striation des fibres musculaires.

Maladie de Hodgkin

En 1832, Thomas Hodgkin identifie et décrit la maladie qui devait porter son nom en 1865, dans un article intitulé "Sur quelques aspects morbides des glandes et de la rate" à partir de sept cas d'adénopathies qu'il présente à la Medico-Chirurgical Society, en en décrivant l'anatomie macroscopique. En 1865, un autre britannique Samuel Wilks décrivit la même maladie avec plus de précision, mais reconnut l'antériorité de Hodgkin dans un article du "Guy's Hospital Reports". Ses préparations originales de lymphogranulomatose maligne sont conservées au "Guy's Hospital". Un nouvel examen histologique en 1926, a permis de confirmer le diagnostic dans trois cas sur sept. Cellules de Sternberg

Deux des 6 cas décrits par lui sont ce que nous appelons aujourd'hui une maladie de Hodgkin (MH) : c'est que l'anatomie microscopique ne s'est répandue qu'après 1860. Les cellules caractéristiques ont été décrites en détail par Carl Sternberg en 1898 et Dorothy Reed en 1902 - c'est pourquoi elles portent aujourd'hui leurs noms, cellules de Sternberg ou de Reed-Sternberg. La MH est un cancer des ganglions caractérisé par la disparition de leur architecture normale et la présence de cellules malignes peu nombreuses au milieu de cellules inflammatoires. Elle était quasi constamment fatale jusque dans les années 1960. Actuellement, à la condition d'un classement initial adéquat et d'une stratégie thérapeutique adaptée, elle peut guérir dans la majorité des cas.

Un siècle plus tard, des progrès décisifs, stimulant les recherches sur les thérapeutiques anticancéreuses allaient largement contribuer à la compréhension de cette pathologie.

Conflit de Hodgkin contre Babington

En dépit de son incontestable compétence, Hodgkin était plutôt impopulaire en particulier auprès de ses collègues en raison de sa demande réitérée de réforme de l'enseignement médical de son positionnement social intransigeant et de ses prises de positions contre l'esclavage. Ainsi il fut pendant longtemps un activiste de la "Peace Society" et membre de "Meeting for Sufferings" dans lesquelles on parlait de le guerre de Crimée, du combat en Inde et du commerce de l'opium.

En 1837, il est un des trois fondateurs de la "British and Foreign Aborigines Protection Society", qui a existé jusqu'en 1909 où elle a fusionné avec la "British and Foreign Anti-Slavery Society". Il s'intéresse aux Indiens d'Amérique et collecte des fonds pour l'Afrique.

La même année 1837, il est exclu de la promotion du "Guy's Hospital", à la suite d'une manœuvre politique pour le punir pour ses prises de position qui trouvaient leurs racines dans sa foi de quaker, il perd son poste de médecin assistant. Cet incident interrompit brutalement la brillante carrière du pathologiste qui fut évincé au profit d'un obscur médecin - Benjamin Babington - pour un poste qu'Hodgkin avait brigué. Il démissionne alors de toutes ses fonctions officielles au "Guy's Hospital" pour se tourner vers le "St Thomas Hospital".

Hodgkin était négligent pour percevoir ses honoraires, mais l'argent de la famille lui permit de consacrer de moins en moins de temps à la pratique de la médecine et de concentrer son énergie à l'écriture et à des conférences, ainsi qu'à des causes philanthropiques.

Jusqu'à la fin de sa vie Hodgkin consacra la majeure partie de son temps à la médecine sociale, surtout les problèmes médicaux des pauvres et des défavorisés, comme les Indiens d'Amérique et les indigènes d'Afrique.

Amour interdit

Quand Sarah Adler-Goodlee, l'objet de l'amour de Thomas Hodgkin, perdit son mari en 1836, les relations reprirent entre les deux cousins. Ils firent le projet de mariage, mais à nouveau la secte s'opposa à leur union. En 1840, Hodgkin fit un dernier effort, dans un article intitulé "Sur la règle qui interdit le mariage des cousins de premier degré" il essaya de faire changer la règle, mais en vain. Et comme Hodgkin n'osait pas, ou ne voulait pas agir contre les règles de la secte, l'idylle s'interrompit après 1847. Le 3 janvier 1849, Thomas Hodgkin se marie avec Sarah Frances Callow veuve Scaife.

Les dernières années

En dépit de son adhésion et de sa contribution à de nombreuses sociétés savantes, Hodgkin ressentit une déception personnelle profonde, au point qu'il se retira de la médecine et se consacra à des études philosophiques, géographiques et ethnologiques. Il s'engagea dans la "Royal Geographical Society" et joua un rôle important dans la création de l' "Ethnological Society" en 1843.

En 1857, il fait premier de cinq voyages au Proche Orient avec Sir Moïse Montefiore, un philantropique homme d'affaire juif qu'il avait connu dans sa jeunesse lors d'un voyage en Italie, avec lequel il passa beaucoup de temps. Les deux amis se rendirent au Proche Orient où Hodgkin souffrit beaucoup du climat. Lors de son dernier voyage en Israël dans le but d'octroyer une aide médicale aux colons juifs au printemps 1866, il n'eut pas la force de se rendre à Jérusalem et resta aux bons soins d'un diplomate britannique à Jaffa.

Thomas Hodgkin est mort le 5 avril 1866, à Jaffa, en Palestine (actuelle Tel-Aviv en Israël) d'une dysenterie. Il est enterré dans une petite chapelle protestante. Son ami fit ériger un obélisque sur lequel il fit graver ses mots:

"In commemoration of a friendship of more than 40 years and of many journeys together in Europe, Asia, and Africa."

Sa veuve fit inscrire sur une pierre:

"A man distinguished alike for scientific attainments, medical skill, and self-sacrificing philanthropy. He died in the faith and hope of the Gospel."

Ecrivant dans une chronique Juive, Sir Montefiore écrivit: "A celui, sans duplicité, si pieux, si aimable dans la vie privée, si respecté pendant sa carrière publique et si désireux d'assister pendant toute sa vie à l'amélioration de condition de la race humaine, auquel la mort ne pourra pas inspirer de terreur".

Un siècle plus tard, des progrès décisifs, stimulant les recherches sur les thérapeutiques anticancéreuses allaient largement contribuer à la compréhension et au traitement de la maladie de Hodgkin.

 

Principaux Ouvrages et articles de Thomas Hodgkin:


- On the use of the spleen. Edinburgh Medical and Surgical Journal, 1822.
- Sur quelques observations microscopiques sur le sang et le tissu des animaux. With J. J. Lyster, Annales des sciences naturelles, Paris, 1827.
- Essay on medical education. London, 1828.
- On the retroversion of the valves of the aorta. London Medical Gazette, 1828-1829; 3: 433-443.
- Catalogue of the preparations in the anatomical museum of Guy’s Hospital. Arranged and edited by desire of the treasurer of the hospital and the teachers of the surgical school. London, 1829.
- On the anatomical characters of some adventitious structure. Medico-Chirurgical Transactions, London, 1829, volume 15.
- Hints relating to the cholera in London. London, 1832.
- On some morbid appearances of the absorbent glands and spleen. Medico-Chirurgical Transactions, London, 1832; 17: 68-114. Hodgkin’s disease.
- Lectures on the means of promoting and preserving health. London, 1835.
- Reports on the effects of acrid poisons. London, 1836.
- Lectures on the Morbid Anatomy of the Serous and Mucous Membranes. Volume 1, London, Sherwood, 1836; Volume 2, Simpkin, Marshall & Co., 1840. Volume 2, part 2 was never published. German translation 1843/1844.
- On the Means of Promoting and Preserving Health in book form in 1841. Narrative of a journey to Morocco. Posthumous, 1863/1864.
- An account of some unpublished papers of the late Dr. Hodgkin by Samuel Wilks. Guy’s Hospital Reports, London, 1878; XXIII.