Angélique-Marguerite Du COUDRAY Le Boursier

1714 - 1789

Sage-femme des Lumières

Angélique du Coudray, première maîtresse sage-femme, révolutionna l'art de l'accouchement en formant les femmes pratiquant les accouchements dans les campagnes et en inventant le premier mannequin obstétrique.
Elle a été une actrice importante du recul de la mortalité infantile à l’époque.

Angélique-Marguerite Du Coudray sage-femmeLe Boursier Du Coudray est née en 1714 à Clermont-Ferrand, elle exerce la profession de sage-femme à Paris puis retourne dans son Auvergne natale où, grâce à ses dons pédagogiques, elle entreprend de donner des cours pour prévenir les erreurs des matrones qui sévissent dans les campagnes. Elle publie en 1759 un livre Abrégé de l’Art des accouchements qu’elle fera illustrer de charmantes gravures en couleur.

En 1759, pour joindre la pratique à la théorie, Angélique-Marguerite Le Boursier du Coudray choisit la modernité et la pédagogie. Elle écrit un manuel d'accouchement et conçoit sa fameuse "machine" de démonstration. Au cours de la formation qui durait deux mois les élèves étaient invitées à s’exercer sur le mannequin. Cet enseignement pratique du geste obstétrical correspondait à la volonté de Madame Du Coudray de rendre ses leçons "palpables" puisqu’elle s’adressait à des femmes de la campagne peu instruites et "des esprits peu accoutumés à ne rien saisir que par les sens".

Il est un "personnage" incontournable dans l'histoire de la naissance : la sage-femme. Autrefois, on l'appelait aussi matrone (ou ventrière), de l'étymologie latine mater, la mère, au sens de la femme d'expérience, qui a eu des enfants, connaît les fragilités et les souffrances que la femme peut endurer pendant l'accouchement. Pas le moindre rudiment de connaissance obstétricale n'était demandé. Sa mission est avant tout de sauvegarder les principes religieux et la discipline ecclésiastique. Suivant les époques et les cultures, elle utilise des remèdes et des outils différents. Mais son but est toujours le même : mettre un enfant au monde et préserver la vie de la mère.
Pendant la Rome antique, la sage-femme oignait le ventre de la parturiente avec de la graisse de vipère, du fiel d'anguille puis y déposait la dépouille d'un lièvre, pour éloigner les douleurs et que l'enfant vienne vite.
Au Moyen Age, la magie et la superstition sont les alliées de l'accoucheuse : dénouer tous les nœuds de la maison, ouvrir les verrous, détacher les vaches dans l'étable et mettre du poivre dans les narines de la parturiente, pour favoriser l'accouchement grâce à l'éternuement. La sage-femme a déjà un rôle médicale, social et religieux. Elle accompagne le nouveau-né jusqu'aux portes de l'église, le jour de son baptême.
Au XVIIIe siècle, les hommes, les médecins, font irruption dans ce monde de femmes, expliquant que l'hygiène déplorable des sages-femmes est la cause de l'effroyable mortalité infantile qui règne alors. Les accoucheuses, accusées de faire leur "beurre" sur le dos des crédules, doivent coopérer avec le corps médical ou disparaître

Munie d’un brevet royal par Louis XV qui l’autorise à donner des cours dans tout le royaume, elle s’engage, en 1759, dans un tour de France obstétrical qui va durer 25 ans et se poursuivra jusqu'en 1783, sous le règne de Louis XVI. C’est une femme de caractère. On estime qu’elle a formé plus de 5000 femmes et également des chirurgiens qui ont perpétué son enseignement.

Elle parle ainsi de l'accouchement : "En attendant le moment de délivrer la femme, on doit la consoler le plus affectueusement possible : son état douloureux y engage ; mais il faut le faire avec une air de gaieté qui ne lui inspire aucune crainte de danger. Il faut éviter tous les chuchotements à l'oreille, qui ne pourraient que l'inquiéter et lui faire craindre des suites fâcheuses. On doit lui parler de Dieu et l'engager à le remercier de l'avoir mise hors de péril. Si elle recourt à des reliques, il faut lui représenter qu'elles seront tout aussi efficaces sur le lit voisin qui si on les posait sur elle-même, ce qui pourrait la gêner..."

Cette femme au caractère bien trempé n'avait de cesse d'améliorer ses outils pédagogiques. Créant de nouvelles planches illustrées dans son manuel et ajoutant des détails réalistes à son mannequin (sang et eaux mêlés), fait en tissus et en grandeur nature.

Elle a été une actrice importante du recul de la mortalité infantile à cette époque. Pédagogue mais pas naïve, cette aristocrate du cordon ombilical voyage entourée d'une véritable cour, financée par l'Etat, vendant manuels et mannequins à tour de bras, se heurtant à ses consœurs superstitieuses et aux médecins jaloux de sa royale protection.

Elle meurt riche, en 1789 à 75 ans, sa tâche accomplie : la mortalité infantile étant en nette régression.

La "machine" de Madame de Coudray.

"Machine" Du CoudrayLa "machine" est en réalité un mannequin servant à enseigner l'art des accouchements. La "machine", déposée en 1778, il en reste un unique exemplaire conservé et est exposé au musée Flaubert et d’histoire de la Médecine, à Rouen. Elle comprend un mannequin représentant, en grandeur réelle, la partie inférieure du corps d’une femme, une poupée de la taille d’un nouveau-né et différents accessoires montrant, entre autres, l’anatomie de la femme, un fœtus à sept mois, des jumeaux.

Le mannequin de démonstration :

L’ensemble de confection artisanale est fait en toile et en peau, de couleur rose, rembourré de coton. Le mannequin de démonstration est représenté en grandeur nature et repose sur une armature en fer, en position gynécologique. Il s’ouvre dans sa partie supérieure pour positionner la poupée dans le ventre maternel. Il porte des orifices où coulisse tout un jeu de ficelles et de lanières permettant de simuler l’ampliation vaginale et la dilatation du périnée lors du passage de l’enfant et contribuant à montrer la dynamique de l’accouchement.
La radiographie a révélé que sous les étoffes, la soie et les rubans se cache une véritable structure osseuse : le bassin d’une jeune femme.

L'anatomie de la femme selon Madame Du Coudray :

Cette reproduction de l’appareil génital de la femme, représenté en dehors de la grossesse, est remarquable par sa fidélité au modèle anatomique. Cette pièce porte 21 petites étiquettes cousues qui permettaient aux élèves d’identifier les différents organes de la reproduction, notamment l’utérus, les ovaires, les trompes de Fallope et de les situer par rapport à l’intestin et la vessie. En tenant la pièce comme une marionnette l’élève pouvait pratiquer le toucher du col utérin.

Le nouveau-né

L’ensemble est flexible en particulier la tête afin de pouvoir mettre la poupée dans toutes sortes de positions pour expliquer les différentes présentations. Les parties dures, sensibles à la palpation, sont le crâne avec la présence de la fontanelle, la colonne vertébrale portant le nombre exact de vertèbres, le thorax, les coudes, les genoux et même les talons.
Pieds et mains sont bien individualisés car il est important pour la sage-femme qui travaille en aveugle de repérer le membre droit et le membre gauche lors de l’extraction de l’enfant.
La tête, dont le nez est modelé, les oreilles cousues et les cheveux dessinés à l’encre, a la bouche ouverte. On peut y introduire le doigt jusqu’à une profondeur de 5 cm et apercevoir la langue. Ce détail est important car il permet a la sage-femme d’introduire deux doigts dans la bouche pour faciliter le passage de la tête lors d’une présentation de l’enfant par le siège. Ainsi l’élève pouvait répéter sur la machine ce que l’on appelle la manœuvre de Mauriceau.

Le fœtus de sept mois dans sa matrice

Parmi les nombreux accessoires permettant de montrer les différentes phases de la grossesse figure la représentation d’une matrice et d’un fœtus de sept mois.
La matrice est de forme arrondie, d’un diamètre de 24 cm. Elle porte une étiquette en parchemin écrite à la plume d’oie. Elle est en tissu rembourré de coton, ouverte dans sa hauteur. L’intérieur est entièrement doublé de peau de couleur chair. L’ouverture permet de voir le placenta. La face fœtale du placenta est brodée de fils rouges et bleus représentant les artères et les veines rayonnant autour du cordon ombilical. Le cordon mesure environ 50cm et est relié à l’ombilic du fœtus. Le fœtus entièrement rembourré de coton est en taffetas de soie de couleur rose très clair. La tête est penchée vers l’avant. Les cheveux et les yeux sont peints à l’encre, le nez est modelé.
Les oreilles sont faites de morceaux de cuir cousu. Les jambes sont repliées et retenues par les bras croisés. Les doigts et les orteils sont bien individualisés ( détail important pour les manœuvres d’extraction, la sage femme travaillant en aveugle). On peut estimer la taille du fœtus à 36 cm ce qui correspond à la taille réelle.

Les jumeaux

La naissance de jumeaux fait partie des accouchements à risque car à l’époque de Madame Du Coudray, on ne pratique pas de césarienne.
Les fœtus des jumeaux sont représentés d’une façon plus sommaire, ainsi les doigts et les orteils ne sont pas individualisés. Cet accessoire n’était pas destiné au toucher mais à la vue pour expliquer le cas des jumeaux. Ils mesurent 25 cm ce qui correspond à une grossesse de cinq mois. Ils sont reliés par leur cordon ombilical à un seul placenta d’un diamètre de 10 cm mais séparé en deux par une membrane de voile de coton. Chaque fœtus a une circulation individualisée et la face maternelle du placenta est constituée de deux demi-éponges