Louise BOURGEOIS dite "la BOURSIER"

1563-1636

Sage-femme de la reine Marie de Médicis

Louise Bourgeois, dite La Boursier est une sage-femme connue pour avoir accouché la reine Marie de Médicis. Longtemps négligée, l'obstétrique devient un peu plus prisée à partir du dix-septième siècle et va devenir une pratique plus élaborée surtout lorsque les médecins ou les chirurgiens seront appelés auprès d' éminentes parturientes pour des cas graves. Ils s'efforceront alors de perfectionner leurs techniques.

Dès 1560, les sages-femmes sont rattachées au Collège de Chirurgie, qui leur décerne un diplôme après un examen passé devant les maîtres de cette corporation. Les meilleures élèves sont issues de l'Office des accouchées de l'Hôtel-Dieu qui sera le fondement de l'obstétrique moderne.

Louyse Bourgeois naquit à Paris en 1563, de parents honnêtes et aisés. Son père possédait plusieurs propriétés dans le faubourg Saint-Germain.

Louyse Bourgeois : cheminement social

Ayant reçu une meilleure éducation que celle que recevaient les jeunes personnes de la bourgeoisie d'alors, Louise Bourgeois fut recherchée pour cela même par un chirurgien des armées du roi, ancien élève d'Ambroise Paré, Martin Boursier et l'épousa le 30 décembre 1584. De cette union naissent cinq enfants. Après trente ans de mariage, Louis e évoque avec nostalgie sa vie dans le faubourg Saint-Germain : "Nous avions tout ce qu'avoyent ceux de la ville et le bon air d'avantage, avec la liberté des belles promenades."

Mais les guerres civiles - 8e guerre de religion de 1585 à 1598 - viennent troubler le bonheur des Boursier. Martin doit partir à la guerre où il sert en tant que "chirurgien d'une compagnie" . Louise avertie par une voisine, de la prise prochaine des faubourgs de Paris (mars 1590), prend la fuite avec sa mère et ses trois premiers enfants. Les faubourgs assiégés, sont livrés aux flammes et au pillage. Louise sans argent et sans métier, se voit obligée de confectionner des ouvrages de broderie pour faire vivre les siens. De retour de la guerre, Martin cherche sans succès, à s'établir à Tours , sa ville natale. Mais les difficultés financières forcent bientôt la famille à rentrer dans la capitale.

Louyse Bourgeois : cheminement médical

Apprentissage de l'art de Sage-femme Bourgeois Louyse

Le retour à Paris marque un moment crucial dans la vie de Louise Boursier. La crainte de voir ses enfants dans le besoin et la rencontre de sa sage-femme ont une influence décisive sur la voie qu'elle va suivre. Sur les conseils de cette dernière, Louise décide d'apprendre le métier de sage-femme. Son mari lui ayant donné les premières notions d'anatomie, elle se met à étudier Paré, qui était alors le plus illustre des chirurgiens et, pour s'initier à l'art du métier, elle offre ses services à la femme de son crocheteur qu'elle accouche d'un fils :

"Une honneste femme qui m'avoit accouchée de mes enfans, qui m'aymoit, me persuada d'apprendre à estre sage-femme, et que si elle eust sceu lire et écrire  comme moy, qu'elle eust fait des merveilles, que le cœur luy disoit que si je l'entreprenois, je serois en peu de temps la première de mon estat; que mon mary, qui avoit demeuré vingt ans en la maison de feu Ambroise Paré, premier Chirurgien du Roy, me pourroit beaucoup apprendre. "

Accoucheuse de Marie de Médicis

Louyse pratiqua pendant cinq ans dans les milieux humbles avant d'être reçue jurée au Châtelet le 1é novembre 1598. Elle relate les incidents de cette épreuve, toiut particulièrement l'hostilité des femmes jurées, une certaine Péronne Boyadan (nommée le 20 octobre 1576) et surtout Marguerite Thomas, épouse Du Puy (reçue sage-femme le 30 juillet 1576), qui voyait d'un très mauvais œil la réception de la "femme d'un Surgean" : "elle est femme d'un Surgean" disait-elle à la Péronne, "elle s'entendra avec ces médecins comme coupeurs de bourses en foire. Il nous faut recevoir que les femmes d'artisans qui n'entendent rien à nos affaires."

Pendant les trois années qui suivirent, Louise exerça dans tous les milieux de la capitale. En 1601, une opportunité inespérée se présente à elle. La Reine Marie de Médicis est enceinte. Le Roi avait désigné la Dupuis comme sage-femme mais il déplaisait fort à la Reine d'être assistée par celle qui avait accouchée la maîtresse du Roi, Gabrielle d'Estrées. André du Laurens, premier médecin de la Reine, sous prétexte du grand âge de la Dupuis, se mit en quête d'une autre sage-femme, pluds jeune et bien évidemment compétente. . Louis avait déjà donné des preuves de son expertise; elle fit jouer ses relations dans le monde médical. Ce fut d'abord Jean Hautain, médecin distingué de la Faculté de Paris, qui la recommanda à quatre autres médecins pour remplacer la Dupuis; puis Madamer de Thou la recommanda à Monsieur du Laurens, qui la recommanda au Roi, pour l'assister la Reine dans ses premières couches, et l'aida, en moins de neuf ans à mettre six enfants au monde.

Louyse devenue l'accoucheuse de Marie de Médicis, parvint à une haute fortune. Elle fut la première à se voir octroyer le droit de porter un chaperon de velours (1606), insigne de sa charge, alors que les deux sages-femmes de Catherine de Médicis n'avaient eu droit qu'au collet et à une chaîne d'or. A la naissance de son sixième enfant, Henri IV lui fit une pension de trois cents écus.

Le 29 mai 1627, Marie de Bourbon-Montpensier, épouse de Gaston d’Orléans, frère du Roi, mourut en donnant naissance, après un accouchement laborieux, à la Grande Mademoiselle, Anne-Marie d’Orléans. Une autopsie fut pratiquée par les chirurgiens en présence des médecins du Roi ; selon leur rapport, des morceaux de placenta étaient restés dans l’utérus ; ils accusèrent la sage-femme de négligence. Louise Bourgeois riposta par un petit livre Apologie de Louise Bourgeois, dite Bourcier, sage femme de la reine mère du Roi, et de feu madame. Contre le rapport des médecins, Paris, Mondière, 1627, où elle défendait ses connaissances et son savoir-faire.

Louyse Bourgeois : écrvain

La même année parut un pamphlet anonyme, mais généralement attribué à Charles Guillemeau, "Remontrance à madame Boursier, touchant son Apologie, contre le rapport que les medecins ont fait de ce qui a causé la mort déplorable de Madame". Louise Bourgeois est la première sage-femme qui ait écrit des livres sur sa pratique, en donnant des conseils d’hygiène obstétricale et en montrant la nécessité d’une déontologie professionnelle dans un domaine où des « matrones » sans formation existaient encore et suscitaient les critiques souvent fondées des chirurgiens.

Au début du XVIIe siècle Louyse Bourgeois écrivait le résultat de ses observations d'accoucheuse, dans un style savoureux, et pour l'intérêt historique encore plus que médical qu'ils présentent, ses livres sont toujours recherchés des bibliographes.

- Observations diverses sur la stérilité, perte de fruict, fécondité, accouchements et maladies des femmes et enfants nouveaux naiz (publié à Paris chez A. Saugrain en 1609 (dédié à Marie de Médicis puis chez Melchior Mondière en 1626 et 1642). A coté des savants de grande renommée Louise Bourgeois, sage et honnête matrone est représentée vêtue d'habits modestes, ceux-là même qu'elle portait peut-être au chevet de la reine Marie de Médicis dont la poitrine opulente, les pierreries, l'air satisfait, s'étalent quelques pages auparavant, telles qu'elles apparaissent dans le livre où Louise Bourgeois a consigné la leçon de ses expériences

- Instruction à ma troisième fille, qui a choisi et élu l’art d’être sage-femme, et qui peut servir à toutes autres, où se peut voir plusieurs choses remarquables sur divers sujets, même pour les accidents qui arrivent par quelques sages-femmes, et par le choix indiscret des nourrices, et par l’indiscrétion de plusieurs jeunes femmes grosses. Et l’erreur qui peut arriver sur le jugement de la grossesse d’une femme, Paris, 1609. dans ce livre elle consigne de précieux conseils pratiques. Elle est la première à mettre en place un enseignement méthodique pour les sages-femmes

- Récit véritable de la naissance de Messeigneurs et Dames les enfants de France Paris, M. Mondière, 1626, dans lequel se trouvent de pittoresques anecdotes sur la naissance de Louis XIII et des autres enfants d'Henri IV.

- Puis en 1635 elle fait paraître le Recueil des secrets de Louise Bourgeois. Enfin du même auteur parut en 1689 Le chemin frayé infaillible aux accouchements, qui servira de flambeau aux sages-femmes le tout enrichi de diverses figures".

Louise Bourgeois meurt à Paris en 1636.

A cette époque les sages-femmes étaient souvent désignées comme experts dans les questions d'avortement, dans les enquêtes sur les virginités douteuses. Elles assistaient les médecins dans la fameuse épreuve du "congrès", où les maris accusés d'impuissance devaient donner la preuve de leurs capacités matrimoniales; cette pratique perdurera jusqu'à la Révolution.

Le souvenir de la mort malheureuse de la Duchesse d'Orléans, survenue en mettant au monde celle qui allait être la Grande Mademoiselle, devait pourtant plus tard inciter Louis XIV à appeler auprès de Madame de Montespan et de Madame la Dauphine le chirurgien Clément. Le règne des accoucheurs, jusque là écartés pour des raisons de décence, commence.

 

Sources

- Récit véritable de la naissance de Messeigneurs et Dames les enfans de France Louise boursier

- Instruction à ma fille Louise Boursier