Famille BECQUEREL

Une lignée de scientifiques d'exception

Famille de physiciens français qui se sont illustrés aux XIXème et XXème siècles, notamment par leurs études des phénomènes électriques et radioactifs. Les quatre Becquerel ont tous étés polytechniciens (sauf Edmond qui reçu, préféra démissionner pour travailler immédiatement avec son père) et tous quatre professeurs de physique au Muséum national d’Histoire Naturelle (Jardin des Plantes).

Antoine-César Becquerel 1788 - 1878

Antoine-César Becquerel Antoine-César Becquerelest né à Châtillon-Coligny (appelé autrefois Chatillon-sur-Loing) dans le Loiret, le 7 mars 1788, ancien élève de l'École polytechnique (promotion 1806), Antoine-César Becquerel débute sa carrière comme officier du génie (campagnes d'Espagne et de France), mais se détourne rapidement de ce poste pour se consacrer à l'étude des phénomènes électriques. Ses contributions scientifiques en électricité sont immenses. En 1819, il découvre sur les cristaux l'effet piézoélectrique : apparition d'un potentiel électrique sur certaines des faces de ces cristaux, lorsqu'ils sont soumis à des pressions mécaniques et donne en 1823 les lois fondamentales des phénomènes thermoélectriques. En 1827, il est le premier à mettre en évidence le diamagnétisme, type particulier de magnétisme. Il invente en 1829 la pile à deux liquides et, en 1839, la pile photovoltaïque ou pile solaire, mais étudie également l'électrolyse et les forces électrocapillaires.

Membre de l’Académie des Sciences en 1829. En 1838, il est élu président de l'Académie des Sciences et devient Professeur au Muséum, titulaire de la Chaire de Sciences physiques appliquées aux Sciences naturelles, créée par décision de la Chambre des députés le 24 juillet 1838.

Il s'installe avec sa famille au 57 de la rue Cuvier à Paris et y aménage son laboratoire où lui-même, son fils Edmond (1820-1891), son petit-fils Henri (1852-1906) et son arrière petit-fils Jean (1878-1953) travailleront.

C'est dans ce laboratoire qu'il poursuit ses recherches :
- travaux publiés en 1841, sur la température des tissus des êtres vivants et des sangs artériel et veineux (chez l'homme et les animaux).
- travaux en 1844, sur l'existence de courants électriques entre des terrains de différentes natures
- essais en 1844 de télégraphie électrique.
- en 1846, il met au point la première pile à chlorure d'argent.
- en 1848 son intérêt se porte sur les manifestations électriques dans la contraction des muscles.
- en 1850, il conçoit des procédés de dépôts épais de nickel et de cobalt sur d'autres métaux afin de les préserver de l'oxydation; ce qui a des effets immédiats dans l'industrie des métaux.
- il s'intéresse à la météorologie.
- en 1866, à la suite d'une manipulation maladroite, mettant en jeu une solution d'un sel de cuivre dans un tube scellé mais fendu, plongé dans une solution de monosulfure de sodium, il découvre le phénomène de l'électrocapillaritéElectrocapillarité qui consiste en la cristallisation d'un élément métallique dans des espaces étroits tels que des fentes et des pores..

Il se prend de passion pour les minéraux phosphorescents qu’il collectionne, ce qui jouera un rôle non négligeable dans la découverte de la radioactivité par son petit-fils.

Antoine-César Becquerel est mort à Paris le 18 janvier 1878, âgé de 90 ans.

Alexandre-Edmond (dit Edmond) Becquerel 1820 - 1891

Alexandre Edmond Becquerel est né à Paris le 24 mars 1820, il est le second fils d'Antoine-César Becquerel (son frère Louis était l'aîné). Alexandre-Edmond BecquerelDès sa plus tendre enfance il reçoit une éducation scientifique de très grande qualité. Excellent élève au lycée Bourbon (l'actuel Lycée Condorcet) il est admis en 1837 à l'École Normale Supérieure puis à l'École Polytechnique l'année suivante, mais il préféra devenir l'assistant de son père, professeur de physique au Muséum d'Histoire Naturelle.

Dès 1839, Edmond s'intéresse, avec son père, en collaboration avec le physicien français Jean-Baptiste Biot, à la phosphorescence produite par la lumière électrique et à l'étude de la spectroscopie, parvenant à obtenir grâce à la photographie une reproduction de la partie ultraviolette du spectre solaire. Par ailleurs il s’intéresse, comme Arago, aux méthodes de photographie de Daguerre : les appliquant aux phénomènes de fluorescence, il ouvrira lui aussi la voie à la découverte de la radioactivité par son fils Henri. En 1843,il utiliser le galvanomètre différentiel, inventé par son père, pour généraliser la loi de Joule aux liquides. En 1844, devançant le physicien et chimiste anglais Michael Faraday, il énonce la loi fondamentale de la décomposition électrolytique des sels à formule complexe, qui trouve une application industrielle immédiate dans l'électrométallurgie.

De 1846 à 1855, il étudia l'action du magnétisme sur tous les corps : c'est ainsi qu'il établit que les corps subissent plus ou moins intensément l'influence d'un aimant, que celle-là soit attractive ou répulsive. Il occupe la chaire de Physique appliquée au Conservatoire des Arts et métiers de Paris à partir de fin 1852. Là :
- il explique que les gaz, isolants à température ambiante, deviennent conducteurs lorsqu'on les chauffe;
- il est possible de déterminer des températures très élevées par des méthodes thermoélectriques; permettant ainsi d'évaluer la température des corps incandescents en étudiant la lumière irradiée;
- il étudie les pouvoirs thermoélectriques des métaux et met au point une pile électrique à l'aide du couple sulfure de cuivre-maillechort qui développe une force électromotrice d'un tiers de volt.
- ses travaux majeurs concernent la luminescence et la phosphorescenceLa luminescence est la propriété que possèdent certains corps d'absorber de l'énergie, sous forme de lumière solaire, par exemple, et de la réémettre ensuite sous forme de rayonnement. On parle de fluorescence lorsque la luminescence se produit au cours de l'excitation. Si la luminescence persiste pendant un certain temps, on parle de phosphorescence.. Phosphorescence et fluorescence sont des phénomènes physiques qui ont de tout temps préoccupé les Becquerel.

En 1857, Edmond Becquerel publie certains de ses travaux sur les modes de préparation de matériaux phosphorescents tels que les sulfures de baryum, de strontium et de calcium qui doivent leur propriété à la présence d'impuretés. En 1866, il effectue les premières mesures de température à l'aide de la pile thermoélectrique. En 1869, Edmond publie un énorme ouvrage, en deux tomes, intitulé "La lumière, ses causes et ses effets". L'uranium, auquel s'intéresse Edmond Becquerel, n'existe pas en tant que métal à l'état libre dans les minerais.

Membre de l’Académie des Sciences en 1863, à la suite de son père, Antoine-César Becquerel, il devient professeur de Physique au Muséum National d'Histoire naturelle en 1878 et président de l'Académie des Sciences en 1880.

Alexandre Edmond Becquerel est mort à Paris le 11 mai 1891.

Nobel medalAntoine-Henri Becquerel 1852 - 1908
Physicien français, père par hasard de la radioactivité

Antoine Henri Becquerel est né à Paris le 15 décembre 1852, il est le fils d'Alexandre-Edmond et le petits-fils d'Antoine-César Becquerel, tous deux physiciens ayant développé l’étude de la phosphorescence au laboratoire de physique du Muséum d’Histoire naturelle. Elevé dans les dédales du Muséum, Henri Becquerel s'imprègne jour après jour des leçons de son père et de son grand-père. Suivant fidèlement leurs traces; il fait ses études à l'École polytechnique en 1872, puis à l'école des Ponts et Chaussées. Antoine-Henri Becquerel

Le 15 janvier 1877, il épouse Lucie Marie Zoé Jamin, la fille de son professeur de physique à l'École Polytechnique, Jules Célestin Jamin. De cette union naîtra un fils, Jean, le 17 février 1878. Ce bonheur sera de courte durée, car son épouse, qui se remet difficilement de ses couches, décède le 16 mars suivant, à l'âge de 21 ans. Son malheur le plonge dans une activité hors du commun, de recherche et d'enseignement.

Ses qualités, reconnues, font qu'il est nommé le 26 octobre 1882, répétiteur adjoint de physique à l'École Polytechnique. Il poursuit ses travaux sur la polarisation rotatoire magnétique, ainsi que sur les variations des spectres d'absorption de la lumière.

La qualité de ses recherches lui permettent de soutenir sa thèse de doctorat d'État ès sciences physiques le 15 mars 1888. Son travail énorme et incontesté sur l'étude des phénomènes de phosphorescence et des spectres d'absorption de la lumière le conduit à l'honneur d'être reçu, le 27 mai 1889 à l'âge de 36 ans, membre de l'Académie des Sciences où siège déjà son père Edmond.

Le 2 avril 1890, la mère de Henri décède, il doit donc s'occuper seul de son fils Jean, âgé de 12 ans. A la même époque, Henri rencontre Louise Désirée Lorieux habitant chez ses parents à Paris, née à Nantes le 3 novembre 1864, donc de douze ans sa cadette. Il l'épouse le 14 août 1890. Elle est la bienvenue pour participer à l'éducation de Jean, au domicile des Becquerel, 57 rue Cuvier, d'autant plus que Edmond père décède quelque neuf mois plus tard. La famille s'installe alors boulevard Saint-Germain.

Après le décès de son père, en 1892 il devient professeur au Muséum National d'Histoire naturelle où il était l'assistant de son père,occupant la chaire que son père et son grand-père ont précédemment tenue; ainsi que professeur au Conservatoire des Arts et Métiers; il est également professeur de physique à l'École polytechnique le 25 janvier 1895.

Comme son fils Jean, s’en fit l’écho plus tard: Antoine-Henri Becquerel "disait que les travaux qui depuis une soixantaine d’années s’étaient succédés dans ce même laboratoire formaient une chaîne qui devait fatalement, quand l’heure serait propice, aboutir à la radioactivité". Ce moment arriva lorsque, le 20 janvier 1896, Henri Poincaré présenta avec enthousiasme à l’Académie des sciences l’extraordinaire découverte des rayons X faite par le physicien allemand Wilhelm Conrad Röntgen.

Après vint ans de recherche pure; la même année, il découvre accidentellement le phénomène de la radioactivité au cours de ses recherches sur la fluorescence des cristaux. Ayant placé des sels d'uranium de soufre et de potassium, sur une plaque photographique dans un lieu sombre, Becquerel s'aperçoit que la plaque a noirci, faisant apparaître une silhouette des minéraux. Le 24 février 1896, il annonçait à l’Académie que la phosphorescence s’accompagnait parfois d’émission de rayons X. Le 26 février 1896, alors qu’il commençait une nouvelle expérience, le temps devint nuageux, ce qui empêchait que l’échantillon préparé soit exposé aux rayons ultraviolets solaires, causes de sa phosphorescence. Ce phénomène prouve que l'uranium présente une propriété particulière qu'il appelle "activité radiante" et avoue ignorer tout de ce nouveau rayonnement. Becquerel venait de découvrir ce que, deux ans plus tard, Marie Curie dénommera la radioactivité. Becquerel mène aussi d'importantes recherches sur la phosphorescence, la spectroscopie infrarouge et l'absorption de la lumière par les cristaux. Enfin l’étude du rayonnement de l’uranium soumis à un champ magnétique montre qu’il est composé de trois catégories distinctes : les rayons alpha, bêta et gamma.

Becquerel présenta rapidement sa découverte en s’étonnant surtout de l’apparente absence de "cause excitatrice". Sans atteindre le succès médiatique des rayons X, la découverte des "rayons de Becquerel" fit immédiatement le tour des laboratoires européens, qui se mirent tous à étudier cet extraordinaire phénomène. Becquerel lui-même continua ses travaux avec différents composés d’uranium et montra que les invisibles rayons pouvaient décharger un électroscope. L’année suivante et à quelques centaines de mètres du laboratoire de Becquerel, Marie Curie commençait son travail de thèse sur l’étude des rayons uraniques. Ces premiers résultats sont présentés à l'Académie des sciences le 18 avril 1898, et c'est précisément pour qualifier cette propriété que présentent certains éléments chimiques lourds d'émettre un rayonnement que Marie Curie propose le nom de radioactivité.

Henri Becquerel et la famille Curie
Henri Becquerel à gauche avec Pierre et Marie Curie

 

Henri Becquerel reprend ses études, avec des échantillons que Pierre Curie lui remet : quelques centigrammes de sulfure de bismuth contenant du polonium et également quelques centigrammes de carbonate de baryum contenant du radium. Il met ainsi en évidence que ces substances émettent des rayonnements de natures différentes. A la séance du lundi 27 mars 1899, à l'Académie des sciences, Becquerel présente ses résultats et évoque les travaux d'un jeune physicien anglais d'origine néo-zélandaise, Ernest Rutherford, qui vient d'achever sa thèse à Cambridge sous la direction de Joseph John Thomson, travaux qui portent sur la découverte de deux rayonnements différents, l'un très absorbable, qu'il appelle a et l'autre plus pénétrant qu'il nomme b.Antoine-Henri Becquerel

En juillet 1900, Becquerel constate que ses tentatives de purification de l'uranium conduisent à un produit de moins en moins actif, ce qui lui pose bien évidemment problème. Il en déduit que l'uranium présente éventuellement une activité qui lui est propre, ou qu'il est inactif à l'état pur, son activité provenant de l'intervention d'une impureté qu'il élimine progressivement dans l'opération de purification.

Le 3 avril 1901, Henri Becquerel fait à son corps défendant l'expérience de la nocivité de l'action des rayonnements du radium sur le corps humain. Se rendant à une conférence qu'il doit présenter, il emporte avec lui dans la poche de son gilet un tube en verre scellé contenant quelques décigrammes d'un sel de radium très actif, que lui a remis pour l'occasion Pierre Curie. Il estimera après coup, la durée du port du tube à 6 heures. C'est après une quinzaine de jours, que Becquerel découvre une inflammation importante de sa peau à l'emplacement de la poche de son gilet. La plaie ne se refermera que sept semaines après l'irradiation laissant une cicatrice indélébile. Il semble que Pierre Curie ait entrepris, volontairement, la même expérience, qui eut bien évidemment les mêmes effets. En fait les brûlures constatées n'étonnent pas les médecins qui connaissent déjà les effets semblables produits par les rayons X. A partir de 1901, dans tous les pays, le monde scientifique s'intéresse aux conséquences biologiques et médicales de la radioactivité. Louis Matout, le préparateur de Becquerel, met en évidence l'altération de la germination des graines par les radiations émises par le radium.

Le 14 novembre 1903, il partage le prix Nobel de physique avec Pierre et Marie Curie pour leurs travaux sur la radioactivité, résumés dans un ouvrage intitulé : "Recherches sur une propriété nouvelle de la matière : activité radiante spontanée de la matière". Son nom reste attaché à une unité d'activité nucléaire, le becquerel. Parmi ses principaux ouvrages, il faut citer "Recherches sur la phosphorescence" (1882-1897) et "Découverte des radiations invisibles émises par l'uranium" (1896-1897).

Moins bien connu que Pierre et Marie Curie avec lesquels il partagea pourtant le premier prix Nobel français de physique en 1903, Henri Becquerel se sentait redevable de sa découverte de la radioactivité de l'uranium à son père Edmond et à son grand-père Antoine-César qui se sont transmis de père en fils un héritage scientifique couronné par l'attribution du prix Nobel. Il obtient le prix et la médaille Rumford de Londres en 1900.

Après une brève maladie, Antoine-Henri Becquerel, qui n'a pas encore atteint ses 56 ans, décède le lundi 24 août 1908, dans sa résidence d'été au Croisic, alors qu'il venait d'être nommé le 29 juin 1908, Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences. Il est inhumé auprès de son grand-père à Chatillon-Coligny dans le Loiret.

Jean-Antoine-Edmond Becquerel (1878-1953)

Jean Becquerel Jean-Antoine Becquerelest né à Parisle 17 février 1878, ancien élève de l'école Polytechnique (promotion 1897), il succède à son père Henri Becquerel à la chaire de physique appliquée du Muséum national d'histoire naturelle. Poursuivant les travaux de son père, il porte ses recherches sur l'étude des propriétés optiques et magnétiques des cristaux à très basse température.

comme son père et son arrière-grand-père ancien, lui aussi est élève de Polytechnique (promotion 1897), ingénieur des Ponts et Chaussées, et de plus académicien et titulaire de la Chaire de Physique appliquée au Muséum d’Histoire Naturelle en 1909 à la mort de son père, élu membre de l’Académie des Sciences en 1946. Il est professeur de physique à Polytechnique en 1920, et son cours est le premier à mentionner la théorie de la relativité.

Jean Becquerel est mort, sans descendance, au Pornichet le 4 juillet 1953.

Sources

• Ecole Polytechnique

• Encyclopédie du savoir relatif et absolu : Famille Becquerel par Michel Barquins