Josef Léopold AUENBRUGGER

1722-1809

Médecin autrichien, inventeur de la percussion

Ecouter les sons du corps fut une avance révolutionnaire dans la possibilité pour les médecins de faire un diagnostic. Josef Léopold Auenbrugger inventa un précieux procédé d’examen: la percussion, en 1754, alors que le français Laënnec inventa le stéthoscope en 1816. Tous deux furent précédés par l'italien Giovanni Maria Lancisi qui fut le premier à décrire la percussion de l'os du thorax.

Josef Léopold Auenbrugger est né le 19 novembre 1722 à Graz en Autriche. Il était le fils d'un riche aubergiste qui mourrut alors que Leopold était encore très jeune. Il reçut son enseignement médical à l'Université de Vienne, où un de ses professeurs était Gerhard van Swieten (1700-1772), qui, par une série de réformes avait fait de la faculté de médecine une des plus importantes en Europe. Il reçut son diplôme le 18 novembre 1752.

Auenbrugger a été tellement influencé par son professeur qu' il a consacré un de ses livres à van Swieten. C'est un livre édité en 1776 dans lequel Auenbrugger suggère le camphre comme traitement pour une forme spéciale de manie.

De 1751 à 1758 Auenbrugger travailla en tant que médecin auxiliaire à l'Hôpital militaire Espagnol, mais ne reçut aucun salaire jusqu'en 1755. En raison de son travail à l'hôpital, en 1757 Empress Maria Theresia demanda à la Faculté de Médecine de l'admettre en tant que membre sans honoraires. De 1758 à 1762 il fut médecin en chef à l'Hôpital Espagnol, dans lequel il acquit l'expérience du diagnostic des maladies du thorax. Après être parti de l'Hôpital Espagnol Auenbrugger est devenu un des médecins les plus brillants de Vienne. Léopold Auenbrugger

C'est en 1754, alors qu'il travaillait toujours en tant que volontaire à l'hôpital, qu'Auenbrugger conçut la méthode de la percussion du thorax afin de pouvoir juger l'état des organes fondamentaux sur la base du bruit. En 1781 Auenbrugger écrivit le livret pour l'opéra comique Der Rauchfangkehrer par Antonio Salieri (1750-1825), et fut assurément aidé dans le développement de sa technique diagnostique par sa connaissance musicale, qui lui a permis de percevoir des différences dans la tonalité quand le thorax est tapoté. Pendant sept ans il observa les changements de la tonalité provoquée par les maladies des poumons ou du cœur chez les patients de l'Hôpital Espagnol de Vienne, vérifiant et contrôlant ses résultats par des dissections de cadavres et par des expérimentations. Il essaya de prouver ses théories de bruit assourdi en utilisant des tonneaux, qu'il rempli jusqu'à divers niveaux, et en tapant sur les corps qu'il avait remplis de liquides. Ayant remarqué que son père savait juger le contenu de ses tonneaux en les frappant d’un maillet, les sons rendus étant différents suivant le volume de liquide contenu, il eut l’idée d’appliquer le procédé à l’exploration de la cage thoracique.Auenbrugger latin

Auenbrugger a publié sa découverte à Vienne en 1761 dans un livre intitulé : "Inventum Novum ex percussione thoracis humani ut signo abstrusos interni pectoris morbos detegendi".
Il y décrit quels bruits sont caractéristiques dans différentes maladies de la poitrine. Si l'on tape du bout du doigt sur une poitrine saine, on percevra un bruit comme celui d'un tambour. En comparant des sujets atteints d’affections pulmonaires, il perçut des sons de nature différentes: élevés ou mats lorsque l’organe était plein (épanchements), graves et tympaniques lorsqu’il était creux (collections gazeuses), liés donc au volume de l’air contenu.

Ce petit livre est aujourd'hui reconnu comme étant un des plus grands classiques de la littérature médicale.

Six mois plus tard il publia un livre sur les affections pulmonaires chez les ouvriers des carrières de pierre.

Bien que sa découverte ait été extrêmement importante et soit aujourd'hui toujours une méthode diagnostique de base, elle a peu suscité d'attention dans le monde médical. Maximilian Stoll (1742-1788), directeur de la clinique médicale à l'Hôpital Espagnol à Vienne, essaya la nouvelle méthode et l'a félicité dans un de ses livres.

A l'époque, l'invention d'Auenbrugger a tout juste passé les murs de la ville de Vienne. Le livre a été cité dans plusieurs journaux, la première mention étant probablement celui d'Oliver Goldsmith dans le London Public Ledger du 27 août 1861. En 1762 Albrecht von Haller (1708-1777) attira l'attention sur "ce travail important" dans sa revue Göttingische Anzeigen von Gelehrten Sachen. La traduction en français qu'en fit pour la première fois Rozière de la Chassagne en 1770, n'attira pas davantage l'attention. Le premier médecin de Vienne à prendre l'invention d'Auenbrugger au sérieux fut l'anatomiste Johann Ludwig Gasser (1723-1765), qui a testé la méthode de la percussion d'Auenbrugger sur des cadavres et a confirmé sa valeur. Malheureusement, Gasser est mort avant qu'il ait pu éditer ses résultats. Ce qui a été fait par Michael Jules Ganter en 1764.

Cependant, plus influente que ces références positives, fut l'opinion de Rudolph Augustin Vogel (1724-1774), qui ne trouvait rien de nouveau dans le "Novum Inventum". Il prétendit seulement y reconnaître Hippocratis.

Van Swieten et Anton de Haen (1704-1776), le chef de la Clinique de Vienne, ne mentionna jamais la percussion d'Auenbrugger, pas même lors de discussions sur les maladies de la poitrine, mais Maximilian Stoll, successeur de de Haen's, la décrivit lui dans ses publications et l'enseigna systématiquement au chevet du malade. La diffusion de la technique d'Auenbrugger fut interrompue par la mort prématurée de Stoll; ses successeurs Jakob von Reinlein (1744-1816) et Johann Peter Frank (1745-1821) ne firent rien pour continuer son travail.

Néanmoins, la percussion fut employée comme outil diagnostique avant 1800. Heinrich Callisen (1740-1824), un chirurgien de Copenhague, a rapporté plusieurs observations obtenues par la percussion dans son System der Wundarzneikunst (1788); et le chirurgien parisien Raphael Bienvenu Sabatier (1732-1811) l'a employé. La percussion a été pratiquée et enseignée dans plusieurs universités allemandes, y compris Halle, Wittenberg, Würzburg, et Rostock.

L’usage Auenbrugger Françaisde la percussion ne se répandit réellement que grâce à la vulgarisation qu’en fit en 1808 le baron Jean-Nicolas Corvisart des Marets, médecin favori de Napoléon Bonaparte. En lisant un des livres de Stoll il y trouva une référence à la découverte d'Auenbrugger, étudia la méthode pendant plusieurs années et l'enseigna à ses étudiants. Corvisart traduisit le traité d'Auenbrugger du latin, et le publia avec ses annotations en 1808, un an avant la mort d'Auenbrugger sous le titre : “Nouvelle méthode pour reconnaître les maladies internes de la poitrine par la percussion de cette cavité”.

Auenbrugger en décrit minutieusement la technique qui doit être rigoureuse pour être fructueuse: “Percuti, verius pulsari thorax debet adductis ad se mutuo, et in rectum potensis digitorum apicibus lente, atque leniter…Hominem cujus thoracem percutare voles, primo in naturali respiratione permittes; jube dein utaerem inspiratum retineat.”

L’inventeur, qui se borne encore à la percussion de la cage thoracique, en détaille avec soin les résultats chez le sujet normal et à l’état pathologique; il en donne l’interprétation dans les éventualités les plus diverses et en établit la correspondance pathologique. Il s’attache toujours plus au cas de la matité qu’à celui du tympanisme, à celui des condensations qu’à celui des épanchements de la plèvre.

Qu’il s’agisse de percussion digitale immédiate, ou médiate à l’aide d’un plessimètre comme le proposera Piorry en 1828, la méthode était d’une séduisante simplicité. Elle était appelée à la plus grande diffusion et inaugurait une ère nouvelle en médecine: celle de l’exploration séméiologique physique, que Laënnec devait compléter et porter à son plus haut niveau en créant l’auscultation. On se mit dès lors à “examiner” les malades au lieu de se borner à les observer. Rendant hommage au fondateur de la percussion l’inventeur du sthétoscope dira lui-même “qu’avant la découverte d’Auenbrugger, la moitié des péripneumonies et des pleurésies aiguës et presque toutes les pleurésies chroniques devaient nécessairement être méconnues.”

Le 12 novembre 1783, Auenbrugger fut anobli pour ses contributions à la médecine par l'empereur Joseph II. Depuis cette date son nom devint : Joseph Leopold Auenbrugger, Edler von Auenbrugg.

Léopold Auenbrugger est décédé à Vienne le 18 mai 1809.