Le Nouveau Monde : les grands personnages

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Mary Ann Shadd Cary

1823-1893

Enseignante, rédactrice de Journal, Défenseur des Droits Civils, Avocate

Combattante des premières heures des droits des femmes et de l'abolition de l'esclavage, Mary Ann Shadd Cary fut la première noire à publier un hebdomadaire au Canada.

Mary Ann Shadd est née citoyenne libre le 9 octobre 1823 à Wilmington, dans le Delaware, aux Etats-Unis, elle est l'aînée d'une famille de treize enfants. Comme l'école était interdite aux noirs en Delaware, la famille se rend en Pennsylvanie en 1833 où Mary Ann suit les cours d'une école Quaker jusqu'en 1839. Les 12 années suivantes elle enseigne à des enfants noirs en Delaware, à New-York et en Pennsylvanie.

"Fugitive Slave Act" de 1850

En 1850, le Congrès américain vote le "Fugitive Slave Act" qui autorise les Blancs à arrêter et à détenir n'importe quel Noir suspecté d'être un esclave en fuite. Même ceux qui étaient nés libres couraient le risque d'être capturés et, faute de preuves, réduits en esclavage. Des milliers d'Africains fuirent les Etats du Nord. Nombre d'entre eux prennent la direction du Canada. Ce spectaculaire mouvement de réfugiés est connu sous le nom de "chemin de fer clandestin". On estime qu'entre 1820 et 1860, 20 000 personnes se sont établies au Canada. Lorsqu'elle était enfant, la cordonnerie de son père abritait une partie du chemin de fer clandestin.

Le chemin de fer clandestin

Lorsque Mary Ann Shadd est venue au Canada, avec son frère Isaac, en provenance des États-Unis, elle a voyagé par le chemin de fer. Mais contrairement aux nombreux esclaves fugitifs noirs qui sont venus au Canada par le chemin de fer clandestin, Mary Ann Shadd a fait le voyage sans contrainte et non pour acquérir sa liberté.

Le chemin de fer clandestin n'était pas un véritable chemin de fer, mais un réseau secret de personnes et de maisons sûres établi pour aider les Noirs à s'enfuir de plusieurs États américains où ils étaient esclaves et à venir s'établir dans d'autres États, ou au Canada. L'organisation utilisait des mots du vocabulaire ferroviaire pour décrire le rôle des personnes qui faisaient partie du réseau et aidaient les fugitifs le long de leur route. Par exemple, la famille de Mary Ann Shadd servait de « station » ou de point de correspondance le long de l'itinéraire de la liberté. Les « conducteurs » aidaient les fugitifs en les cachant pour qu'ils ne soient pas repris par leurs maîtres. Les conducteurs faisaient passer leurs « passagers » ou « marchandises » d'une station à une autre.

Le chemin de fer clandestin a été mis en branle dans les années 1780, mais n'a été désigné sous ce nom que dans les années 1830. Aux États-Unis, les conducteurs étaient également des abolitionnistes. Ils croyaient que l'esclavage était immoral et devait être aboli. Un grand nombre d'entre eux étaient des quakers et des méthodistes. Selon la légende, ce sont les quakers de la Pennsylvanie qui ont créé le chemin de fer clandestin.

Le chemin de fer clandestin a donné naissance à plusieurs mythes. Le nombre de fugitifs qui l'ont emprunté n'est pas aussi élevé qu'on le dit, ni le nombre de Blancs qui faisaient partie du réseau. La plupart des esclaves fugitifs ont trouvé la liberté dans des États du Nord de l'Amérique. Le nombre d'esclaves qui sont venus au Canada se situe à près de 30 000.

L'activité du chemin de fer a atteint son point culminant dans les années 1840 à 1860, particulièrement après l'adoption de la Fugitive Slave Act en 1850 aux États-Unis.

L'un des conducteurs les plus connus du chemin de fer clandestin s'appelait Harriet Tubman. Elle a conduit plus de 300 esclaves noirs vers la liberté au Canada et tous ses « passagers » sont arrivés sains et saufs à sa « station », soit St. Catharines au Canada. Elle était tellement efficace qu'un groupe de propriétaires de plantations a offert une prime de 40 000 $ pour sa capture(5), mais elle ne s'est jamais fait prendre.

Un autre conducteur, le révérend Calvin Fairbank, a tenu un journal dans lequel il décrivait la façon dont il organisait le transport de certains de ses passagers vers la liberté.

En voyageant par le chemin de fer clandestin, les esclaves noirs commençaient un périple rempli d'incertitudes, où ils devaient payer lourdement de leur personne, pour courir la chance, même mince, d'accéder à la liberté.

Premières publications

Elle déménage à Windsor dans l'Ontario, dans le Haut-Canada pour rejoindre Henry et Mary Bibb, fondateurs du premier "journal noir" du Canada, Voice of the Fugitive. Elle devient également un des chefs de file du mouvement d'émigration, cachant chez elle de nombreux fugitifs.

En 1851, elle y crée une école pour recevoir l'afflux des réfugiés noirs des États-Unis, et devient enseignante et militante au sein du mouvement abolitionniste. L'esclavage était aboli au Canada depuis 1834, et le Haut-Canada était un refuge pour cette population noire nouvellement libre. Mary Ann sentait que son peuple était prêt pour l'idée d'intégration. Mary Ann Shadd Cary

En 1852, elle publie A Plea for Emigration ou Notes of Canada West, ouvrage dans lequel elle présente le Canada comme un pays refuge, non seulement pour les esclaves fugitifs, mais aussi pour les Afro-américains nés libres, en butte à un nombre toujours croissant de restrictions dans les États du Nord des Etats-Unis. Cette brochure a largeùent été diffusée aux Etats-Unis. Grande oratrice, elle attire rapidement de nombreux adeptes, mais son franc-parler ne tarde pas à lui causer des ennuis. Une querelle avec les Bibb au sujet des écoles réservées aux Noirs, qui alimente les pages du Voice of the Fugitive, lui coûte son poste d'enseignante.

Mary Ann Shadd rédactrice de presse.

Mary Ann Shadd décide alors de créer son propre hebdomadaire afin de contrôler la diffusion de ses idées. Elle fonde le Provincial Freeman qui paraît pour la première fois le 24 mars 1853, à Toronto au Canada-Ouest, c'est un hebdomadaire qui rapporte la vie des Noirs canadiens et sert à promouvoir la cause des réfugiés noirs au Canada. Elle est la première Noire en Amérique du Nord à publier un journal hebdomadaire, Mme Shadd complète ses efforts et ses éditoriaux antiesclavagistes par des articles sur les femmes et leurs contributions. À une époque où il était encore inhabituel pour des femmes de parler en public, Mme Shadd prononçait souvent des conférences aux États-Unis contre l'esclavage et en faveur de l'émigration noire au Canada afin de faire survivre son journal. Malgré ses efforts, le Provincial Freeman est victime de la dépression économique de l'époque, et cesse d'être publié en 1860.

En 1856 Mary Shadd épouse un coiffeur de Toronto, Thomas F. Cary. Peu de chose sont connues de ses années de mariage.

En 1858, John Brown tient une convention secrète au domicile de son frère Isaacqui éleva la responsabilité de Mary Annpour la cause anti-esclavage.

En 1861, elle publie "Voice from Harper's Ferry", un hommage à la tentative infructueuse de John Brown.

Mary Ann Shadd était considérée par certains comme "rebelle" à cause de son insistance sur l'intégration. À l'époque, les Blancs et les Noirs croyaient que leurs communautés respectives avait un statut égal, mais distinct. Malgré ses puissants opposants, Mary Ann fonde sa propre école privée qui, pour la première fois, est ouverte aux enfants de toutes les couleurs. Elle croit que chaque personne a un potentiel égal pour réussir et que l'instruction, le travail acharné et la confiance en soi sont les clés de cette égalité. Le modèle de tolérance de Mary Ann Shadd a ouvert la voie à la mosaÏque canadienne.

De retour aux Etats-Unis, elle recrute pour l'Union

Après le décès de son mari Thomas F. Cary en 1860, Mary Ann quitte le Canada avec ses deux enfants et devient recruteur de soldats noirs pour l'armée de l'Union durant la guerre de Sécession. Plus tard elle s'installe avec sa sœur Elisabeth à Washington DC, où elle enseignera pendant 15 ans dans une école ûblique eyt à Howard University.

Avocate à 60 ans

En juin 1883, à 60 ans, elle obtient un diplôme de droit de l'Université de Harward, afin de pouvoir poursuivre son combat pour les droits des Noirs et des femmes. Elle devient une des premières avocates d'origine africaine à Washington D.C. À la fin de sa vie, elle donne un nombre croissant de conférences et participe activement à la lutte pour l'égalité des femmes et l'obtention du droit de vote.

Mary Ann Shadd Cary est morte le 5 juin 1893.

Cette femme qui savait repousser les limites, en s'affranchissant des restrictions que l'on imposait à sa race et à son sexe, a eu droit à un hommage posthume : le titre de "personne d'importance historique nationale au Canada" lui a été décerné

Elle adopta la cause de l'abolition de l'esclavage et de l'instruction des Noirs, et lutta contre les ségrégationnistes du Haut-Canada. L'héritage le plus durable qu'elle a laissé est l'intégration d'hommes et de femmes libres partageant la croyance que les fondements d'une collectivité devraient être la famille et les amis, non pas la race ou la couleur.

Pour en savoir plus

- The Black Canadians, Their History and Contributions, par Velma Carter and Levero Carter (Edmonton: Reidmore Books Inc., 1989).