Christiaan Neethling BARNARD

1922 - 2001

Chirurgien cardiaque sud-africain

C'est en Afrique du Sud, le 3 décembre 1967, que Chrstiaan BARNARD, un chirurgien aux allures de jeune premier, réalisa la première greffe du cœur sur l'homme.

Christiaan Neethling Barnard, est né le 8 novembre 1922 et a grandi à Beaufort West, près du Cap, en Afrique du Sud. D'origine modeste, il est le fils d'Adam Hendrik Barnard pasteur de l'Église réformée hollandaise et de Maria Elizabeth de Swart, femme ambitieuse pour ses enfants ( "I expect you to be first - not second, or third, but first."), et organiste à l'église.

En 1940, il est diplômé du collège Beaufort West High School. La mort d'Abraham, un des frères de Christiaan, décédé en bas âge d'une affection cardiaque, serait à l'origine de sa vocation médicale.

Début de carrière

Christian BarnardIl étudie à la Faculté de Médecine de l'Université du Cap et fit son internat puis son résidanat au Groote Schuur Hospital du Cap. En 1945, il obtient le titre de Docteur en médecine de la même université après avoir soutenu une thèse intitulée "Le traitement de la méningite tuberculeuse".

Il commença ensuite une carrière de médecin généraliste à Ceres, (de 1946 à 1951), une petite bourgade rurale de l'ouest de la province du Cap. Puis il s'engage bientôt dans la carrière chirurgicale, à l'hôpital de Cape Town et poursuit sa formation. Il obtiendra en 1956 une bourse lui permettant de se rendre aux États-Unis à l'université du Minnesota à Minneapolis où il devient l'élève du célèbre chirurgien, le professeur Owen H. Wangensteen. Après de premières recherches dans le domaine digestif, il s'oriente vers la chirurgie cardiaque. C'est en participant à des opérations de chirurgie cardio-thoracique auprès de C. Walton Lillehei à Minneapolis qu'il décida d'en faire sa spécialité. Là, il fait connaissance avec Norman Shunway qui a déjà fait beaucoup de recherche avant-gardiste menant à la transplantation cardiaque humaine. En 1958, Barnard rest diplômé d'un "Master of Science in Surgery" pour une thèse intitulée  "La valve aortique - problèmes dans la fabrication et les essais d'une prothèse valvulaire". La même année, il est reçu à un doctorat en philosophie pour sa thèse intitulée "L'étiologie de l'atrésie intestinale congénitale". Barnard a décrit les deux années qu'il a passées aux États-Unis comme «le moment le plus passionnant de ma vie".

Les pionniers américains de la transplantation cardiaque, après une dizaine d'années d'expérimentations de transplantations de cœur sur les animaux, ne pouvaient les réaliser sur l'homme car la législation américaine définissait la mort par l'arrêt du cœur sans reconnaître la mort cérébrale.

De retour à l'université médicale du Cap en 1958, il poursuit des travaux expérimentaux sur l'animal et deviendra chef du département de chirurgie cardiothoracique en 1961, à l'hôpital Groote Schuur. Il est promu professeur à plein temps et trois ans plus tard directeur de recherche en chirurgie à l'Université de Cape Town. Son jeune frère Marius Barnard, devient son bras droit au département de chirurgie cardiaque.

Après le succès de la première greffe de rein en 1953, aux États-Unis, Barnard a effectué la première greffe de rein en Afrique du Sud en Octobre 1967.

En décembre 1967, il avait réalisé des greffes cardiaques sur 48 chiens, soit 250 de moins que Norman Shumway et 210 de moins que Kantrowitz qui de plus avaient obtenu de meilleures survies, leurs chiens vivant plus d'une année après l'opération contre 10 jours pour Barnard.

Chez l'homme il s'intéresse au remplacement des valves cardiaques pathologiques par des valves artificielles (dans la Tétralogie de Fallot ou la maladie d'Ebstein). Christiaan Barnard profitera de ces travaux et de la législation sud-africaine plus souple pour envisager de faire des transplantations chez l'homme, les pionniers américains n'imaginant pas qu'il puisse les devancer car il avait juste fait des stages chez eux mais aucune recherche importante sur l'homme.

3 décembre 1967 : première transplantation cardiaque humaine

Ch Barnard chirurgienAu terme de dix années de recherche, il acquiert une renommée mondiale en dirigeant, le 3 décembre 1967, l'équipe qui réalise la première greffe cardiaque humaine orthotopique ( à son emplacement anatomique habituel), à l'hôpital de Groote Schuur du Cap.

Âgé de 55 ans, le patient, Louis Washkansky, diabètique et insuffisant cardiaque a survécu à trois attaques cardiaques. Le staff s'étonne de sa résistance. Il a accepté la greffe en toute connaissance de cause. Christiaan Barnard est admiratif devant le courage et la lutte pour la vie de ce patient qui devrait être mort depuis longtemps.

La donneuse, Denise Darvall une jeune fille de 25 ans, a été victime d'un accident de circulation, dans lequel sa mère est décédée. Denise a le cerveau irrémédiablement endommagé. Son cœur continue de battre grâce à la respiration artificielle. Après que le père de Denise eut consenti au prélèvement d'organes. Son cœur fut greffé à Louis Washkansky. Ses reins ont été greffé à Jonathan van Wyk, un jeune noir âgé de 10 ans; cette dernière greffe souleva une polémique, en plein apartheid, en raison du fait qu'il s'agissait d'un don d'une blanche à un noir.

L'intervention se déroula dans deux salles d'opération distinctes; l'une pour le receveur avec la circulation extra-corporelle, l'autre pour la donneuse. Le cœur malade du receveur est retiré sans difficulté, puis il faut placer le cœur de Denise à la place de celui de Louis, et enfin il faut réaliser les sutures. Plus tard Christiaan Barnard écrira dans ses Mémoires : "Jamais encore je n'avais vu de torse sans cœur, ni de pareil trou, comme s'il existait en permance et que l'homme au torse ouvert, ne fut qu'un objet temporaire, existant brièvement autour du trou. Et de fait, ce n'était pas autre chose, ce que peu d'hommes ont pu voir : un être humain sans cœur mais qui était maintenu en vie par un appareil placé à plus de deux mètres de lui."

Le cœur greffé se met à battre et pour la première fois le cœur d'un être humain bat dans la poitrine d'un autre.

Louis Washkansky survivra dix-huit jours, avant de mourir des suites d'une double pneumonie sans doute induite par le traitement immuno-suppresseur. Pour cette intervention il est assisté par son frère, Marius Barnard, l'opération a duré neuf heures et a nécessité une équipe de trente personnes. Bien que le premier patient avec le cœur d'un autre être humain n'ait survécu qu'un peu plus de deux semaines, Barnard a franchi une étape dans un nouveau domaine : celui de de prolonger chirurgicalement la vie.

Deux polémiques ont surgi autour de cette opération.

- Certains considérèrent Barnard comme un opportuniste ayant injustement volé la gloire et les honneurs à Norman Shumway, chirurgien cardiaque à Stanford. Sans les recherches effectuées par ce dernier, la transplantation n'aurait pas été possible. Barnard effectua son opération historique peu après avoir observé les travaux de recherches de Schumway à Stanford.

Hamilton Naki- Une autre polémique existe sur le rôle exact d'Hamilton Naki lors de cette transplantation : jardinier noir de l'hôpital présenté comme simple laborantin doué pour la vivisection, Naki est, selon le professeur Jean-Noël Fabiani, premier assistant de Barnard en plein apartheid.

"On Saturday, I was a surgeon in South Africa, very little know. On Monday, I was world renowned".
(Christiaan Barnard)

Christiaan Barnard, superstar internationale, homme photogénique, prit rapidement goût à l'attention que lui portèrent les médias dans les suites de l'opération.

Le 2 janvier 1968, Christiaan Barnard et ses collaborateurs récidivent, sur un dentiste du Cap âgé de 58 ans, Philipp Blaiberg qui survivra 594 jours grâce au cœur d'un jeune pêcheur métis victime d'une hémorragie cérébrale.

Dorothy Fisher, transplantée le 17 avril 1969, à l'âge de 40 ans, survécut 24 ans et devint la première femme greffée la plus âgée de l'histoire.

Dirk van Zyl, qui a reçu un cœur nouveau, en 1971, eut la plus longue durée de vie, il a survécu plus de 23 ans.

Ces premières tentatives ouvrent la voie à de nombreuses autres, aux États-Unis et en France notamment, mais avec des résultats relativement décevants dus aux réactions de rejet fréquentes. Il faudra attendre les années 1980 et la mise au point d'un puissant médicament, la ciclosporine A, en prévenant le rejet aigu des allogreffes, pour que les transplantations cardiaques se transforment en succès et deviennent des interventions presque routinières.

Barnard fut aussi un pionnier dans de nouvelles techniques à risques avec par exemple, les doubles transplantations (1974), les valves mécaniques et l'utilisation de greffons cardiaques animaux pour les traitements en urgence (1971). Il effectua 10 transplantations orthotopiques (1967 – 1973), et avec son équipe 48 transplantations hétérotopiques (1975 – 1984).

Il  est promu Professeur de Sciences chirurgicales dans le département de chirurgie de l'Université de Cape Town en 1972 et nommé Professeur émérite en 1984.

Christiaan Barnard fera à nouveau parler de lui en greffant en 1977 un cœur de babouin sur un homme, opération qui se solde par un échec immédiat.

Avec la découverte de la ciclosporine, au début des anéées 1980, médicament qui agit dans le rejet immunologique, le nombre de de greffes explose, la survie des patients est significativement améliorée.

Vie publique

Christiaan Barnard

 

 

Après sa première greffe du cœur réussie Barnard est devenu un "chirurgien star". Il était aimé de ses patients dans le monde entier, des centaines d'entre eux ont été traités gratuitement, et détesté par beaucoup d'autres qui étaient jaloux de son succès rapide.

Souvent considéré comme un personnage gâté et arrogant, il a également été considéré comme gentil et attentionné par d'autres.

Barnard était un adversaire déclaré de lois d'Afrique du Sud sur l'apartheid, et n'avait pas peur de critiquer le gouvernement de son pays, bien qu'il ait dû tempérer ses propos lors de ses voyagesà l'étranger. Plutôt que de quitter sa patrie, il a utilisé sa célébrité pour faire campagne pour un changement de la loi. Le frère de Christiaan, le docteur Marius Barnard, est entré en politique et a été élu à l'Assemblée législative sur un programme anti-apartheid. Barnard a déclaré plus tard que la raison pour laquelle il n'a jamais obtenu le prix Nobel de physiologie ou médecine était sans doute parce qu'il était un «Sud-Africain blanc"

 

 

 

 

Vie personnelle

Barnard se maria une première fois avec Aletta Gertruida Louw, une infirmière, qu'il a épousée en 1948, alors qu'il exerçait la médecine à Ceres. Le couple eut deux enfants : Deirdre (né en 1950) et André (1951-1984). La renommée internationale prit le dessus sur sa vie personnelle, et, en 1969, Barnard et sa femme divorcent.. En 1970, il épouse l'héritière Barbara Zoellner âgée de 19 ans, ils eurent deux enfants : Frédéric (né en 1972) et Christiaan Jr. (né en 1974). Ils divorcent en 1982. En 1988, Barnard épouse Karin Setzkorn, une jeune mannequin. Ils eurent également deux enfants : Armin (né en 1990) et Lara (née en 1997), mais ce dernier mariage s'est également terminé par un divorce en 2000.

Retraite

Victime d'une polyarthrite rhumatoïde des mains depuis 1956, le chirurgien cesse son activité opératoire en 1983, mais il défraie encore la chronique par ses prises de position contre l'apartheid et par sa vie amoureuse tumultueuse. En retraite, il passe deux ans en tant que chercheur en résidence à l'Institut de transplantation d'Oklahoma aux États-Unis, et en tant que consultant agissant dans différentes institutions.

C'est à cette époque qu'il s'intéresse à la recherche anti-âge. Sa réputation souffre en 1986, suite à la promotion d'une crème dermique anti-veillissement controversée, dont l'agrément avait été retiré par la FADA (United States Food and Drug Administration). Il a exprimé ses regrets de s'être impliqué dans cette recherche hasardeuse. Il a ensuite été conseillé en recherche dans une clinique Suisse; puis en Autriche où il a créé la Fondation Christiaan Barnard, qui se consacre à aider les enfants défavorisés à travers le monde; enfin  en tant que gentleman-farmer dans sa ferme à Beaufort West,en Afrique du Sud.

Il mourut le 2 septembre 2001 alors qu'il était en vacances à Paphos à Chypre après une crise d'asthme atypique, des médias ayant annoncé à tort comme cause de son décès une crise cardiaque. Il avait cinq enfants survivants.

 

- Norman Shunway, a réalisé la première transplantation aux États-Unis, le 6 janvier 1968, puis la première greffe cœur et poumon, en 1981.

- Christian Cabrol, a réalisé la première transplantation cardiaque européenne, le 27 avril 1968, à l'hôpital de la Pitié à Paris.

Sources

- Biographie de Christiaan Barnard

- Christian Neethling Barnard

- First Human Heat Transplant

- A new heart, a new era, Par Donald McRaeThe Guardian, Monday 26 June 2006

- Norman Shunway

- Le Figaro, La Fabuleuse Histoire de la Médecine, "Christiaan Barnard, l'atout cœur de la greffe", par Anne Prigent, le 19 août  2012.