Portraits d'ardéchois

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Paul-Marie-Théodore-Vincent d'INDY


1851-1931


Musicien et compositeur français

Issu d'une famille d'aristocrates et de militaires, ardéchois par ses origines, le comte Paul-Marie-Théodore-Vincent d'Indy occupa une place de tout premier plan dans l’univers musical français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Tout au long de sa vie il va garder les positions sociales et politiques, les habitudes de sa classe.

Le Cévenol

Paul Marie Théodore Vincent d'Indy est né à Paris le 27 mars 1851. Il est issu d'une famille de la noblesse vivaroise ; son ancêtre Isaïe d'Indy était capitaine sous Henri IV lorsqu'il se fixe à Boffres. Orphelin peu après sa naissance, il est confié aux soins de sa grand-mère paternelle Thérèse D'Indy dite "Rézia". En 1851, elle habite Valence dans la Drôme où elle ramène l'enfant. Aprés la mort de son mari (chef d'escadron de la garde Royale), en 1853, elle revient s'installer à Paris au 97 de la rue du Bac, auprès de ses deux fils, Antonin, le père de Vincent, et Wilfrid son oncle également musicien. En 1865, la famille déménage au n° 7 de l'avenue de Villars, où il vécut toute sa vie.

Sa grand-mère est une femme cultivée, passionnée de musique, elle-même pianiste, elle l'initie à la culture des notes et des mots. Elle commence trés tôt l'éducation musicale de son petit-fils en lui posant les mains sur un clavier dès l'âge de cinq ans et en se chargeant elle-même de l'enseignement des premiers rudiments de la musique. Rézia côtoie et reçoit le "Tout Paris" du monde musical ; le jeune Vincent est présenté par son oncle Wilfrid à Berlioz, Gounod, Rossini.

Malgré cet environnement, pendant son enfance, sa passion va surtout au dessin, à l'aquarelle, à l'histoire de France. Il subit néanmoins ses heures quotidiennes de piano et de formation musicale par obéissance plus que par goût. Ses professeurs de piano sont Marmontel et Louis Diemer, dès 13 ans son professeur d'harmonie est Albert Lavignac. L'enseignement général n'est pas négligé, c'est le couple Pessoneaux qui en a la charge, il lui apprend également l'aquarelle et le dessin.

Le travail est organisé et très étroitement surveillé par la grand-mère, tous les jours, sans variation.

À 13 ans, Rézia lui fait connaitre Chabret, le manoir de ses ancêtres, sur la commune de Boffres en Ardèche. Il y découvre le terroir de sa famille et fait connaissance de ses cousins De Pampelonne. C'est là qu' il s'éprend de sa cousine, Isabelle de Pampelonne, ainsi que des Cévennes où celle-ci demeure : c'est là que pour la première fois j'ai goûté le beau et entrevu l'idéal.

C'est à partir de 1868, semble-t-il que le jeune Vincent d'Indy emporte en Ardèche, sa boîte de couleurs afin de réaliser ses premières aquarelles.

Rézia s'opposera à une union avec Isabelle et lui imposera de ne pas la revoir… Il obéira, bien sûr, mais n'en gardera pas moins des sentiments qu'il ne pourra désormais exprimer qu'à travers la musique. Vincent l'épouse néanmoins en 1875 (après le décès de sa grand-mère). Il vouera toute sa vie un profond attachement au pays de ses origines, le Vivarais.

L'année 1869 est l'année de son bac. Rézia lui offre, en récompense, un voyage en Italie. Il est ravi et jubile de pouvoir découvrir Rome, Florence, Naples, Venise, la culture italienne, l'architecture...

Au mois d'août 1870, les Allemands envahissent la France. En septembre, après la capitulation de Sedan, sans rien dire à Rézia, il se présente au bureau de recrutement, et signe un engagement pour la durée de la guerre. Il est affecté immédiatement au 105e Bataillon de la Garde Nationale, à Issy-les-Moulineaux. Il est fier de pouvoir porter l'uniforme et comme ses ancêtres servir la Nation. Mais il vivra comme un affront la capitulation.

Libéré le 11 mars 1871, il sera obligé de quitter Paris face à l'agitation Communarde. La révolution de Paris, la guerre civile déchireront le fervent patriote.

Il écrit : Maintenant, je n'ai plus de goût à rien, excepté à la musique...

Une nouvelle vie commence

Après la guerre de 1870, il s'inscrit - sans grande conviction - comme étudiant en droit à la Sorbonne. Mais son ambition est de devenir musicien professionnel. Trois évènements vont se succéder.

Vincent d'Indy en 1910

* Le premier évènement, est sa réception, à l'âge de 20 ans, par le célèbre chef Pasdeloup qui, aprés avoir étudié la partition qu'il lui soumettait - le Scherzo de sa Symphonie Italienne (1870-1872), lui promet de l'essayer. Ce sera le 31 octobre 1871. À cette occasion il est également félicité par de prestigieux auditeurs : Massenet et Bizet.

* Le deuxième évènement, est sa rencontre avec César Franck, qui deviendra son maître pendant cinq années. Dès octobre 1872, Vincent D'Indy est l'élève assidu de César Franck pendant deux ans. Puis en 1874, il suit la classe d'orgue de César Franck au Conservatoire, et on le retrouve l'année suivante chef des chœurs aux Concerts Colonne.

* Le 21 février 1872, survient le troisième évènement important dans la vie de d'Indy, le décès de Rézia d'Indy, sa grand'mère. Seconde mère envahissante et éducatrice intransigeante, elle avait su donner au jeune Vincent une éducation culturelle et artistique élevée. Elle est ensevelie à Valence. Profitant de ses retrouvailles avec Isabelle, ils célébrèrent, sur la tombe de Rézia et dans une "intimité solenelle", leurs fiancailles si longtemps retardées par la défunte.

Au conservatoire, il obtient le second accessit d'orgue en 1874 et le premier en 1875. Il quitte alors l'institution.

Il participe avec Franck et Duparc à la création de la Société Nationale de Musique (SNM), dont il devient le plus jeune membre - puis le secrétaire en 1876 - , avant de la présider en 1890.

En 1876, c'est la révélation de la Tétralogie de Wagner dont il rédige un compte rendu enthousiaste mais tout à fait lucide. Ses compositions remarquées (en particulier pour leurs qualités d'orchestration), son influence grandissante dans la vie musicale parisienne, font rapidement de Vincent d'Indy un personnage incontournable. En 1882, il crée à l'Opéra-Comique sa première œuvre lyrique, "Attendez-moi sous l'orme". Il se fit connaître avec la trilogie symphonique "Wallenstein"(1873, achevée en 1881 ), ainsi que par la symphonie en la "Jean Hunyade" (écrit en 1874). Mais c'est dans les années 1880 que d'Indy obtient la reconnaissance du public et de ses pairs, avec "Le Chant de la Cloche", légende dramatique d'après Schiller (joué en 1886), ainsi qu'avec le "Poème des montagnes" (1881) ; il s'affirme comme le vrai chef de file de la nouvelle Ecole française.

Jusqu'en 1878, il tient les orgues de Saint-Leu-la-Forêt, il est timbalier remplaçant à l'Opéra-Comique, chef de choeurs et timbalier, aux Concerts Colonnes.

Symphonie Cévenole

En 1885, au milieu du domaine familial de Chabret, il décide d'édifier sa demeure personnelle. De son cabinet de travail avec bureau et piano, il peut contempler des paysages qui s'étendent de la vallée du Rhône aux massifs des Alpes et au Mont Blanc. C’est au château des Faugs, à l’ouest de Boffres qu’il venait chercher l’inspiration de son œuvre musicale ; il prend l'habitude de prêter l'oreille aux mélodies campagnardes, un chant local par des lavandières, des mélodies empruntées au folklore, il découvre ainsi l'intérêt de la chanson populaire et en fera un article intitulé "La Voix de la Montagne" publié dans l'Almanach Vivarois de 1928.

" Il y a de cela quelques quarante ans. Je quittai de très bon matin, la maison forestière du Mézenc avec l'intention de descendre à Borée, en suivant la ligne des crêtes jusqu'au Gerbier. À peine arrivai-je au col du Mézenc, que les grands nuages bas sommeillant au creux des montagnes commencèrent à s'étirer lourdement, et je me vis bientôt entouré de blancheurs étranges, obstruant de partout le panorama des crêtes et ne laissant à ma vue qu'un champ de quelques mètres où je ne distinguais que vaguement le sentier cependant si connu de moi.
Et je fus saisi d'un sentiment indéfinissable, de froide solitude et d'un malaise quasi fantastique, comme si mes vieilles montagnes unissaient leurs forces pour m'empêcher d'aller plus loin.
J'étais presque tenté de retourner sur mes pas, lorsque, de cet épais silence que connaissent bien, les habitants des montagnes et qu'on pourrait nommer le silence du brouillard, se détacha soudain une lente mélodie psalmodiée par des voix féminines.
Cela venait de très loin, du côté de l'Est ; cela semblait sortir des fonds escarpés que surplombent les falaises de la crête. Impossible de discerner aucune parole et, du reste, eussé-je entendu ces paroles que je ne les eusses pas comprises, car c'était, à n'en pas douter, la voix même de la montagne qui se manifestait dans son langage musical. Et, m'arrêtant pour l'écouter, je songeais à l'ancienne légende du voyageur invinciblement attiré vers les précipices par les chants des esprits montagnards.
Je tâchais - prenant le son pour guide - de me rapprocher de cette étrange musique et je m'engageai presqu'à l'aveuglette sur les pentes à pic, perdant alors toute la notion de la route.
Et les voix semblaient s'éloigner toujours…
Désespéré et transi, je finis par m'asseoir sur une roche surplombante, ne sachant plus où me diriger, lorsque, subitement tout changea.
Comme par le coup de baguette d'un enchanteur les belles nuées s'évanouirent sans laisser de trace et la lumière s'étendit, éblouissante, sur toutes les crêtes et tous les sommets.
Le soleil avait dissipé d'un puissant rayon estival, les brumes de la nuit.
Mais la mystérieuse mélodie avait cessé de se faire entendre, et, malgré la resplendissante lumière qui gagnait peu à peu, mon âme restait attristée de n'avoir pu rencontrer les fées dont les chants venaient de me charmer.
J'étais à ce moment en plein tyravail de préparation d'un drame musical éminemment montagnard et ardéchois, où je tâchais de fixer les impressions de nature et d'art ressenties au cours de mes excursions pédestres dans notre pays. Je n'aurais pu y oublier l'admirable mélodie qui est toujours restée vivante dans ma mémoire.
C'est ainsi qu'on la verra figurer dans le chant d'appel du berger, au début du deuxième acte de Fervaal"

D'indy se mit alors à récolter les airs du pays cévenol qu'i publia en 1892 et 1900 dans un recueil titré Chansons populaires du Vivarais . Il utilisa des chansons de sa province, le Vivarais, dans sa célèbre Symphonie Cévenole achevée à la fin de l'été 1886 et exécutée le 20 mars 1887 aux concert Lamoureux, ainsi que dans Jour d'été à la montagne (1906). Il composa sa troisième mélodie sans paroles à partir du chant d’un berger entendu près d' Étables.

Renaissance de l'Opéra français

 

- Fervaal - les légendes du Nord et le "folklore" français - est représenté en 1897 avec un formidable retentissement : c'est la renaissance de l'opéra français, une réponse admirable et réellement personnelle au drame wagnérien.

-L'Étranger en 1903 (salué par Fauré, Debussy, Dukas ou Magnard).

- La Légende de Saint-Christophe ("le chef d'œuvre d'un Maître") ne feront que confirmer la dimension et toute l'originalité du compositeur.

En 1890, il devint président de la Société nationale de musique, qu'il avait contribué à fonder en 1871.

La Schola Cantorum

 

Vincent d'Indy au piano

D'Indy fut un pédagogue recherché : inspecteur de l'enseignement musical de la Ville de Paris, professeur au Conservatoire (classe de direction d'orchestre).

Fondée en 1894 ou 1896 par d'Indy, Charles Bordes et Alexandre Guilmant, la Schola Cantorum fut d'abord une "école de chant liturgique et de musique religieuse" s'appliquant à la restauration de la tradition grégorienne, à la création d'une musique religieuse moderne respectueuse de la liturgie, comme à l'exécution et à la publication d'un patrimoine tombé dans l'oubli (Monteverdi, Schütz, Campra, Destouches, Clérambault, Rameau, Gluck notamment). Il y enseigna le contrepoint, la fugue et la composition. Il y forma de nombreux élèves (en particulier, Érik Satie, Albert Roussel, Arthur Honegger). L'école étend son activité à la musique profane, dispose d'un orchestre, d'une chorale et d'un bureau d'édition, et devient une alternative au Conservatoire de Paris. De son enseignement est resté son "Cours de composition musicale" (1903, 1909 et 1933).

Au seuil de sa vie

En 1903, il est chevalier du roi Léopold de Belgique et correspondant de l'Institut des Beaux Arts de Belgique.

Pendant l'affaire Dreyfus, il prend le parti des anti-sémites et avec Maurice Barrès, adhère à la Ligue de la Patrie Française.

En 1905, il entreprend une tournée aux États-Unis à la tête de l'Orchestre symphonique de Boston, qui interprète des oeuvres de César Franck, Gabriel Fauré, Claude Debussy, Paul Dukas, Ernest Chausson et d'Alberic Magnard. En 1905, Isabelle de Pampelonne meurt : c'est l'époque du poème "Souvenirs" dont la musique suffirait à placer son auteur au rang des plus grands.

De 1906 à 1922, il est membre du jury du Conservatoire de Lyon. Le 29 février 1908, il donne un concert à Moscou.

Pendant la guerre de 1914-1918, il reste à Paris et fait connaissance de la pianiste Caroline Janson, qui devient son élève et en 1920 sa seconde épouse.

Il fait construire à Agay, au bord de la Méditerranée une résidence estivale.

Il est aussi membre de l'Académie royale d'Angleterre, de la Maatschappij tot Bevordering der Toonkunst (Société pour la promotion de la musique) en Hollande et de la commission pour l'enseignement de la musique de la ville de Paris.

De son amour de la musique germanique il reste ses livres sur Beethoven (1911) et Wagner (1930). Il écrivit également un ouvrage sur Franck (1906), Rameau et Monteverdi. Après 1914, il se consacra surtout à la musique de chambre (Sonate pour violoncelle et piano en 1924-1925, Quatuor à cordes en ré bémol en 1928-1929, Quintette avec piano en 1924, Sextuor à cordes en 1928).

Il s'éteint à Paris le 2 décembre 1931.

Sources

 

- "Vincent d'Indy, compositeur Cévenol", par Walter Dominique Parmini -Cévennes Magazine n° 1749 du 18 janvier 2014.

- "Vincent d'Indy" sur musicologie.org

- "Vincent d'Indy, peintre de l'Ardèche et d'ailleurs" par Yves Ferraton, Dominique Guéniot éditeur, 2003.