Portraits d'ardéchois

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Élie REYNIER


1875 - 1953


Historien français

Maître à penser, acteur ardéchois du mouvement pacifiste et socialiste révolutionnaire.

Racines et études

 

Élie Reynier est un historien français, né à Silhac près de Chalencon, le 1er décembre 1875. Ses parents sont instituteurs d'écoles protestantes devenues écoles laïques à l'application des lois Jules Ferry du 16 juin 1881 et du 28 mars 1882.

Issu d'un milieu modeste, il intégra, après le collège de Tournon, l'École Normale Supérieure de Saint-Cloud où il entre en 1887.

Il se trouve à Paris au moment où se déroule l'affaire Dreyfus qui éclate en 1894. Élie Reynier s'engage dans le combat pour la vérité et la justice. Il est en contact avec de nombreux intellectuels et des militants de la première heure de la Ligue des Droits de l'Homme fondée en 1898.

Professeur d'École Normale

 

 

Élie Reynier sera professeur d'Histoire et géographie. Il obtient son premier poste en 1900, à Crest (Drôme). C'est là qu'il rencontre la famille Gauthier qui tient à Saillans une pension pour jeunes filles anglaises. Il épouse Marthe Gauthier 1901.

En 1904, il est nommé à l'Ecole Normale d'Instituteurs de Privas, où il enseignera pendant trente ans (de 1904 à 1934). Le couple habitait au Petit Tournon où il va y élever ses cinq enfants.

Il enseigne la géographie par des sorties sur le terrain selon les principes du géographe Raoul Blanchard, aussi à l'aise en géographie physique qu'en géographie humaine, qui disait que "la géographie s'apprend avec les pieds". Il fait étudier à ses élèves, le relief, la géologie, les cours d'eau et l'étude du milieu par de petites monigraphies, méthodes modernes à l'époqueet que ses élèves pratiqueront à leur tour.

Il enseigne également l'histoire, et incite ses élèves à réfléchir à l'interprétation de tel ou tel manuel, de constater les oublis, de chercher les documents et de confronter les opinions.

Enfin, il enseigne également l'écriture : pendant que ses élèves de l'École Normale s'entraînaient aux pleins et aux déliés, Élie Reynier lisait à haute voix et leur faisait découvrir de nouveaux auteurs. Pour lui-même il gardait les correspondances qu'il échangeaient avec les auteurs ou les coupures de presse.

Elie Reynier était encore vice-président de la Fédération des Œuvres Laïques de l'Ardèche au moment de son décès.

Auteur Œuvres

 

Élie Reybier est connu par ses ouvrages historiques sur Privas, l'Ardèche et le Vivarais. Il retraça l'histoire industrielle du pays, mines, métallurgie et soie.

- Le Pays du Vivarais (quatre éditions en 1923, 1934, 1947), fort utile aux enseignants et à ceux qui aiment observer le pays parcouru. Il s'agit d'une étude minutieuse, pointilleuse même de la géographie physique, du climat et de ses incidences et au fil des rééditions, une place de plus en plus importante accordée à l'économie et à la vie humaine.

- La soie et les mines en Vivarais (1921), réédité en 1981, ses ouvrages sont l'objet d'une étude soignée avec des tableaux précis.

- Histoire de Privas, des origines à l'époque contemporaine (1950). Il s'agit là de son œuvre la plus considérable, l'œuvre de sa vie. En quatre tomes parus de 1941 à 1951, en 1 400 pages, si précises qu'elles peuvent apparaître un peu foisonnantes, car Élie Reynier, en travailleur scrupuleux accumule les précisions qu'il détaille par des notes et références. C'est un livre auquel un chercheur peut se référer au grè de ses propres études pour y trouver une référence ou le détail qui signent le travail de l'historien.

- La Révolution de 1848 en Ardèche, écrit dans le cadre du centenaire de le IIe République. Il cite quelques chants populaires de l'époque.

- La seconde République en Ardèche, 1848-1852, réédition FOL de l'Ardèche, Privas, 1998.

- Saint-Sauveur de Montagut, réédité, une de ses dernières publications

- L'Ardèche (manuel scolaire).

- Les Écoles Normales de l'Ardèche, écrit avec Melle Louise Abrial professeur à l'E.N.F.

- Nombreux articles parus dans diverses revues et notamment dans les premiers numéros d'Envol ou dans le Bulletin du syndicat des instituteurs L'Émancipation.

Militant

 

Ancien combattant de la guerre 1914-1918, bouleversé par tant et tant de morts, il défend inlassablement les idées du pacifisme, convaincu que "la guerre ne tue pas la guerre".

Derrière l'homme et l'intellectuel, c'est l'homme que ses œuvres vont inviter à découvrir, celui qui s'engage dans tous les combats qui mènent à plus de justice et de respect de la dignité humaine ; depuis l'affaire Dreyfus jusqu'à la défense à Privas, d'un postier gréviste sanctionné en août 1953. Refusant tout dogme politique ou religieux, il s'engage dans le dévelppement du Syndicalisme et à la Ligue des Droits de l'Homme dont il dirige pendant quinze ans la Fédération Ardéchoise.

C’est au contact d'Élie Reynier, professeur d'histoire, que Pierre Broué (historien du communisme et militant trotskiste) alors collégien, cerne peu à peu sa vocation. En mai 1940 Élie Reynier est interné au camp du Chabanet sur les hauteurs de Privas ; libéré après passage dans quatre autres camps (Auvergn et Provence), à l’été 1940, le vieux militant-pédagogue est libéré mais jugé suspect et assigné à résidence. Il invite le lycéen à piocher dans sa bibliothèque : spontanément, celui-ci s’empare de la collection des Annales comme des livres de Marc Bloch ou de Georges Lefebvre. Surtout, il se jette sur les quatre volumes rouge vif de l’Histoire de la Révolution russe signés Léon Trotski. Il a 14 ans. Il héberge un enfant juif, qui fait étape chez lui entre Saillans et Le Chambon-sur-Lignon.

Homme ouvert au débat d'idées qu'il recherche. Critique véhément, affirmant son droit à la différence, n'hésitant pas à répondre souvent le même jour à tel ou tel article mais reconnaissant aussi à chacun, comme à lui-même, le droit de la liberté d'opinion. Il interviendra pour éviter les jugements trop hâtifs à la sortie de la Seconde Guerre mondiale.

Il se disait lui-même suspect ou hérétique. N'était-il pas d'abord un homme libre ?

Durand les dernières années de sa vie, il soutient Pierre Bozon enseignant comme lui l'histoire et la géographie à l'École Normale de Privas ; il encourage également le pasteur Samuel Mours à écrire son Histoire du protestantisme en Vivarais et Velay.

Élie Reynier est mort au Petit-Tournon à Privas, le 1er septembre 1953.

Notice nécrologique

 

Élie Reynier mort à Privas le 1er septembre 1953, laisse, avec le souvenir d'un éducateur qui a, au cours d'une longue carrière comme professeur  d'école normale, marqué intellectuellement et moralement des générations d'instituteurs et de professeurs ardéchois, celui d'un esprit généreux, et celui d'un savant aussi modeste qu'éprouvé. Résolument  limité à son Ardèche natale, il lui a consacré de nombreuses études qui font du Vivarais une des régions de France les mieux débrouillées géographiquement. Son Pays du Vivarais, paru d'abord en 1913 comme Introduction géographique à l'Histoire du Vivarais par Jean Régné, puis remanié à plusieurs reprises (1923, 1934, 1947), est un modèle de monographie  bien informée et méthodiquement conduite. Les trois volumes de son Histoire de Privas lui font un pendant de haute valeur. Il préparait dans les derniers mois de sa vie, un important travail sur le plateau de Vernoux, continuant une série d'études locales dont fait partie celle de Saint-Sauveur-de-Montagut. Mais il faut faire une place toute spéciale au précieux Manuel des Etudes vivaroises, paru en 1894, qui constituera longtemps encore le meilleur guide, pour quelque chercheur que ce soit dans cette région à laquelle il était si passionnément attaché. (Institut des Études Rhodaniennes) dans Saint-Sauveur de Montagut, Evolution d'une petite commune rurale par Élie Reynier

 

Sources

 

- Double Cahier sur Élie Reynier, de Mémoire d'Ardèche et Temps Présent, par de nombreux auteurs, Cahier n°61, 1999.

- Élie Reynier, historien français, par Odette Autrand,